avril 26, 2024

En Même Temps – Collés Serrés

De : Benoît Delépine et Gustave Kervern

Avec Vincent Macaigne, Jonathan Cohen, India Hair, Jehnny Beth

Année : 2022

Pays : France

Genre : Comédie

Résumé :

A la veille d’un vote pour entériner la construction d’un parc de loisirs à la place d’une forêt primaire, un maire de droite décomplexée essaye de corrompre son confrère écologiste. Mais ils se font piéger par un groupe de jeunes activistes féministes qui réussit à les coller ensemble. Une folle nuit commence alors pour les deux hommes, unis contre leur gré.

Avis :

Depuis presque une vingtaine d’années maintenant, il y a un duo de cinéastes qui dynamite un peu la comédie française. Ce duo, c’est Gustave Kervern et Benoît Delépine. Acteur chacun de leur côté, les deux se rencontrent sur la fausse émission « Groland » au cours des années 90. Comme les deux s’entendent très bien, très vite les idées fussent et des projets naissent. Leur premier film en tant que réalisateurs, « Aaltra« , date de 2004 et depuis ils ont mis en scène dix films, parmi lesquels « Saint-Amour« , « Louise Michel« , « I Feel Good » ou encore « Le grand soir« .

Deux ans après « Effacer l’historique« , film où les deux réalisateurs se moquaient de l’hyper connexion des gens, les voici de retour avec ce qui est leur comédie la plus politique, « En même temps« . Kervern et Delépine aiment s’amuser avec les maux de la société et alors qu’ils auraient pu faire un film autour du Covid, les deux ont choisi la politique, avec une image saugrenue qui leur est arrivée en tête, celle de deux hommes politiques, de deux partis radicalement opposés, qui se retrouvent collés l’un à l’autre contre leur gré. Avec ce pitch ubuesque, les deux réalisateurs nous offrent une comédie hilarante, où chacun en prend pour son grade pour notre plus grand plaisir.

Didier Béquet est un maire d’extrême droite qui a mis beaucoup de ce qu’il avait dans la possible construction d’un parc de loisirs et de détente. Pour construire ce parc, une forêt primaire doit disparaître, et à notre époque, le projet a bien du mal à passer. Pour avoir des appuis, Didier doit absolument convaincre Pascal Molitor, le maire d’une petite ville voisine. Or, le monsieur est un écologiste de gauche qui ne veut pas entendre parler de ce projet. Après un dîner plutôt arrosé, les deux hommes vont se faire piéger par un groupe de féministes radical, qui va réussir à les coller dans une très mauvaise position. Commence alors, pour les deux maires, une nuit mouvementée avec pour seule ambition, trouver une solution pour les décoller.

« En même temps » est un film qui porte parfaitement son titre. Pitch improbable pour le nouveau Kervern et Delépine, « En même temps » est un film qui fait sourire d’emblée, rien qu’à l’évocation de cette idée assez saugrenue et en même temps pas tant que ça (quand je vous dis qu’il porte bien son titre).

Comédie débridée, « En même temps » est un film qui s’amuse grassement avec notre société. Tournée rapidement et montée encore plus vite (la fin du tournage a eu lieu le 18 décembre dernier), afin que cette comédie politique puisse sortir avant les élections et ainsi tomber à pic, « En même temps » est un film qui tire avec humour sur tout ce qui bouge. Au travers d’une nuit mouvementée qui ressemble à un ensemble de sketches bien ficelés les uns avec les autres, le scénario de Kervern et Delépine s’amusent de tout. La politique bien sûr, et les convictions des deux maires sont les premiers à en faire les frais, et qu’est-ce que c’est drôle, et encore plus avec cette folle idée.

Ainsi, au gré des rencontres qui résonnent comme des espoirs pour être décollé, le duo de réalisateurs caricature à peu près tous les partis et les personnalités avec de petites répliques cinglantes bien placées, avec des références hilarantes ici et là. D’ailleurs, le film est si riche que pour choper toutes les références et les idées, il va falloir plus d’un visionnage. Puis ce scénario ne s’attaque pas seulement à la politique. Non, avec lui, et à travers lui, les deux metteurs en scène s’amusent avec tout un tas de sujets, les féministes sont un gros pan du film, l’écologie en est un autre, puis il y a la lutte LGBT, il y a la police, les pros Trump, le passage à l’électrique, les chasseurs, et j’en oublie bien sûr, tant le film a bien du mal à s’arrêter dans son délire.

D’ailleurs, s’il est bien riche et très drôle, ce « trop plein » peut être aussi sa faiblesse, car « En même temps » a tendance à s’étirer sur sa fin, et pour le coup, alors qu’il avait été très bien dosé jusque-là, dans ses dernières minutes, il en fait trop et c’est quelque peu dommage, en même temps, il n’y a pas de quoi gâcher la fête non plus.

Si le film fonctionne très bien aussi, c’est grâce à son duo de comédiens très collés serrés. Hilarant de bout en bout, Jonathan Cohen en maire d’extrême droite ou presque, avec comme inspiration Laurent Wauquiez, est tordant d’opportunisme et de fourberies. Quant à Vincent Macaigne en maire écolo à tendance Yannick Jadot, ses engagements, son envie de politique juste et sans triche, et ses contradictions, le rendent lui aussi tordant. Alors voir et surtout suivre ces deux oppositions, que ce soit en termes de jeu, mais aussi de politique, collées l’un à l’autre, il y a tout pour nous offrir du culte. On ajoutera à ce décor, le trio de féministes abusives, diaboliquement incarnées par India Hair, Jehnny Beth et Doully, l’une des « présentatrices » de Groland depuis 2020, qui fait ici ses premiers pas sur grand écran. S’en suit après la famille Kervern et Delépine qu’on prend toujours plaisir à voir, Yolande Moreau, Anna Mouglalis, et quelques nouveaux, Leaticia Dosch et François Damiens.

Cette idée folle, voire même audacieuse, car il fallait oser faire un film comme celui-là avec une idée pareille, est donc une belle réussite de la part du duo de cinéastes français, qui livre-là une comédie politique qui tombe vraiment à pic. Tordante de bout en bout, même si elle s’étend un peu sur sa fin, « En même temps » est un film plein d’idées dans sa mise en scène. Le tout oscille entre acidité et caricature, les deux cinéastes continuant de sonder notre société, ses sujets, ses maux et ici, au-dessus de tout, ses politiques, avec leurs égos, leurs positions, leurs convictions, et c’est un vrai plaisir. Un plaisir d’autant plus fort avec Jonathan Cohen et Vincent Macaigne collés malgré eux. Assurément la comédie de la semaine.

Note : 15/20

Par Cinéted

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