D’Après une Idée de : Igor Gotesman et Pierre Niney
Avec Pierre Niney, François Civil, Géraldine Nakache, Pascal Demolon
Pays : France
Nombre d’Episodes : 7
Genre : Comédie
Résumé :
Raphaël Valande entame le tournage de son premier long-métrage : une aventure traversant les époques depuis la préhistoire jusqu’au débarquement en passant par les vikings… pour rendre hommage à la vie héroïque de sa grand-mère résistante. Mais rapidement, les problèmes s’accumulent et le tournage tourne peu à peu au cauchemar. Et pour cause : quelqu’un de l’équipe tente de saborder son film de l’intérieur…
Avis :
On réduit souvent les séries françaises à des productions que l’on retrouve sur les chaînes de la télé. Pourtant, si on jette un coup d’œil sur les différentes plateformes de streaming, on trouve des séries françaises diverses et variées, et qui n’hésitent pas à prendre des risques. On peut en penser ce que l’on veut, mais c’est sur Disney+ que l’on retrouve la série de science-fiction Parallèles. C’est sur Prime Video que l’on peut découvrir le sulfureux Ourika. Et c’est sur Netflix que l’on retrouve l’horrifique Marianne. Bref, des séries qui ont des défauts, mais qui osent sortir des carcans audiovisuels, bien loin du policier avec un épisode/une enquête, et essayant de partir dans le genre. Avec Fiasco, Igor Gotesman, et son pote Pierre Niney, plongent dans la comédie, tout en y injectant des éléments du genre, notamment dans la mise en scène.
Le scénario est assez simple. On va suivre Raphaël Valande, un jeune réalisateur qui a écrit un scénario sur la vie de sa grand-mère, ancienne résistante, et qui a imaginé ses vies antérieures dans d’autres époques. Seulement, le tournage va être un naufrage, les tuiles s’enchainant les unes après les autres, avec, en prime, une taupe qui fait tout pour faire capoter le film. Afin de voir les images de ce drame, on a droit à tout le making-of qui explique les raisons de cet échec, ainsi que la recherche de la personne qui tente de saborder tout le projet. Bref, dans ses grandes lignes, Fiasco raconte les aléas d’un tournage qui vire au règlement de compte et aux galères en tout genre.
D’un point de vue écriture, la série est vraiment très drôle. Les premiers épisodes utilisent un humour malaisant, qui joue continuellement sur les frasques d’un metteur en scène stressé, timide, et qui se laisse déborder par ses émotions. On retrouve des dialogues ciselés qui sont énormément basés sur des jeux de mots ou des situations loufoques (on pense alors à la réflexion, « je suis au fond du trou » alors que Pascal Demolon est bien au fond d‘un trou) et la série joue beaucoup sur des situations grotesques, des quiproquos, des mensonges ou des entourloupes pour ne pas se faire gauler. Cet humour correspond parfaitement à Pierre Niney et François Civil, qui s’éclatent comme des petits fous à travers des personnages différents mais relativement attachants.
En plus d’un humour malin qui évolue au fil de l’intrigue, Fiasco approche tous les thèmes qui ont un rapport avec un tournage de cinéma et le métier de réalisateur. On y retrouve l’ambition démesurée d’un jeune metteur en scène qui a du mal à s’imposer. Certains acteurs confirmés sont de vraies ordures prétentieuses (Vincent Cassel est très bon là-dedans) qui imposent leur choix, quitte à abîmer la vision de l’auteur. On aura droit aussi à tous les aléas de la production, qui veut faire des réductions de budget un peu partout pour dépenser le moins possible. Et tout cela sans compter sur la jeune première crédule qui se fait avoir, le producteur véreux qui fait tout pour arnaquer le vrai producteur afin d’alimenter les caisses du tournage, ou encore les problèmes techniques qui s’accumulent.
En plus de cela, la série n’oublie pas de parler de ce qu’il y a autour du tournage, avec tous les métiers qui gravitent au sein du septième art. Le cantinier qui a souffert du Covid et qui n’a plus de goût ou d’odorat. La maquilleuse qui fait croire qu’elle a un cancer pour ne pas se faire virer. La cascadeuse qui va être victime d’un accident. On peut aussi citer la stagiaire qui est un peu la bonne à tout faire, mais qui se régale dans ce milieu. Bref, Fiasco est très riche dans ce qu’il raconte du cinéma. On sent que les scénaristes sont amoureux de cet art et ils souhaitent lui rendre hommage, montrant tout le courage et l’abnégation qu’il faut pour tourner un film. Et cela sans compter sur une petite réflexion intéressante sur la fin : Faut-il risquer sa vie pour le succès ?
Fiasco est aussi une série de personnages, et il y en a beaucoup. Pour autant, même si on sent que certains sont plus développés que d’autres, il n’y a pas de déséquilibre entre personnages principaux et secondaires. Raphaël Valande est un réalisateur un peu paumé, trop timide pour ce genre de métier, venant d’une famille d’agriculteurs qui ne comprend pas ses choix. Il est amoureux de l’actrice principale, mais il n’ose pas lui avouer. Dans son travail, il est aidé par un producteur has been, tout aussi paumé que lui, qui met des billes dans le film sans trop compter. Pour l’aider dans son entreprise, il est accompagné de Tom, son meilleur ami, qui va devenir Bartabé, un faux producteur loufoque, mais il prend son rôle trop à cœur. On peut aussi noter d’autres rôles plus secondaires, mais tout aussi touchants, comme l’assistante, la stagiaire ou encore le cuisinier.
Enfin, si le casting est impeccable, le scénario plutôt malin et l’humour vraiment très drôle, il y a deux choses qui font que Fiasco est une réussite : sa réalisation et son penchant pour un humour noir. Ici, on est quasiment uniquement sur des plans cachés, caméra à l’épaule, ou sur du reportage. Cela donne un aspect plus vrai à la série, et le dernier épisode est clairement un film dans le film. Une mise en abîme intelligente qui change de ce que l’on a l’habitude de voir. Et puis il y a aussi une propension à faire un humour un peu cringe, mais qui marche du tonnerre. Les deux scénaristes y vont à fond dans le mauvais goût, avec des blagues pipi/caca, mais n’hésitant pas aussi à rigoler des nazis, du racisme ou du handicap, ce qui fait du bien dans la production française parfois trop lisse.
Au final, Fiasco est une série humoristique française totalement réussie. Non seulement c’est très drôle, mais c’est aussi bien écrit, avec un humour qui prend souvent des risques, allant sur des chemins caillouteux. Pour autant, les vannes tombent toujours à point, les personnages sont relativement attachants et empathiques et les thèmes abordés ont tous un lien avec le cinéma et démontre un environnement qui peut vite devenir toxique. Bref, la série d’Igor Gotesman et de Pierre Niney est une véritable bouffée d’air frais qui fait du bien au moral et aux zygomatiques.
Note : 17/20
Par AqME