avril 25, 2024

La Beauté du Diable

De : René Clair

Avec Gérard Philippe, Michel Simon, Simone Valère, Carlo Ninchi

Année : 1950

Pays : France

Genre : Fantastique

Résumé :

XVIIIe siècle. Au seuil de la mort, l’éminent professeur Faust est envahi par l’amertume : malgré une vie consacrée à la recherche intellectuelle, il n’a pas percé les secrets qui le fascinent. C’est alors qu’apparaît Méphistophélès, incarnation du Diable, qui lui propose un pacte : il lui donnera jeunesse et richesse éternelles en échange de son âme. Le vieux professeur accepte mais s’intéresse bien plus aux femmes une fois son apparence juvénile retrouvée…

Avis :

Si le diable a de tout temps inspiré la culture populaire, rarement il aura trouvé une œuvre à sa démesure qu’avec le mythe de Faust. À travers contes et légendes, son récit véhicule des préoccupations d’ordre universel qui, à chaque époque, présente une résonnance particulière. Cela vaut, entre autres, pour l’insatisfaction de l’existence et la quête de la jeunesse éternelle afin de magnifier cette tentation perpétuelle. Parmi les différentes versions qui ont traversé les siècles, l’histoire retiendra surtout celle de Goethe. Faust a donné lieu à de nombreux opéras et, côté cinéma, il faut se pencher sur l’œuvre de Georges Méliès, puis Faust, une légende allemande de Murnau.

Avec La Beauté du diable, René Clair réunit ses deux genres de prédilection : la comédie et le fantastique. Dans la France de l’après-guerre, la retranscription du mythe de Faust peut paraître étonnante, voire audacieuse. Le fait de pactiser avec le diable peut faire écho à l’Occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, cette considération est rapidement écartée ; contrairement à des métrages plus explicites tels que Le Corbeau. Pour cela, le cinéaste place son intrigue dans un contexte historique indéfini, même si l’on peut deviner un XIXe siècle ombrageux. Dans le cas présent, le procédé suffit à oublier les turpitudes du siècle suivant.

Et c’est bien dans une optique de distraction que l’histoire évolue avec légèreté. Il y a bien une réflexion sur la portée des conséquences de nos actes ou de nos choix, mais celle-ci n’est en rien sentencieuse, car dépourvue d’une connotation inéluctable. De même, le récit expose la pauvreté du royaume, les clivages sociaux et le dénuement qui découle de la marginalisation de l’individu. Ce décor de fond agit sur le personnage principal comme un refus de la précarité, a fortiori quand on goûte au bonheur, à l’aisance financière et à la reconnaissance des plus hautes instances de l’État. Dès lors, les préceptes moraux et spirituels s’oublient bien vite.

On a beau écarter tout fatalisme, l’insatisfaction du protagoniste tient autant à l’incertitude de son devenir qu’à cette propension envieuse de convoiter ce qui lui semble inaccessible. L’ironie de son sort est due, en grande partie, à cette peur qui le tenaille. Non de la damnation de son âme, mais de la souffrance physique qui résulte de la vie terrestre et de son matérialisme. À cet égard, Méphistophélès n’affirme-t-il pas que « L’enfer est plus clément que les hommes » ? On constate donc un tiraillement constant entre ses propres valeurs, qu’elles soient d’ordre spirituel ou éthique, et la facilité d’un bonheur biaisé. Pas par le manque d’effort, mais par le caractère fallacieux de désirs illusoires.

Pour ce faire, les diableries de Méphistophélès contribuent grandement à la réussite de l’entreprise. Irrévérencieux, intéressé, peut-être pathétique, ce démon multiplie les fourberies et les exercices de manipulation. Tout comme la succession des décors en guise de tableaux, le jeu plein d’emphase de Michel Simon renvoie à une approche très théâtrale. Les postures sont savamment étudiées, tandis que les intonations sont excessives à souhait. Ce qui peut, en ces circonstances, accentuer le clivage et l’inimitié hors du champ des caméras avec Gérard Philipe. À l’écran, le résultat n’en est pourtant que plus délectable entre les deux acteurs, car leur confrontation demeure naturelle et progressive.

Au final, La Beauté du diable s’avance comme une sympathique itération du mythe de Faust. Entre comédie et fantastique, le film de René Clair n’en oublie pas pour autant l’aspect dramatique qui implique une destinée indéfinie. Entre libre arbitre et déterminisme (on finit par entrevoir l’avenir), les circonstances jouent d’imprévisibilité pour mieux détourner l’attention du spectateur, mais aussi celle des principaux intéressés. Il en ressort une vision enjouée qui écarte toute morale religieuse afin de mettre en avant une connotation ironique. Une incursion distrayante et enthousiasmante qui ne se prend guère au sérieux, même si le fond de l’histoire originelle est bel et bien présent.

Note : 16/20

Par Dante

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