mars 28, 2024

Le Passage du Rhin

De : André Cayatte

Avec Charles Aznavour, Georges Rivière, Nicole Courcel, Lotte Ledl

Année : 1960

Pays : France, Italie, Allemagne

Genre : Guerre

Résumé :

Pendant la guerre, deux prisonniers français sont envoyés comme travailleurs agricoles dans un village allemand.  

Avis :

André Cayatte, ancien avocat reconverti en réalisateur, a passé le début de la décennie des années 50 à réaliser des films qui tournaient autour de la justice, afin d’y dénoncer les procédures, le manque d’organisation, l’orgueil ou encore la peine de mort. André Cayatte s’est très vite fait un nom et il fut même nommé dans les quinze réalisateurs à suivre de cette période-là. Après avoir traité de la justice, pour la deuxième partie de la décennie, le metteur en scène s’en est allé vers d’autres sujets, comme l’amour, le couple, la chirurgie esthétique ou encore le sentiment de « redevabilité » envers un autre après une erreur.

Avec son envie de toucher à tout, André Cayatte se lance donc dans un nouveau défi pour commencer les sixties. Pour cela, il va cette fois-ci aborder la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément, il va dresser le portrait de deux personnages qui voient de manière très différente la guerre. Il en résulte un film qui lance un regard très intéressant, puisque « Le passage du Rhin » se pose comme un film de guerre très différent de ce que l’on a l’habitude de voir. Racontant avant, pendant et après la guerre, le réalisateur nous livre deux trajectoires diamétralement opposées et si l’une est passionnante, la deuxième va l’être un peu moins, ce qui fait que ce « … passage du Rhin« , arrive à se faire aussi intéressant que quelque peu décevant de l’autre côté.

Jean est journaliste et engagé. Quand en 1939 Hitler envahit la Pologne, provoquant la seconde guerre, Jean n’hésite pas une seconde et s’engage pour se battre. Roger, lui, est boulanger. Marié, il n’apprécie pas plus que ça sa vie. On peut même dire que les événements glissent sur lui. Roger s’engage dans l’armée presque de force. Les deux hommes vont alors être faits prisonniers et ils vont être envoyés dans un village en Allemagne afin, avec d’autres prisonniers, d’aider aux taches du village. Si Jean ne va avoir qu’une idée en tête, c’est de s’échapper, Roger, lui, a l’air de se « satisfaire » de cette situation.

La guerre vue par André Cayatte, forcément, après avoir découvert des chefs-d’œuvre et de grands films, je me suis plongé sans l’ombre d’une hésitation dans ce « … passage du Rhin » et je dois dire que dans un sens, j’en ressors ravi, et de l’autre, j’en ressors aussi avec quelques déceptions.

La première chose qui me vient en tête quand je pense à ce film, c’est l’idée de faire un film de guerre, mais sans la guerre justement. André Cayatte ne s’intéresse pas aux champs de batailles, non, lui, ce qu’il veut, c’est peindre des portraits de personnages qui sont en train de vivre la guerre, mais une guerre autrement, et rien que pour cela, le film m’a pris totalement. Ainsi, avec cette idée, André Cayatte, au départ, va donc nous présenter ses personnages. Deux personnages à l’opposé l’un de l’autre, que ce soit dans leur caractère, leur milieu social ou encore leur vision de cette guerre. Montrer, peindre et suivre ces deux personnages va se révéler être passionnant, surtout que le scénario nous réserve quelques « surprises », car comme je le disais, « Le passage du Rhin » est très loin des films de guerre qu’on a l’habitude de voir.

Après nous avoir présenté ses personnages, André Cayatte va nous plonger dans le quotidien d’un petit village allemand qui est très loin des champs de batailles. Là encore, le metteur en scène trouve de quoi intéresser, entre « l’accueil » de ces prisonniers français au sein du village, la sorte de liberté dont ils jouissent, et bien sûr, encore et toujours ces deux visions de la guerre entre Jean et Roger, l’un ne pensant qu’à rentrer pour continuer le combat et l’autre, qui donne l’air de se satisfaire de cette situation, car finalement, ils ne sont pas si mal tombés que ça dans ce village.

Mais comme je le disais, « Le passage du Rhin » est un film qui s’est révélé être aussi passionnant que quelque peu décevant et ces sentiments partagés, on les trouve quand le film se scinde en deux, une fois que les personnages se séparent. Si la partie qui suit Charles Aznavour est passionnante, subtile, belle, et même très émouvante, notamment les dernières scènes du personnage qui arrivera à trouver sa place, la partie qui suit Georges Rivière est, elle, moins prenante. Si le personnage rencontre un dilemme, sa trajectoire et ses choix sont déjà vus et on peut dire qu’on s’ennuie quelque peu à suivre son histoire, ce qui est dommage. C’est d’autant plus dommage que Georges Rivière est vraiment très bon et les personnages, comme les acteurs, sont tous bons. Cependant, face à la beauté, la simplicité, et même l’émotion que procure l’histoire de Roger, celle de Jean finit par se faire assez fade.

« Le passage du Rhin » se pose donc comme une petite déception certes, mais il reste aussi et surtout un bon film que j’ai pris plaisir à découvrir. André Cayatte livre là un film de guerre qui se centre sur deux personnages, et si les portraits sont inégaux, ils demeurent néanmoins intéressants sur une grande partie de leur ligne, puis derrière ça, derrière eux, l’idée de montrer la guerre comme cela, c’est vraiment inhabituel, et d’autant plus intéressant. « Le passage du Rhin » sonne alors comme le moins fort que j’ai pu voir de son réalisateur, et même en étant un petit cru, ce « … passage du Rhin » réserve des merveilles, aussi bien dans son intrigue, ses portraits que dans sa mise en scène qui tient des idées de plan, de cadre et même de tension, aussi belles que fortes. Bref, il était vraiment très doué cet André Cayatte.

Note : 13/20

Par Cinéted

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