avril 19, 2024

Trois Fois Rien – Sans Abri et Plein Cœur

De : Nadège Loiseau

Avec Philippe Rebbot, Antoine Bertrand, Côme Levin, Emilie Caen

Année : 2022

Pays : France

Genre : Comédie

Résumé :

Brindille, Casquette et La Flèche vivent comme ils peuvent, au jour le jour, dans le bois de Vincennes. Mais leur situation précaire devrait changer du tout au tout le jour où ils gagnent au Loto. Encore faut-il pouvoir encaisser l’argent, car sans domicile, pas de carte d’identité à jour et sans compte bancaire, pas de paiement !

Avis :

Après des études dans le textile, Nadège Loiseau commence une carrière dans la communication. Puis petit à petit, le cinéma se fait sentir et la jeune cinéaste se fait la main avec des courts-métrages. En 2007, elle tourne un court pour Canal +, puis en 2012, elle en tourne un autre qui va être les prémices de son premier long, « Le petit Locataire« . Le long, elle le tournera en 2016 et s’imposera comme l’une des bonnes comédies de cette année-là.

Forte de ce premier succès, Nadège Loiseau enchaîne en 2019 avec un deuxième film, or, comme beaucoup, si le film est vite mis en boite, le Covid s’invite à la fête, il lui faudra patienter plus de deux ans pour que son film trouve le chemin des salles de cinéma.

Mais nous y voilà, et « Trois fois rien » pointe le bout de son nez et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’encore une fois, la cinéaste nous offre une belle surprise. Prenant une autre direction, étant entre guillemets plus sombre, « Trois fois rien » se révèle être un joli bout de cinéma, entre drôleries, voire plus encore, et émotion, avec un joli et triste sujet, très bien exploré de la part de sa metteuse en scène, mais aussi son trio de comédiens en tout point parfait.

Casquette et Brindille cohabitent ensemble dans une petite cabane de fortune dans le bois de Vincennes. Leur quotidien est partagé entre mendicité, hygiène aux bains publics et rêves d’évasion, si jamais, un jour, leurs numéros tombent au loto. Un matin, ils font la connaissance de la Flèche, un jeune d’une vingtaine d’années, lui aussi à la rue et qui vient d’arriver à Paris. Casquette le prend sous son aile, et ce jour-là, La Flèche va leur porter chance, car c’est lui qui va cocher les cases de la grille du loto et presque tous les numéros vont tomber. Dès lors, voilà que nos trois sans domicile sont les heureux gagnants de deux-cent-quatre mille euros, mais pour encaisser cette somme, et surtout se réinsérer, c’est loin d’être aussi facile qu’on l’imagine.

Distribué comme une comédie, « Trois fois rien » va se révéler être bien plus que cela. Revenant sur un sujet grave, la réinsertion de SDF, Nadège Loiseau nous offre là un film qui sait parfaitement comment conjuguer le rire, et même les éclats de rire, à l’émotion, en construisant une intrigue riche, forte et humaine.

Il y a beaucoup de liberté et de sincérité dans le cinéma de Nadège Loiseau et la cinéaste nous entraîne très facilement dans un film qui aurait été facilement casse-gueule et caricatural chez d’autres. Évitant les pièges du misérabilisme, du déjà vu, du pathos et du poussif, « Trois fois rien » se fraye un chemin directement dans nos cœurs. Si l’on s’amuse à suivre ces trois loosers, dont la cohabitation nous réserve plein de surprises, d’engueulades et de moments assez fuckés, Nadège Loiseau saura surtout nous toucher et nous bousculer en injectant dans son film des sous-intrigues qui apportent tant de richesses, de solidité et de délicatesse à l’ensemble.

Ainsi, le scénario, avec trois fois rien, explore ses personnages, explique parfois les chutes, développe les rêves, les envies et les difficultés pour arriver à retrouver son chemin. Si l’on sera touché par les parcours de Casquette (génial Philippe Rebbot) et de La Flèche (tordant, non, hilarant, Côme Levin), il faut dire que le film fait la part belle au personnage de Brindille, incarné par le divin et toujours aussi magique, et ici bouleversant, Antoine Bertrand.

« Trois fois rien« , à travers cette histoire et ses personnages, est aussi un film qui explore l’administration française. Ici, le simple fait de pouvoir encaisser un chèque devient un véritable parcours du combattant, dans une administration qui ne fait pas d’exception et n’essaie même pas de s’adapter aux cas exceptionnels. La réalisatrice, en s’amusant de cet état de fait, pique gentiment les banques, les agents de location, ou encore les administrations de mairie ou encore les consulats. Bref, donc en plus d’être drôle et touchant, « Trois fois rien » se fait aussi un chouilla grinçant et surtout, c’est un film qui est intelligent dans sa démarche et dans son cinéma plus largement.

« Trois fois rien« , c’est aussi une comédie qui est soignée dans son image et son rythme. Très court, à peine une heure et demi, « Trois fois rien » explore toute une palette de cinéma, n’hésitant jamais à s’aventurer dans de la pure comédie, avant de revenir à quelque chose de plus sérieux. L’ensemble est beau, c’est bien filmé, c’est porté par une BO touchante et bien vue, signée du mari de la réalisatrice, Guillaume Loiseau. Puis derrière tout ça, on sera aussi très étonné du ton qui parfois pousse vers quelque chose de poétique, une scène en particulier où trois amis dansent sous la pluie, qui est assez superbe en tout point.

Si le film fonctionne aussi bien, c’est grâce à ce trio de comédiens géniaux, pour qui Nadège Loiseau a écrit les rôles. Les trois étaient déjà dans « Le petit Locataire« , dans des rôles plus ou moins forts, et ici, la metteuse en scène leur offre de l’or avec quoi beaucoup s’amuser. Par contre, derrière ces trois personnages, on restera un poil déçu de ne pas vraiment en avoir d’autres qui existent. Il y aura bien celui de Nadège Beausson-Diagne, mais ça s’arrêtera là. À noter par contre une guest star pour une raclette party hilarante en une réplique.

Après un joli premier film, Nadège Loiseau revient avec un second film qui est une belle réussite, et derrière ça, « Trois fois rien » se pose comme la surprise de la semaine, car si l’on pense trouver une comédie qui nous offre de quoi se marrer, on a surtout trouvé un film qui derrière les éclats de rire (et il y en a), nous entraîne dans une histoire humaine, réelle, triste et toute en émotion. Bref, assurément le coup de cœur de la semaine et l’on attend désormais le troisième film de Nadège Loiseau avec beaucoup de curiosité.

Note : 15/20

Par Cinéted

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