avril 26, 2024

Une Jeune Fille qui va Bien – Vivre dans sa Bulle

De : Sandrine Kiberlain

Avec Rebecca Marder, André Marcon, Anthony Bajon, Françoise Widhoff

Année : 2022

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Irène, jeune fille juive, vit l’élan de ses 19 ans à Paris, l’été 1942. Sa famille la regarde découvrir le monde, ses amitiés, son nouvel amour, sa passion du théâtre… Irène veut devenir actrice et ses journées s’enchaînent dans l’insouciance de sa jeunesse.

Avis :

Dans le paysage du cinéma français, du côté des acteurs, Sandrine Kiberlain est sûrement l’une des actrices qui tourne le plus, qui est le plus aimée du public, et dont les films, pour la plupart, se transforment en succès, en atteste les films « 9 Mois ferme« , « Pupille« , « Quand on a dix-sept ans« , « Les 2 Alfred« , ou encore « On est fait pour s’entendre« . Alors qu’elle a déjà plus de trente ans de carrière, Sandrine Kiberlain se lance dans un nouveau défi, cela de l’écriture et de la réalisation. Elle qui n’a jamais prémédité le fait de passer un jour derrière la caméra, avait une histoire en tête et comme elle le dit elle-même « – Je ne me serais pas lancée si je ne m’étais pas sentie « capable » d’être à cette place-là. » Ainsi, après avoir testé la réalisation en 2016 avec un court-métrage, « Bonne figure« , voici que Sandrine Kiberlain débarque dans les salles obscures avec une nouvelle casquette.

Pour son premier film, Sandrine Kiberlain se lance dans un sujet et une époque assez complexe, puisque cette « … jeune fille qui va bien » est un film qui se passe sous l’occupation de Paris à l’été 1942. Étonnant, prenant et touchant, ce premier film signé Kiberlain se pose comme une jolie réussite, car la jeune cinéaste évite tous les clichés et les « ce à quoi l’on pouvait s’attendre », pour nous offrir un film plein de vie et de lumière. Posant sa caméra en 42, on sera aussi surpris de se trouver devant un film intemporel, qui n’a pas besoin d’appuyer son époque pour raconter son histoire. En fait, on pourrait presque y voir une dystopie certes passée, mais aussi à venir, ce qui est assez incroyable à bien y penser.

Eté 1942, Paris, Irène est une jeune fille juive qui rêve de théâtre. Ses journées, Irène les passe avec insouciance, partagée entre ses textes qu’elle apprend et les garçons, dont elle tombe facilement amoureuse. Alors qu’autour d’elle la vie se complexifie, et que les restrictions envers les juifs se font de plus en plus présentes, Irène va bien, et ne se trouve absolument pas inquiète de l’avenir…

Sandrine Kiberlain qui passe à la réalisation, forcément l’idée piquait amplement ma curiosité, d’autant plus que la jeune réalisatrice arrive d’emblée avec un film au sujet lourd, et à la sortie de la salle, cette « … jeune fille qui va bien » est un film très étonnant dans sa démarche et au-delà de ça, c’est un film touchant, qui est tenu par une jeune actrice qui tient là son premier grand rôle et autant dire qu’elle crève l’écran.

Ce qui est étonnant avec ce film, c’est l’idée que cette histoire qui se passe en 1942 à Paris, ce qui entraîne d’emblée tout ce que l’on peut savoir de cette sombre époque, ne ressemble pas vraiment aux autres films qu’on a pu voir jusque-là, dans cette époque-là. Alors bien sûr, l’histoire étant ce qu’elle est, le quotidien de son personnage et de cette famille va être de plus en plus complexe, avec les lois anti-juives qui vont pulluler (le tampon mention juive sur les cartes d’identité, les privations, les lieux interdits, l’étoile jaune), mais très étrangement, Sandrine Kiberlain n’a pas voulu appuyer sur l’époque. En fait, la réalisatrice part du principe que nous connaissons l’époque, et pour cela, elle n’a pas besoin de surenchérir avec des allemands à tous les coins de rue, ou encore des drapeaux flottants sur les bâtiments.

C’est très intelligent de sa part, car même si cette histoire se passe en 42, cette idée fait que ce film véhicule avec lui quelque chose d’intemporel. Il y a quelque chose qui s’échappe de lui, qui fait que cette histoire, ces privations, et les ressentis de cette famille face à tout cela, peut se placer dans n’importe quelle époque. On pourrait presque dire, tant les décors et les costumes sont simples, que ce film pourrait être une dystopie qui se passerait aussi bien dans le passé que dans un avenir.

De plus, Sandrine Kiberlain se concentre entièrement sur son personnage et la sorte de bulle dans laquelle elle évolue. Une bulle pleine de lumière, d’espoir et d’avenir, alors même que tout autour de son personnage, l’époque s’assombrit. Le scénario tient beaucoup de détails qui sont très intelligemment amenés par sa réalisatrice, qui encore une fois part du principe qu’elle n’a pas besoin de tout expliquer, car le public est intelligent et comprend tout à fait ce qui se passe à l’écran, des personnages qui disparaissent du jour au lendemain, des décisions prises qui impliquent beaucoup de choses pour l’avenir, et puis il y a ce plan final, terrible et terrifiant, avec lequel on ressort de la salle, et qui ne nous quittera pas pendant un petit bout de temps.

Si le film nous attrape aussi, c’est grâce à son actrice principale, qui tient là un rôle magnifique, elle transcende de par sa joie de vivre, sa bonne humeur, ses espoirs de jeune fille de dix-neuf ans, qui on le sait, sera sans doute rattrapée par la réalité de son époque. Cette jeune actrice, c’est Rebecca Marder et elle est toute simplement incroyable de bout en bout. C’est bien simple, on ne voit qu’elle, alors même qu’elle est très bien accompagnée par André Marcon, Anthony Bajon, François Widhoff, Cyril Metzger, Ben Attal, ou encore India Hair qui livre une très belle interprétation, notamment dans les derniers instants du film.

Subtil donc, tendre et émouvant, terrible et terrifiant, quand le rouge de la vie laisse place au noir, tenu par une actrice impeccable, des idées de mise en scène originales, notamment dans le choix de ne pas faire tant résonner que ça 1942 et l’occupation, ce premier film pour Sandrine Kiberlain est très étonnant de par tous les angles que la jeune cinéaste a choisi d’explorer. Cette « … jeune fille qui va bien » se pose comme une première belle réussite qui laisse présager un autre bel avenir pour sa réalisatrice, si toutefois elle a envie de retenter l’expérience.

Note : 16/20

Par Cinéted

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