Auteur : Franck Thilliez
Editeur : Fleuve Noir
Genre : Thriller
Résumé :
Une scène de pure folie dans un chalet. Une victime au visage réduit en bouillie à coups de tisonnier. Et une suspecte atteinte d’une étrange amnésie. Camille Nijinski, en charge de l’enquête, a besoin de comprendre cette subite perte de mémoire, mais le psychiatre avec lequel elle s’entretient a bien plus à lui apprendre. Car avant de tout oublier, sa patiente lui a confié son histoire. Une histoire longue et complexe. Sans doute la plus extraordinaire que Camille entendra de toute sa carrière.
Avis :
Dans le domaine du polar, comme dans d’autres genres littéraires, il est des auteurs qui s’avancent comme des valeurs sûres. Cela ne tient pas uniquement à un succès commercial, mais également à une constance dans la qualité de leurs ouvrages. En un peu plus de 15 ans, Franck Thilliez est devenu incontournable. Au gré de ses histoires, souvent glauques, singulières et prenantes, il a tissé l’une des œuvres les plus novatrices et immersives du XXIe siècle. Même ses romans les moins « marquants » s’avèrent nettement supérieurs à la production de masse. Sobrement intitulé Labyrinthes, son nouvel ouvrage ne manque pas le rendez-vous annuel. Seulement, le résultat laisse pour le moins perplexe…
Le présent livre part d’un postulat ambitieux en abordant le récit à travers cinq points de vue différents. Si les fondamentaux du genre demeurent exigeants à maîtriser, un tel traitement ne peut se faire qu’au travers d’une plume expérimentée. Cela tient, entre autres, à une tension constante, un suspense entretenu ou à des ramifications vraisemblables. À cela, on peut ajouter un contexte particulier et un certain sens du réalisme pour dépeindre des affaires qui dépassent souvent l’entendement. En d’autres termes, l’auteur de La Chambre des morts est le plus indiqué pour s’atteler à un projet aussi complexe qu’enthousiasmant.
Pour autant, l’entame ne se montre guère intrigante avec une alternance de points de vue qui peinent à trouver un fil directeur. Certes, on a beau deviner que les évènements se recoupent ultérieurement. Il n’en reste pas moins que le propos demeure trop évasif pour distinguer un début de piste. De même, on se heurte à des situations convenues dans le sens où l’impression de déjà-vu, pour ne pas dire réchauffé, prévaut. Et c’est bien là le problème de Labyrinthes : ressasser les principales occurrences du polar, du thriller et, plus généralement, de l’œuvre littéraire de Franck Thilliez. En d’autres termes, c’est comme si l’on nous présentait une synthèse, une sorte de « best of » de ce qu’il a pu écrire jusqu’alors.
Afin d’illustrer cette remarque, on distingue d’innombrables références. Ainsi, les troubles de la mémoire ne sont pas sans rappeler « La Mémoire fantôme ». Le point de vue de la romancière coincée dans un cadre isolé évoque « La Forêt des ombres ». La partie consacrée au film 8 mm fait clairement penser au « Syndrome E » avec la reprise du clin d’œil à « Cannibal Holocaust » à l’appui. Quant à la mise en abîme de l’histoire elle-même, il est difficile de ne pas songer au « Manuscrit inachevé » ou à sa suite directe : « Il était deux fois ». On peut conclure ce festival par quelques allusions plus ou moins flagrantes à « Puzzle » et « Vertige ».
Cela ne constitue qu’une poignée d’exemples non exhaustifs. Il est d’autant plus rare de constater une telle succession de références à un niveau d’écriture aussi abouti. Le mélange ne fonctionne guère et semble davantage voué à perdre le lecteur qu’à l’aiguiller sur la bonne voie. Ce n’est pas forcément un tort, mais la progression délite l’intérêt au fil des chapitres et des points de vue. Étant donné le sujet du snuff et sa connotation glauque, la tonalité sordide est belle et bien présente. Cependant, elle ne s’affranchit guère de ce qui a pu être réalisé auparavant. L’aspect est dérangeant, mais la violence en devient banale tant il semble que les scènes en question aient déjà été exposées sous d’autres horizons.
Au final, Labyrinthes interpelle dans le mauvais sens du terme. L’idée de base a beau être ambitieuse, le traitement n’est guère convaincant. L’architecture du récit est confuse au possible, alternant entre des points de vue à l’intérêt fluctuant ; d’investigations sommaires en séquestrations et séances de tortures. Mais l’ouvrage pâtit surtout d’un aspect ultra-référentiel aux précédentes histoires de Franck Thilliez. L’ensemble s’avance alors comme une synthèse plus ou moins probante qui écarte tout semblant d’originalité. Tout respire le déjà-vu. Et ce n’est pas le concept labyrinthique destiné à perdre les protagonistes et le lecteur qui changera la donne. En espérant qu’il s’agit d’une exception dans l’excellence de la bibliographie de l’auteur…
Note : 08/20
Par Dante