avril 24, 2024

L’Atelier

De : Laurent Cantet

Avec Marina Foïs, Matthieu Lucci, Warda Rammach, Issam Talbi

Année : 2017

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

La Ciotat, été 2016. Antoine a accepté de suivre un atelier d’écriture où quelques jeunes en insertion doivent écrire un roman noir avec l’aide d’Olivia, une romancière connue. Le travail d’écriture va faire resurgir le passé ouvrier de la ville, son chantier naval fermé depuis 25 ans, toute une nostalgie qui n’intéresse pas Antoine. Davantage connecté à l’anxiété du monde actuel, il va s’opposer rapidement au groupe et à Olivia, que la violence du jeune homme va alarmer autant que séduire.

Avis :

Laurent Cantet est un cinéaste français assez discret et pourtant, cela fait presque quarante ans maintenant qu’il exerce, et au-delà de ça, qu’il s’est bâti une jolie carrière, dans laquelle on compte neuf longs-métrages, deux César, une Palme d’or et des collaborations avec pas mal de réalisateurs comme Dominik Moll, Gilles Marchand ou Robin Campillo. Après avoir quitté les années 2000 avec une Palme d’Or pour « Entre les murs« , Laurent Cantet enchaîne les années 2010 avec des films assez différents les uns des autres, posant sa caméra en Amérique dans les années 50 pour « Foxfire« , ou encore posant cette même caméra à Cuba pour « Retour à Ithaque« .

Après avoir voyagé un petit bout, le réalisateur fait son retour en France et plus précisément du côté de La Ciotat pour y suivre une romancière de renom venu animer un atelier d’écriture pour jeunes le temps d’un été. Revenant sur ses sujets de prédilection, comme l’éducation et la lutte des classes, Laurent Cantet nous entraîne dans un premier temps dans un film qui pique grandement notre intérêt. Il faut dire que le sujet est intéressant et la direction dans laquelle la trame a tout l’air d’aller laisse présager un bon drame. Mais malheureusement, même si le film a de belles qualités, et parfois même une tension palpable qui s’invite à l’écran, l’ensemble est inégal, et cet « … atelier » donne la sensation de se chercher, en tournant très vite en rond. Du coup, longueurs et intérêt se conjuguent, ce qui nous laisse une sensation très partagée.

La Ciotat, été 2016, Olivia est une romancière de renom qui a décidé le temps d’un été d’animé un atelier d’écriture pour jeunes. Les jeunes qui vont y participer devront écrire ensemble un roman noir, qui sera par la suite publié. Tous sont volontaires et pendant les séances d’écriture, les idées fusent. Les idées, mais aussi les confrontations, car au milieu de cette dizaine de jeunes gens, l’un d’eux sort du lot. Il s’appelle Antoine, un jeune taciturne, peu sociable, qui a des idées bien arrêtées. Si tous arrivent à s’accorder sur la direction du roman, Antoine est dans l’exact opposé, remettant en cause beaucoup de ce qui est proposé, puis derrière ça, Antoine fait souvent dans la provocation gratuite. Le jeune garçon fascine la romancière, mais au fil des séances de groupes, les tensions finissent par se tendre, énormément se tendre…

Comme souvent, c’est entre le documentaire et la fiction que Laurent Cantet a placé sa caméra pour peintre le portrait d’une jeunesse multiculturelle et parfois souvent influencée.

« L’atelier » est un film qui pourrait résonner un peu comme la suite de « Entre les murs » tant les ingrédients sont quelque peu les mêmes. Si les personnages ne sont pas les mêmes, lorsque l’on regarde les deux films, on retrouve cette même spontanéité chez les jeunes, Laurent Cantet y parle d’éducation, de l’importance de celle-ci et derrière ça, au travers des discussions et des provocations amenées par le personnage d’Antoine (très bien campé par Matthieu Lucci), le scénario qu’ont écrit Laurent Cantet et Robin Campillo aborde beaucoup de sujets d’actualité, notamment la montée de l’extrémisme chez certains jeunes. Au demeurant très intéressant, juste et subtil, « L’atelier« , dès son ouverture, et la présentation de ces personnages, pose de bonnes bases et l’on se laisse volontiers attraper par toute cette imagination et ces propositions.

Très vite, Laurent Cantet fait ressortir un sujet parmi tous, la montée d’idées extrémistes, et le traumatisme lié aux attentats du 13 Novembre 2015. Mais voilà, une fois toutes les pièces mises en place, et malgré le talent de ces jeunes acteurs, « L’atelier » est un film qui va comme sécher sur place. Certes, le réalisateur continuera d’analyser tout du long ses personnages, mais entre séances de discussion pour l’écriture de ce roman et fascination dérangeante de l’écrivaine pour ce jeune sous influence, finalement cet « … atelier » tourne en rond et a bien du mal à trouver où et comment il va nous emmener vers un final. Un final qui apparaît comme assez frustrant, car si l’on finit par s’ennuyer, il y a aussi quelque chose qui fait qu’on reste accroché dans l’attente que Laurent Cantet finisse par retrouver son sentier et nous entraîne vers quelque chose de prenant, mais rien n’y fera.

Malgré parfois de la tension qui naît, malgré une romancière qui creuse un peu son jeune « élève », rien de rien, et l’on quittera cet « … atelier » sur un non-dit. C’est vraiment dommage, car il y a beaucoup d’ingrédients réunis, et l’on a l’impression, une fois le générique défilant, que Laurent Cantet aura utilisé à peine la moitié du potentiel de tous ces éléments. En fait, à bien y penser, même si le film est juste dans la spontanéité qu’il dégage, il manque de confrontations. Beaucoup des discussions, sur bien des regards, sont intéressantes, mais finalement, sur l’ensemble, elles glissent sur leurs personnages et sur les scènes, comme si elles n’étaient que survolées par le réalisateur et c’est bien dommage, car ici, il y a vraiment de quoi faire un film très prenant.

Ce sentiment est aussi assez agaçant dans le sens où il est bien tenu par ses jeunes acteurs. Comme souvent, Laurent Cantet tire beaucoup de justesse chez ses comédiens, dont certains vont sortir du lot et s’imposer, Matthieu Lucci déjà cité plus haut, Julien Souve, Warda Rammach. Puis pour canaliser tous ces esprits, et creuser un peu le personnage d’Antoine, Laurent Cantet a fait appel à Marina Foïs, qui se trouve être excellente en romancière que le scénario finit par rendre énigmatique, ce qui est dommage.

Je ressors donc partagé de cet « … atelier« . Partagé entre un sujet prenant et une façon de faire intéressante (du moins au départ) et un ennui et une attente que le film commence enfin, ce qui n’arrivera jamais vraiment. Laurent Cantet avait bien des cartes en mains et « L’atelier » donne la sensation d’une hésitation, ne sachant pas vraiment quoi faire de ce très bon jeu et où aller. Restera alors d’une ouverture prenante, quelques instants parsemés sur presque deux heures, de bons acteurs, qui sonnent parfois comme de bonnes découvertes et une mise en scène qui conjugue fiction et documentaire. Bref, cet « … atelier » se pose comme une intéressante déception.

Note : 10/20

Par Cinéted

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