De : Marion Desseigne-Ravel
Avec Lina El Arabi, Esther Bernet-Rollande, Mahia Zrouki, Kiyane Benarama
Année : 2022
Pays : France
Genre : Drame, Romance
Réumé :
Sur un mur de mon quartier, on a tagué : Le premier qui tombe amoureux a perdu.
C’est vrai. Parce qu’après, tout le monde parle sur toi et t’es à la merci.
J’ai perdu. Je suis amoureuse d’une fille, je ne sais pas quoi faire…
Avis :
C’est en participant à un documentaire sur des sans-papiers que Marion Desseigne-Ravel découvre le cinéma. Pour elle, c’est une révélation et dès lors elle s’installe à Paris, quartier de la goutte d’Or, et s’inscrit à l’école de la Fémis. À partir de là, elle découvre le travail avec les acteurs et écrit, puis réalise plusieurs courts-métrages qui vont être sélectionnés et primés dans différents festivals. Entre 2010 et 2019, elle réalise quatre courts, et écrit beaucoup de scénarios, pour elle bien sûr, mais aussi pour d’autres. On a pu voir son nom notamment l’année passée sur « La terre des hommes« .
Bouleversée par les manifestations contre le mariage pour tous, pour son premier film, Marion Desseigne-Ravel n’a pas choisi la facilité, puisqu’elle a décidé d’aborder l’homosexualité féminine dans des quartiers où cette dernière est loin d’être tolérée. Touchant, aussi juste que caricatural, Marion Desseigne-Ravel livre avec « Les meilleures » un film intéressant, qui nous plonge au plus près de ces personnages, pour une découverte de soi qui est loin d’être évidente. Tenu par deux actrices qui crèvent l’écran, ces « … meilleures » se pose comme l’un des jolis petits films de la semaine.
Nedjma habite le quartier de la goutte d’Or à Paris. La jeune fille est assez complexe, car elle se plie à la loi des copines, et plus largement du quartier. Nedjma est en apparence dure, elle se cache derrière une carapace où rien ne filtre. Puis un jour, elle rencontre Zina, une jeune fille de son âge qui vient d’emménager. Dès l’or, tout vole en éclats, et Nedjma ne sait quoi faire et comment réagir face à ce désir naissant et surtout face aux jugements des autres, des copines, qui, elle le sait, seront pleines de jugements.
L’amour, c’est un sujet inépuisable que le cinéma ne cesse d’aborder et dont les réalisateurs et réalisatrices ne cessent d’en être fascinés. L’amour encore et toujours, l’amour partout, tout le temps, et c’est de l’amour qu’a décidé de parler Marion Desseigne-Ravel pour son premier film. Un amour qui se découvre dans des conditions difficiles. Un amour qui ne se vit pas de la même manière selon là d’où l’on vient et dans ces « … meilleures« , cet amour pourrait presque être interdit, car il tombe facilement sous l’œil des jugements, sous l’œil de la trahison et plus largement de l’incompréhension.
« Les meilleures » est un film qui est tout en nuances. Une palette de nuances qui utilise toutes les couleurs possibles allant d’un côté dans la beauté de portraits de personnages et l’autre parfois dans l’extrême, poussant à la caricature. Tenu par un joli scénario, « les meilleures » est un film qui joue sur plusieurs terrains. Pour raconter ces personnages, Marion Desseigne-Ravel puise alors dans le film social, peignant son quartier et sa loi. La jeune réalisatrice aborde l’œil du quartier qui est capable de tout faire dans son microcosme, glorifiant certains, pourrissant les autres. À travers ces personnages, la réalisatrice questionne aussi les générations, et les priorités de ces dernières, quand certaines cherchaient la liberté, aujourd’hui, certaines ne vivent plus que pour protéger une réputation.
D’un autre côté, « Les meilleures » est aussi un film romantique, doublé d’une belle et triste histoire d’amour. Un amour qui se découvre, qui s’attire, les premiers flirtes, le cœur qui s’emballe, le désir qui monte, les premières fois… Bref, une belle histoire qui, on le sait, sera aussi rattrapée par le quartier et son l’œil plein de jugements. Un œil dur qui laisse malheureusement transparaître pour ces personnages l’horrible dicton qui dit que pour vivre heureux, il faut vivre caché. Puis enfin, derrière le social et derrière la romance, le film de Marion Desseigne-Ravel s’aventure aussi dans le teen movie, décrivant des bandes d’adolescentes qui s’amusent, qui rient, qui sont, au départ, soudées et qui se trahissent (soi-disant). Bref, le film de Marion Desseigne-Ravel est riche, et même si parfois le trait est grossi, au point de tomber dans la caricature, il en ressort avant tout un film qui sonne juste dans son ensemble et l’on se laisse facilement entraîner dans celui-ci.
Puis si l’on se laisse entraîner aussi, c’est grâce à ces actrices et notamment Lina El Arabi et Esther Bernet-Rollande qui incarnent ces deux amoureuses perdues dans le dix-huitième arrondissement. Marion Desseigne-Ravel a réussi à capturer une très belle alchimie, et ces deux comédiennes composent deux personnages à l’opposé l’une de l’autre, et elles se complètent parfaitement. À noter qu’Esther Bernet-Rollande, dont c’est la première fois à l’écran, est étonnante et captivante de bout en bout. Assurément, on devrait la retrouver dans la prochaine sélection des espoirs féminins (tout comme Lina El Arabi qui crève l’écran). À noter aussi l’impeccable prestation de Laetitia Kerfa en chef de bande rivale.
« Les meilleures » est donc un premier film qui a ses maladresses, ses traits grossis, mais derrière ça, c’est aussi et surtout un premier film qui a ses moments de grâce, et nous offre deux magnifiques amoureuses qu’on se plaît à suivre et derrière ça, la cinéaste nous offre deux actrices passionnantes. Bref, certes, tout n’est pas juste, mais ces « … meilleures » reste un joli film qui mérite bien qu’on s’y arrête.
Note : 14,5/20
Par Cinéted