avril 25, 2024
BD

Shadow Life – Ma Grand-Mère, Cette Héroïne

Auteures : Hiromi Goto et Ann Xu

Editeur : Ankama

Genre : Fantastique, Tranche de Vie

Résumé :

Kumiko est placée à Pâturages Verts, une maison de retraite prisée. Ses filles étaient, certes, bien intentionnées en choisissant cet endroit pour elle, mais la veuve de soixante-seize ans s’enfuit au bout de quelques jours. Rebelle et indépendante, elle refuse qu’on lui dicte sa condition et emménage seule dans un appartement, gardant le lieu secret. Kumiko se délecte des petits plaisirs quotidiens : décorer à sa guise, manger ce qu’elle veut et aller nager à la piscine. Sauf que quelque chose l’a suivie dans ses bagages : l’ombre de la mort… Kumiko sait comment l’arrêter : elle décide de s’équiper d’un aspirateur et de capturer le mauvais esprit ! Mais peut-on vraiment échapper à la Grande Faucheuse ?

Avis :

Hiromi Goto est une autrice d’origine japonaise qui a immigré avec sa famille au Canada en 1969. Dans les années 90, elle publie Chorus of Mushrooms, qui relate la vie d’une japonaise au Canada. Le récit est un succès et l’écrivaine reçoit le Commonwealth Writer’s Prize for Best First Book. Depuis, elle continue d’écrire, aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse, et sur plusieurs médiums. Pour preuve avec Shadow Life, qui est un roman graphique dessiné par Ann Xu, une autrice de bande dessinée américaine. Ensemble, les deux femmes racontent l’histoire de Kumiko, une grand-mère de 76 ans qui souhaite vivre seule, et qui va devoir faire face à la mort. Mais avec son fort caractère et sa joie de vivre, elle ne va pas se laisser faire, et elle va nouer des amitiés inédites, ainsi qu’en retrouver de passées.

Ma grand-mère, cette héroïne

Il est très compliqué de retrouver, dans la pop culture, des héroïnes d’un certain âge. Si on rajoute à cela le côté queer, la maladie, l’incontinence ou encore un physique qui n’est plus très frais, on est dans quelque chose de novateur, et de très intéressant. Ici, l’autrice fait le pari de mettre en avant une vieille femme qui refuse la maison de retraite et qui décide de vivre seule afin de profiter de chaque instant. Cette femme forte, c’est Kumiko, qui ne veut pas couper les ponts avec ses filles, mais qui souhaite montrer au monde qu’elle est encore capable de s’occuper d’elle-même et de vivre pleinement. Une vie qui va devenir tumultueuse avec une maladie qui sera symbolisée par la mort, et qu’elle va combattre avec fougue, enfermant l’ombre de la faucheuse dans un aspirateur.

Mélangeant alors fantastique et tranche de vie, les deux autrices arrivent à produire une histoire à la fois touchante et mélancolique. Touchante car cette grand-mère a une force de caractère incroyable et elle va réussir à emporter tout son quartier dans sa bonhommie. Elle ne juge personne et va même trouver l’amitié dans des personnages insolites, à l’image de Yusuf le voisin qui prend soin d’elle, ou encore Meena, une vendeuse d’aspirateur qui ressemble à un garçon. Kumiko va réussir à se forger de belles amitiés grâce à sa joie communicatrice et à cette volonté de profiter de tout, tout le temps. On peut en tirer ici une vraie leçon de vie, démontrant qu’il n’y a pas d’âge pour se faire des amis et être heureux. A côté de ce côté touchant, il y a aussi un aspect mélancolique qui vient toucher aux souvenirs d’une vie remplie.

Ne pas oublier le passé

Car Shadow Life ne se contente pas de raconter la nouvelle vie d’une septuagénaire, ou encore son combat contre une mort qui se montre revêche. Ici, on va aussi avoir droit à quelques flashbacks sur une vie simple, et pourtant percluse de moments tristes. La perte de son mari, Samuel, dans un accident de voiture. Sa séparation avec Alice qu’elle va retrouver pour se faire soigner son bras. Sa vie de petite fille avec ses parents. Bref, on aura droit à des moments clés d’une vie normale et heureuse, avec ce qu’il faut de drames tout à fait plausibles. Mais le plus fort dans ces moments, c’est qu’ils ne prennent jamais le pas sur l’histoire principale, qu’ils sont distillés avec parcimonie, avec justesse, afin de nous toucher un peu plus et d’approfondir un personnage déjà touchant. Le seul bémol viendra peut-être de la fin de l’histoire.

En effet, si on appréciera grandement les relations tumultueuses entre la grand-mère et sa cadette. Si on sera touché par les dégâts de l’âge sur une vieille dame qui refuse de se faire aider. Le dernier tiers, avec son allégorie de la mort en forme d’araignée laisse plutôt dubitatif. Le combat devient alors véritable, et le récit ne devient que graphique, avec très peu de dialogues et des passages un peu étranges qui nous sortent de cette mélancolie douce. Alors l’idée est très bonne et on trouve même un folklore sympathique avec la passeuse, mais tout cela reste trop fantastique d’un coup. Si l’ombre de la mort et les petites créatures étaient omniprésentes dans le récit, cela restait en filigrane, en constant rappel de la présence de cette ombre. Et d’un coup, on plonge en plein délire qui montre la force de cette grand-mère, mais qui reste assez obscur.

Au final, Shadow Life est un superbe récit qui prend tous les courants de la pop culture à revers. Mettant en avant une grand-mère de 76 ans queer et malade combattant une mort omniprésente, les deux autrices délivrent un récit touchant, qui possède ces moments de douce mélancolie et ces moments de bravoure. Le dessin, épuré, les dialogues, minimalistes, confèrent à l’ensemble une atmosphère particulière qui convient parfaitement à l’ensemble du récit. En bref, un ovni littéraire qui remue quelques sentiments enfouis, à l’image de la nostalgie, du temps qui passe, et du temps qui reste.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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