avril 25, 2024

Adlivun – Voyage Inuit

Auteur : Vincenzo Balzano

Editeur : Ankama

Genre : Fantastique, Horreur

Résumé :

1847, Angleterre. La Mary Céleste, navire du capitaine Briggs, est accosté au port de Douvres. Les autorités britanniques sont à la recherche d’hommes assez téméraires pour retrouver l’Erebus et le Terror, deux vaisseaux d’exploration disparus il y a un peu plus d’un an lors d’une expédition en Arctique.

Motivés par une belle récompense, Briggs et son équipage décident d’entreprendre la mission de sauvetage. Mais une fois arrivés en terre inuite, ils tombent sur un navire fantôme, trop petit pour être l’Erebus ou le Terror. Leur périple prend alors une tournure inattendue…

Avis :

Dans la mythologie inuite, Adlivun est la frontière entre la mer et la terre dans laquelle les esprits s’en vont avant de partir pour le monde de la Lune, où ils reposent en paix. C’est donc de là que provient le titre énigmatique de la nouvelle bande-dessinée de Vincenzo Balzano, qui nous avait déjà conquis avec Clinton Road. Ici, l’auteur décide de combiner la mythologie inuite avec la légende la plus connue des marins, celle du Mary Celeste. En effet, il s’agit d’un bateau qui a été retrouvé vide en 1872 au large des Açores, et tout l’équipage n’a jamais été retrouvé. Forcement, cela est propice à tous les fantasmes et c’est ce que va voir Vincenzo Balzano en utilisant ce bateau pour retrouver les épaves de l’Erebus et du Terror, disparu en terres glacées. Nous partons alors dans un récit fantastique, éthéré, à la limite de l’horreur.

C’est la mer qui prend l’homme

Le récit commence dans une taverne tout ce qu’il y a de plus banale, avec ce qu’il faut de poivrots et de marins en manque de boisson. Le capitaine Briggs y apprend que deux grosses épaves sont recherchées, avec une prime très intéressante qui permettrait à lui et son équipage de couler des jours heureux. En sortant de la taverne, le capitaine croise une jeune fille énigmatique qui va peut-être le point de départ d’une épopée fantasmagorique. Alors que tout le monde n’est pas forcément ravi de reprendre la mer aussi vite, le voyage va s’avérer compliqué, avec des avaries en tout genre et trois membres de l’équipage qui tombe rapidement malade. Pour autant, cédant au chant des sirènes, Briggs maintient son cap, vouant un culte dangereux à la mer et à ses légendes. L’histoire va alors revisiter la quête folle d’un homme au crépuscule de sa vie.

Car oui, si Adlivun propose un voyage maritime semé d’embûches, il n’en oublie pas pour autant ses personnages qui doivent avoir un peu d’épaisseur pour mieux nous toucher. Ainsi donc, on voit rapidement que Briggs est un homme malade, puisqu’il tousse du sang, et il sait qu’il n’en a pas pour longtemps. Ce voyage pourrait bien être son départ pour les cieux, au sein d’un continent glacé peuplé d’êtres magiques et étranges. Cette folie douce amènera alors son lot d’inconvénients et seul Jack semble voir l’obsession de son capitaine, au point de lui tenir tête. Mais l’amour entre les deux hommes est profond, scellant un destin funeste pour qui connait la légende du Mary Celeste. L’auteur prend alors ce récit à bras le corps pour décrire une aventure lugubre et glaciale, s’amusant en mélanger plusieurs légendes et autres récits historiques.

L’Horreur antédiluvienne

Dès les premières pages, l’auteur nous plonge dans une ambiance assez mortifère et lugubre. Les couleurs chaudes de la taverne contrastent avec le bleu froid de la nuit et de l’extérieur, démontrant déjà une volonté de créer une atmosphère glaciale. La rencontre avec la jeune fille dans la rue ajoute un contexte angoissant, la représentant comme un spectre du bateau du capitaine. Vincenzo Balzano utilise tout son talent pour projeter une imagerie particulière, avec une aquarelle qui favorise des aplats de couleurs nuancées. Cette sensation de froid atteint son paroxysme à l’arrivée dans les terres glacées, avec ce qu’il faut d’apparitions effrayantes et de légendes. Les totems qui se dévoilent, l’exploration d’épaves au fond de l’eau, les masques qui flottent ou encore cet enfant qui vit au fond d’un des deux bateaux échoués, tout cela offre une atmosphère angoissante à souhait.

Et tout ceci va permettre d’explorer non seulement les légendes inuites, mais aussi de faire des références à des auteurs connus. Difficile de ne pas penser à H.P. Lovecraft malgré l’absence de tentacules. Ici, l’ambiance froide, l’exploration maritime et terrestre d’un territoire glacé, les quelques géants qui viennent peupler les cauchemars de certains marins, tout ceci évoque l’écrivain de Providence. Difficile aussi de ne pas penser à Dan Simmons et son roman Terreur, avec ce bateau pris dans les glaces. Vincenzo Balzano brasse de nombreuses références, mais il trouve aussi son identité. Dans le dessin bien évidemment, absolument splendide (certaines planches sont des tableaux à encadrer), mais aussi dans le déroulement de son histoire, qui perd le lecteur entre réalité et fantasmes éthérés. Une vraie réussite sur le plan visuel, qui nous fait voyager dans des territoires effrayants et envoûtants.

Au final, Adlivun est une véritable réussite. L’auteur s’accapare la légende du Mary Celeste pour en réécrire une nouvelle, à la frontière entre Dan Simmons et H.P. Lovecraft. Les dessins, sublimes, donnent une ambiance particulière à l’ensemble, comme si le livre lui-même était un doux cauchemar envoûtant, et les choix de couleurs finissent par parachever un récit fantastique. Parfois mutique, souvent délicat, Vincenzo Balzano approfondit son art et son exploration de ces hommes vides qui cherchent un sens à leur vie. Après Clinton Road, le thème majeur est repris ici, avec plus de justesse et une ambiance plus sombre. Bref, une excellente surprise qui, en prime, donne l’envie d’une suite à la lecture de la dernière page.

Note : 18/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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