mars 28, 2024

Kung-Fu Zohra – Coups Pour Couilles

De : Mabrouk El Merchi

Avec Sabrina Ouazani, Ramzy Bedia, Eye Haïdara, Marie Cornillon

Année : 2022

Pays : France

Genre : Comédie, Action

Résumé :

Persuadée qu’une rupture briserait le cœur de sa petite fille, Zohra n’arrive pas à quitter son mari Omar malgré les violences qu’elle subit. C’est alors qu’elle rencontre un maître de Kung-Fu qui va lui apprendre à se défendre et à rendre désormais coup pour coup !

Avis :

Réalisateur français, Mabrouk El Mechri est un cinéaste au parcours assez étonnant. Il commence sa carrière en tant qu’assistant-réalisateur de Mathieu Kassovitz sur « La Haine« . Entre 1998 et 2003, il réalise trois courts-métrages et se fait remarquer par des producteurs de chez Gaumont qui lui propose de lui produire son premier film. Ce sera « Virgil » en 2005. Par la suite, El Mechri connaît un joli succès avec son deuxième film. Un film inclassable, puisqu’il s’agit de « JCVD« , comédie qui s’amuse à conjuguer la fiction et le réel. Face à ce succès, Mabrouk El Mechri s’est envolé pour les États-Unis avec moins de succès pour un film d’espionnage sorti en 2012, « Sans issue« .

Après dix ans passés loin des grands écrans, Mabrouk El Mechri fait son retour en salle obscure avec un film pour le moins étonnant, « Kung-fu Zohra« . Lorsque j’ai découvert ce film au travers de son affiche, je me suis dit « sérieux, il y a un mec qui a fait un film de Kung-fu en banlieue parisienne. Je veux voir ce truc ! ». Vendu comme une comédie déjantée, « Kung-fu Zohra » va se révéler être un film assez étonnant, notamment par le ton qu’offre El Mechri. Oscillant entre le drame et des moments complétement fuckés, tenant un sujet grave dans son fond qu’El Mechri prend au sérieux, « Kung-fu Zohra » se fait alors moins fun que prévu et plus touchant. L’alliance de deux genres, sur cette histoire, cette envie de cinéma, cette envie de drame et de comédie mélangé, ça donne un film différent de ce que l’on a l’habitude de voir et finalement, on passe un bon petit moment devant « Kung-fu Zohra« .

Lorsque Zohra et Omar se rencontrent, c’est le coup de foudre. Omar fait rire Zora comme jamais on ne l’avait fait auparavant et ensemble, ils sont bien. Puis le temps s’installe, et alors que Zora s’épanouit dans sa vie, Omar, lui, la déteste. Arrive alors les premières engueulades, la jalousie, et les premiers coups. Très vite, le bonheur s’est enfui et Zohra se retrouve prisonnière, ce qui s’aggrave encore un peu plus lorsqu’elle donne naissance à une petite fille. Ainsi, les années passent entre les sourires et les bleus. Puis un jour, Zohra décide d’apprendre à se défendre. Au départ seule, elle va un jour faire la connaissance d’un maître Kung-fu qui va lui apprendre à rendre les coups et au-dessus ça, à prendre confiance en elle pour pouvoir rendre ces coups…

Avec son affiche fuckée, avec sa bande-annonce qui joue le ton de la comédie, « Kung-fu Zohra » est un film dont je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, tant le cinéma français est capable du pire (surtout en termes de comédie), comme du meilleur parfois, nous réservant de bonnes surprises. Ce à quoi je n’avais pas pensé, c’est que derrière ce qui semblait être un délire, on trouvait le metteur en scène de « JCVD » et ce nouveau film de Mabrouk El Mechri va se loger quelque part entre la bonne surprise et le film imparfait.

La bonne surprise, parce que le film nous offre un ton différent de celui auquel on s’attendait et surtout, il dépasse son délire qu’on nous vendait. Imparfait, car malgré l’ensemble qui nous fait passer un bon moment, « Kung-fu Zohra » a des longueurs, et a du mal à se mettre sur ses rails.

Ainsi, si vous vous attendiez à un film délire de bout en bout, ou a un film d’action en cité banlieusarde, passez votre chemin, car le nouveau El Mechri est tout autre. « Kung-fu Zohra » est un drame qui est teinté de comédie complétement barrée, et d’un final tout en action. Ici, il ne s’agit pas d’un fight entre Sabrina Ouazani et Ramzy Bédia (même si c’est ce qui finira par arriver). Non, « Kung-fu Zohra » est un film qui peint l’engrenage d’une femme qui, pour sortir des coups de son mari, va devoir prendre confiance en elle. Comme je le disais, le film met du temps à démarrer. Mal vendu, on est surpris par le ton sombre que « Kung-fu Zohra » emploie. Alors qu’on s’attendait à une comédie, Mabrouk El Mechri prend le temps de raconter ce couple, cette rencontre, les sourires, l’emprise de ce mari et la condition de cette femme.

Le scénario est un vrai drame, qui injecte quelques soupçons de comédie. Bien écrit et bien raconté, El Mechri construit son récit pour finalement aller dans l’improbable, avec la rencontre d’un maître kung-fu, qui va petit à petit apprendre ce qu’il sait à cette femme battue. Dès lors, le film aurait pu être un concours de fights drôlissimes, mais là encore, ce ne sera pas le cas, car El Mechri a toujours en tête ce drame, qu’il ne traite pas à la légère et ainsi, apprendre à rendre les coups est une chose, avoir confiance pour les rendre, avoir l’assurance pour les rendre, en est une autre.

« Kung-fu Zohra » se fait donc par ce biais touchant, car le portrait que peint petit à petit El Mechri est tendre. Puis enfin, quand le metteur en scène aura fini de raconter tout ce qu’il pouvait avoir à dire sur cette femme et son parcours, enfin, il se laissera aller à la comédie déjantée et complétement fuckée qu’il laissait transparaître par petites touches. On pourra même dire que ce fight final a quelque chose de jubilatoire, car en plus d’être drôle dans sa mise en scène, Mabrouk El Mechri fera plein de clins d’œil à tout un tas de films de Kung-fu et autres films avec Jackie Chan par exemple.

Après, comme je le disais, le film de El Mechri est imparfait. Il met du temps à démarrer, comme si son réalisateur cherchait la façon de lier drame et délire. Le film a du mal avec ses transitions, cédant parfois à la facilité du raccourci. Le film s’amuse avec des clichés et si parfois, c’est très drôle, d’autres fois, ça peut tomber à plat. On trouvera aussi des personnages qui arrivent comme un cheveu sur la soupe (coucou Olivia Cote).

Du côté de son casting, ce dernier est excellent de bout en bout. Ramzy Bedia en mari violent, homme qui hait sa vie, et père adorable, compose un personnage intéressant. On trouve Eye Haïdara en meilleure amie et confidente, mais aussi témoin silencieux des faits. L’idée de raconter cette histoire de son point de vue est bonne. Puis il y a aussi ce maître Kung-fu assez drôle et fun dans le cliché du maître kung-fu (d’ailleurs, dans sa mise en scène et ses idées autour du Kung-fu, El Mechri reprend tout le cahier des charges du film de l’apprenti et offre ce que l’on est venu chercher de ce côté-là).

Mais dans ce film, c’est bien surtout Sabrina Ouazani qui étonne et touche. L’actrice qui s’est parfaitement préparée, assure ses combats le plus possible, s’éclate avec ce rôle et surtout, elle arrive à trouver la juste mesure entre ce que l’intrigue lui demande, ce qui n’est pas une mince affaire, face à toute l’évolution de son personnage, passant de femme battue à celui de « maître kung-fu » et femme émancipée.

Après dix ans d’absence en salle, Mabrouk El Mechri fait un retour avec un film étonnant, voire même osé. Un film qui réussit, avec une plus ou moins grande mesure, à conjuguer un sujet sérieux et grave avec un final complétement barré. Mélangeant les genres, assumant totalement son film, offrant quelque chose de différent, bousculant un peu le paysage du cinéma français, prenant le temps de raconter quelque chose tout en faisant muer son film, « Kung-fu Zohra » nous fait passer un bon moment de cinéma et nous fait espérer ne pas attendre dix ans de plus avant de revoir un film de Mabrouk El Mechri.

Note : 14/20

Par Cinéted

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.