De : Ben Sharrock
Avec Sidse Babett Knudsen, Amir El-Masry, Kenneth Collard, Vikash Bhai
Année : 2022
Pays : Angleterre
Genre : Drame
Résumé :
Sur une petite île de pêcheurs en Écosse, un groupe de demandeurs d’asile attendent de connaitre leur sort. Face à des habitants loufoques et des situations ubuesques, chacun s’accroche à la promesse d’une vie meilleure Parmi eux se trouve Omar, un jeune musicien syrien, qui transporte où qu’il aille l’instrument légué par son grand-père. Entre poésie, émotion et humour, Ben Sharrock livre un film poignant sur le sort des réfugiés.
Avis :
Réalisateur écossais, Ben Sharrock est né à Édimbourg et c’est dans sa ville qu’il reçoit pour son premier film en 2015 le Michael Powell Awards du meilleur film britannique. Sharrock a fait des études à l’université d’Édimbourg d’où il obtient une maîtrise en langue arabe et en science politique. Par la suite, il se lance dans la réalisation de courts-métrages. Entre 2011 et 2015, il en réalisera trois, avant de présenter donc son premier film, « Pikadero« , un film fait avec trois bouts de ficelle et zéro budget.
Tourné avant le Covid, ayant décroché le label Cannes 2020, le deuxième film de Ben Sharrock est une œuvre singulière, à l’ambiance particulière. Posant sa caméra sur une petite île perdue quelque part en Écosse, Ben Sharrock s’arrête alors sur les réfugiés et leur intégration, ou du moins leur attente d’acceptation d’asile politique. Intéressant dans son fond, beau dans sa forme, même si le rythme est si particulier qu’il réserve quelques longueurs, « Limbo » est un métrage qui envoûte, et derrière ça, c’est un film qui arrive aussi bien à nous faire sourire avec de petites touches d’humour bien placées, que nous toucher, avec le portrait de ces hommes bien loin des clichés et autres visions qu’on a l’habitude de voir.
Omar est syrien et comme beaucoup, il a fui son pays. Aujourd’hui, Omar a fait une demande d’asile en Écosse et dans l’attente de l’approbation ou du refus, Omar est dans une maison pour réfugiés perdue quelque part sur une petite île de pêcheurs. Ici, chacun fait avec ses espoirs et ses désillusions. Ici, le choc des cultures s’affronte dans des rencontres étranges et éphémères. Omar, qui est musicien, transporte partout avec lui un oud légué par son grand-père. Un instrument dont Omar est passionné, mais dont il n’arrive plus à jouer depuis son départ de Syrie. Entre des allées et venues qui n’ont pour but que de tuer le temps, un jour, l’un des colocataires d’Omar lui parle d’un concours où il pourrait de nouveau jouer.
« Limbo » est le film qui aura sûrement l’une des visions et des ambiances les plus singulières de cette année de cinéma 2022. Et oui, la première chose qui frappe dans le film de Ben Sharrock, c’est l’ambiance étrange, partagée entre drame, loufoque, et un sentiment d’oppression. Cette ambiance imprègne l’écran dès les premières images et sa scène d’ouverture aussi drôle qu’elle est assez dramatique lorsqu’on la regarde de plus près.
Avec cette ambiance, le metteur en scène écossais a donc décidé de s’intéresser à ceux qu’on appelle les migrants, et pour cela, il nous entraîne là où l’on ne pensait absolument pas en trouver, sur une petite île écossaise qui a l’air d’être tout bonnement aux confins du monde. Nous présentant plusieurs personnages venus de divers pays en guerre, le réalisateur explore à travers eux, les espoirs, les désillusions, le pourquoi partir, pourquoi rester ou encore pourquoi tenter une demande d’asile dans tel ou tel pays. « Limbo« , de par le kaléidoscope qu’il présente, se fait très intéressant et l’on se laisse toucher par ces destins si particuliers.
Bon, il est vrai que parmi eux, le personnage d’Omar prend une place plus importante, se posant à la fois comme un observateur des autres personnages qu’on découvre à travers ses yeux, que comme un personnage très intéressant, voire même passionnant, car Ben Sharrock le développe énormément, le faisant interagir avec ses proches, eux aussi réfugiés d’autres pays, lui donnant un fond qui touche, notamment avec sa relation à la musique, ou encore plus profond, lui offrant une culpabilité d’avoir quitté son pays et de n’être pas resté auprès de ceux qu’il aime.
Pour incarner ce personnage, Ben Sharrock a fait appel à Amir El-Masry, un comédien qu’on prend plaisir à découvrir et qui nous offre une composition aussi touchante qu’elle nous offre des touches de surréalisme parfois, ce qui pousse encore un peu plus le curseur du film dans la singularité.
Cette singularité, comme je le disais, on la trouve aussi et surtout dans la composition de Ben Sharrock qui nous offre une mise en scène aussi épurée que marquante. Sur un format en 4/3, « Limbo » est un film qui « joue » sur plusieurs tableaux, tant le style et tous les genres qu’il peut traverser le rendent finalement indéfinissable. Ben Sharrock mélange de la comédie et du drame, pour un résultat qui parfois ira dans le loufoque, ou le choc des cultures avec lequel il s’amuse, puis parfois, d’un coup, il change d’axe et enfonce son film dans le drame, nous prenant à revers pour mieux nous toucher. L’ensemble est assez déroutant et en même temps, le tout est envoûtant, même si à certains moments, le style de Ben Sharrock peut aussi avoir ses limites, créant un ventre mou en milieu de séance, ce qui provoque quelques longueurs. Des longueurs qui ne dureront pas, car le réalisateur se rattrape et bouscule son film pour nous entraîner vers un film tout en culture et émotion.
Ainsi donc, ce deuxième film pour l’écossais Ben Sharrock est une petite et bonne expérience. Visuellement étonnant, doté d’une ambiance unique jouant aussi bien sur la mise en scène que dans sa narration ou encore dans le jeu de ses acteurs, « Limbo« , malgré ses petites longueurs, est un film qui envoûte et qui derrière ça, intéresse de par son sujet et la peinture de ses personnages. Sans être la priorité de cette semaine-là, si jamais l’envie vous en dit, « Limbo » reste à voir.
Note : 13,5/20
Par Cinéted