D’Après une Idée de : Stephen Dunn
Avec Fin Argus, Candace Grace, Jesse James Keitel, Ryan O’Connell
Pays : Etats-Unis
Nombre d’Episodes : 8
Genre : Drame
Résumé :
Nouvelle-Orléans. Un groupe d’amis de la communauté LGBTQ+ voit leurs vies transformées à la suite d’une tragédie.
Avis :
Scénariste et réalisateur canadien, Stephen Dunn est encore méconnu du grand public. Il a débuté sa carrière en 2008 avec « Lionel Lonely Heart« , un court-métrage qui s’est très vite fait remarquer en festival. Malgré tout, le jeune réalisateur va ramer, mais déterminé, il va réaliser, beaucoup réaliser. Entre 2008 et 2014, il va mettre en scène pas moins de huit courts-métrages. C’est en 2015 qu’il réalise son premier film, « Closet Monster« , film qui recevra alors le prix du meilleur film canadien au Festival de Toronto. Par la suite, il réalisera quelques épisodes sur des séries, notamment un pour la série « Little America » qui va se faire remarquer.
Cet épisode de « Little America » suivait le parcours d’un syrien gay, débarqué en Amérique illégalement. Avec ce succès, la chaîne Peacock, qui cherche à remettre sur le devant de la scène la culte série « Queer as folk« , a donc fait appel à Stephen Dunn pour « showrunner » une première saison d’une nouvelle série « Queer as folk« .
Dans les séries qui ont énormément compté dans mon adolescence, il y a eu les deux versions de « Queer as folk« , et plus particulièrement la première série créée par Russell T. Davies, car en tant que jeune gay, c’était la première fois que je pouvais suivre des personnages qui me ressemblaient un peu, ou du moins qui dans leurs histoires allaient un peu plus me parler. La série anglaise datait de 1999, et autant dire qu’à cette époque-là, les personnages homos ne couraient pas vraiment les écrans. Très attaché aux deux séries, j’avais très peur de cette nouvelle version de « Queer as folk« , car à notre époque, j’ai la crainte de me retrouver devant un show qui s’engouffrerait dans l’inclusivité pour faire de l’inclusivité, et rabâcher encore et encore son message, et même si la série navigue un peu dans ces eaux-là (parfois, c’est très loin de toute subtilité et c’est très agaçant), il n’empêche que sur l’ensemble, cette première saison m’aura conquise et se sera posée toute en émotions avec une bonne idée qui donne naissance à un bon fil rouge.
Nouvelle Orléans, Brodie, qui faisait des études en médecine, vient de tout plaquer et rentre dans sa ville d’origine. Ce jour-là, il retrouve plusieurs de ses amis. Pendant ce temps, Mingus, dix-sept ans, est étudiant, et se rêve Drag Queen. D’ailleurs, ce soir-là, il se rend au Babylon, la boite gay de la ville, où Bussey organise un show de drag et la gagnante remporte une place pour son école de drag. Ce soir-là, Brodie, Mingus, Bussey, mais aussi Rodie, Noah et Dadius, se rendent au Babylon, et en milieu de nuit, la soirée bascule dans l’horreur. Leur vie ne sera alors plus jamais la même.
Troisième série à se nommer « Queer as folk« , pour cette nouvelle version, « Queer as folk » (que j’appellerais « Queer as folk 2022 ») était présentée dans les médias comme « Tétu » ou « Coming Out » comme un remake, ce qui véhiculait l’une de mes craintes, et finalement, il n’en sera rien, et c’est bien une toute nouvelle série que nous présente Stephen Dunn. Une série qui reprend quelques bases, comme l’idée d’un trio et un couple de « femmes », puis derrière ça, on y trouvera quelques symboles comme le nom de la boite de nuit, « Le Babylon », ou encore le fait que l’un des héros conduise une Jeep wrangler. Puis derrière ça, bien sûr, il y a du sexe, de la drogue et des fêtes. Pour le reste, c’est bien une toute nouvelle série à laquelle on aura le droit avec de nouveaux personnages et de nouvelles intrigues.
Pour cette version 2022, collant à son époque, la série fait le choix de plus d’inclusivité dans ses personnages, ce qui fera qu’on trouvera des personnages gays, des lesbiennes, des noirs, des blancs, des personnages handicapés, des non-binaires, des Drag Queens, etc. Si, pour beaucoup d’entre eux, on va prendre un certain plaisir à les découvrir, il faut aussi dire que cet ensemble de personnages donne aussi la sensation d’être un cahier des charges made in 2022, où le créateur et ses scénaristes se sont « amusés » à cocher toutes les cases pour n’oublier personne, et ne vexer personne. Cette démarche résonne parfois comme forcée, d’autant plus que dans le discours de certains, il y a énormément de revendications qui sont loin de toute subtilité. Une scène de dîner dans un restaurant en amoureux est on ne peut plus agaçante, tant on revendique, et revendique, et revendique.
Après, heureusement, la série n’est pas que revendications et elle arrive à toucher avec ces histoires, grâce notamment à ce premier épisode surprenant, où il sera question, en pleine fête, d’un attentat, qui fait écho évidemment à l’attentat d’Orlando en 2016. Ce fil rouge, qu’on n’a absolument pas vu arriver, va donner naissance, à travers toute la série, à une émotion qui ne retombera jamais. Difficile de se révéler après un événement comme celui-là, et derrière ça, comment réagir, ou encore comment oser ressayer de vivre normalement même si les souvenirs hanteront toujours. Malgré le discours inclusif qui parfois est balancé à la truelle, malgré souvent le manque de subtilité, ce fil rouge nous accroche et accroche les personnages, ce qui nous donne toujours envie de passer du temps en leur compagnie.
Si parfois la série est poussive dans son discours, elle arrive aussi, dans une autre mesure, à aborder de bons sujets, notamment dans le handicap, avec le personnage de Julian, parfaitement tenu par Ryan O’Connell. On peut même dire que c’est le plus beau personnage de la série, avec une histoire qui sonne simple, juste et spontanée. Idem pour ce qui entoure les personnages de Bussey ou de Ruthie, qui chacun d’eux arrive à tenir des personnages engagés dans une certaine lutte, sans pour autant en faire trop, ce qui ne va être le cas de Shar ou de Marvin, qui sont bien trop revendicatifs, et ils ont bien du mal à trouver un attachement, tant ils ne sont finalement que représentants de ce qu’ils défendent, oubliant d’être des personnages qui pourraient toucher.
À comparaison, que ce soit sur la série de 1999 ou celle de 2000, alors qu’il y avait aussi un militantisme et des sujets que les séries mettaient en avant et défendaient corps et âme, il y avait moins ce militantisme « agressif ». Les séries étaient plus subtiles, même si elles savaient aussi provoquer, notamment en montrant de manière assez crue par exemple, les sexualités diverses. Après, cette idée d’un militantisme intense s’accorde avec notre époque, mais heureusement que l’ensemble de la série n’est pas comme cela.
Cette nouvelle version de « Queer as folk« , lorsque que j’en fais la synthèse de tout ce qu’elle propose, arrive à se poser comme une bonne surprise, car au-delà de son manque de subtilité, et surtout au-delà de ses côtés poussifs, arrive à se faire touchante. Son drame, percutant en milieu du premier épisode, tout ce qui en découle, puis l’écriture de certains de ses personnages qui sont touchants, très touchants, puis qui sont tenus par des comédiens que j’ai pris plaisir à découvrir, Jesse James Keitel, Ryan O’Connell, Armand Fields, Johnny Sibilly ou encore Fin Argus. A noter aussi les présences de Juliette Lewis et Kim Cattrall.
Puis il y a ce final étonnant, qui donne envie de voir la suite très vite. Bref, entre beaux instants, et d’autres plus lourds, même si on est loin des hauteurs des deux autres séries, j’ai finalement passé un chouette moment devant cette série.
Note : 12/20
Par Cinéted