De : Mouloud Achour et Dominique Baumard
Avec Roman Frayssinet, Djimo, Ludivine Sagnier, Kyan Khojandi
Année : 2021
Pays : France
Genre : Comédie
Résumé :
Patrick et Sébastien passent la pire journée de leur vie. En quelques heures, ils deviennent les méchants les plus recherchés de France. La raison ? Une fake news montée de toutes pièces par Virginie Arioule, présentatrice d’une chaine de débat prête à tout pour faire de l’audience, quitte à pactiser avec des trafiquants de clics.
Avis :
Mouloud Achour et Dominique Baumard sont deux réalisateurs qui « débutent » au cinéma. Dominique Baumard, qui est le moins connu de ce duo, a tout d’abord fait des études à la Fémis, avant de se lancer dans l’écriture. On retrouvera son nom aux scénarios de films comme « Roulez Jeunesse » de Julien Guetta, sur certains épisodes du « … bureau des légendes » ou encore dernièrement sur « La troisième guerre« , film avec Anthony Bajon, sorti il y a quelque peu. Le plus connu des deux, c’est donc Mouloud Achour, journaliste et passionné de culture hip hop. Après avoir fait de la presse écrite, Mouloud Achour s’est surtout fait connaître au milieu des années 2000 lorsqu’il officiait dans « La matinale » de Canal +, puis dans « Le grand journal ».
C’est après les attentats du 13 Novembre qu’est née l’idée des « … méchants« . Ainsi, lorsqu’on interroge les deux réalisateurs, ces derniers répondent ceci » – Entre le 7 janvier et le 13 novembre 2015, dans cette période extrêmement sombre, le seul truc qui me faisait encore un peu rire, c’était d’observer la rue Jean-Pierre Timbaud. Une rue qui commence dans le Marais branché et finit en haut par une mosquée, où souvent les barbus du haut de la rue avaient les mêmes looks que les barbus du bas de la rue qui sortaient de la fashion week. Là, j’ai commencé à me dire « Et si deux barbus hipsters étaient pris pour des terroristes ? ».
Tenant une idée aussi risquée qu’elle est amusante, les deux réalisateurs et scénaristes se sont lancés dans le défi de cette satire des médias et plus largement de notre époque. Souvent mal dosée, parfois lourde, Achour et Baumard, avec leurs « … méchants« , nous livrent une comédie noire et improbable qui a vraiment de quoi nous faire marrer, oscillant entre des scènes et des répliques qui peuvent prétendre à devenir culte.
Patrick et Sébastien, deux paumés que personne ne connaît, s’apprêtent à passer la pire journée de leur vie. Eux, qui n’ont rien demandé à personne, eux, qui ne se connaissaient même pas le matin même, vont devenir au fil de cette journée, les méchants, sorte d’ennemi public numéro 01 qu’il va falloir à tout prix arrêter…
Dieu que ce film est con et tordant à la fois. La satire est un exercice assez difficile et d’autant plus lorsqu’elle est objet d’un premier film et entre défauts, lourdeurs et qualités, Mouloud Achour et Dominique Baumard s’en sortent plutôt bien.
Débarquant sur les écrans avec une bonne idée, « Les méchants » n’est que quiproquo et surtout une course au buzz. S’amusant avec notre époque, dénonçant de manière tordante les médias, les extrêmes de tout bord et le tribunal des réseaux sociaux, « sous couvert » de comédie lourde comme le cinéma français en produit des tonnes, ces « … méchants » s’avère plus incisif et plus irrévérencieux qu’il ne le laisse apparaître.
Écrit à deux, Achour et Baumard ne réussissent pas tout ce qu’ils entreprennent. Ainsi leur « … méchants« , à plus d’une scène, va être un peu lourdingue, exagérant bien trop certaines idées (là d’emblée, on pense à la scène où résonne la chanson de Charles Trenet « Douce France ») pour accentuer les caricatures et leur idée de comédie. Heureusement pour nous comme pour eux, « Les méchants« , entre ces moments lourdingues, arrive avant tout à se faire très amusant de par sa caricature du monde médiatique et derrière ça, a ses idées, ses répliques et plusieurs de ses instants.
Tordant grâce à un humour noir qui n’épargne personne. Un humour qui pointe du doigt aussi bien la manipulation des médias, les faux débats avec de faux experts, les fakes news, le complotisme, les cultures du clic et des vues, ou encore la bêtise des réseaux sociaux, qui se transforment en tribunal de la bien-pensance. Souvent bien vu, souvent bien trouvé, et surtout peuplé de répliques et de scènes tordantes, « Les méchants » enchaîne les mésaventures les plus loufoques et les personnages hauts en couleurs de manière décomplexée et parfois même avec un soupçon de jouissance, ce qui fait que l’un dans l’autre, finalement, on passe un bon moment.
Ces défauts et ces qualités conjugués, on les retrouve aussi dans d’autres coins de ces « … méchants« . Ainsi, si l’on jette un œil du côté de sa réalisation, Achour et Baumard livrent un film qui tient des moments très drôles et d’autres qui tombent totalement à plat. Le film oscille aussi trop entre ses références, « Les méchants » résonnant parfois comme un petit best of de ce que les deux réalisateurs apprécient en cinéma et si ça fonctionne très souvent, parfois, on peut aussi se dire qu’à force de référence, « Les méchants » perd en caractère, un peu comme si dans son visuel, les deux réalisateurs cherchaient plus à rendre des hommages qu’à créer leur propre film. Après, comme je le disais, ça fonctionne et l’on s’amuse beaucoup, face à des scènes qui, mine de rien, peuvent prétendre à être culte, tant à la sortie de la salle, on s’amuse à se remémorer certains passages.
Enfin, ce sentiment quelque peu partagé, on le retrouve aussi du côté de son casting, où l’on trouve de tout. Si le duo Roman Frayssinet/Djimo est attachant et fait le taf pour la blague, on ne peut pas dire non plus que les deux humoristes soient très bons. En revanche, ces « … méchants » nous offrent des personnages hilarants et de très bonnes interprétations. Comme ça, le premier qui arrive en tête, c’est Anthony Bajon qui, dans le rôle d’un rappeur, fait des merveilles et offre une nouvelle facette de lui. Le duo frères ennemis Matthieu Kassovitz/Alban Ivanov fonctionne du feu de Dieu, se renvoyant sans cesse la balle, pour la meilleure des caricatures des chroniques télés. Ludivine Sagnier est elle aussi très drôle dans son cliché de présentatrice en recherche de buzz pour booster sa carrière. Après, pour le reste, « Les méchants » résonne comme un festival de guests plus ou moins drôles (mention à Fary en épicier bio ou Omar Sy en chauffeur uber).
Loin d’être aussi mauvais que j’ai pu l’entendre à droite et à gauche, il y a donc de tout dans ces « … méchants« . Cette satire du monde de la télévision, et plus largement de notre société qui cherche toujours le buzz et qui juge à la va-vite, est aussi drôle que lourdingue, mêlant clichés et caricatures, humour noir, mésaventures et quiproquos. Les deux réalisateurs oscillent entre délires, baisse de régime, gratuité pour certains guests, moments qui ne servent pas à grand-chose et d’autres qui sont clairement drôlissimes. Bref, ce premier film pour Mouloud Achour et Dominique Baumard, entre ses qualités et ses défauts, fonctionne plutôt bien et il nous amuse, et c’est finalement tout ce qu’on lui demandait au final.
Note : 11/20
Par Cinéted