avril 18, 2024

Solitudes – Niko Tackian

Auteur : Niko Tackian

Editeur : Calmann-Lévy

Genre : Thriller

Résumé :

Elie Martins est garde nature dans le massif du Vercors. Amnésique suite à une blessure par balle, il est reparti à zéro dans cette région encore préservée. Alors qu’une tempête de neige s’annonce, Elie se lance sur la piste d’un loup signalé par plusieurs bergers. Les empreintes ensanglantées le conduisent à un immense pin situé dans une plaine désertique. Une femme nue est pendue à ses branches, une mystérieuse inscription gravée sur sa chair. Cette découverte macabre anime immédiatement quelque chose sur la toile blanche de ses souvenirs. La victime est un message à son attention, il en est certain. ? Le lieutenant Nina Melliski est alors dépêchée sur les lieux. Elie est-il coupable ou victime ? Elle ne sait que penser, mais son instinct lui dit que les réponses se trouvent dans les souvenirs disparus de cet homme sans passé.

Avis :

Bien souvent inspiré de ses modèles scandinaves et anglo-saxons, le thriller français s’est forgé une solide réputation sur la scène littéraire internationale. On le doit à une manne d’auteurs dont l’imagination rivalise de machiavélisme et de subtilités au fil de récits âpres et bien tournés. Face à une production aussi prolifique et qualitative, il peut paraître difficile de se démarquer. C’est pourtant le cas de « jeunes » auteurs où leurs ouvrages n’ont rien à envier aux écrivains les plus aguerris. Auteur de bande dessinée et scénariste pour la télévision, Niko Tackian étend ses talents de conteurs au roman depuis 2015 avec une réussite évidente.

Derrière la sobriété de son titre, Solitudes propose une intrigue au pitch de départ relativement simple qui, au fil des pages, dévoile des ramifications insoupçonnées. Certes, c’est le propre de tout bon polar, mais celui-ci joue autant sur la subtilité de sa narration que sur le développement de son atmosphère. En l’occurrence, le récit se situe dans le massif du Vercors. L’environnement en haute montagne et l’hostilité des contrées sauvages instaurent un sentiment d’isolement et de vulnérabilité ; a fortiori lorsqu’il s’agit de se rendre dans des zones difficiles d’accès. Le modus operandi et les scènes de crimes suffisent à jeter un trouble sur l’auteur des faits et ses motivations.

Au-delà d’une fascination évidente pour un tel environnement, on se confronte alors à l’inhospitalité du cadre, tout en gardant à l’esprit l’instinct de prédation de l’homme. Toute proportion gardée, certains passages évoquent un récit d’aventures âpres où la survie est au cœur des préoccupations. De même, le fait d’imposer la présence d’un suspect en tant que guide concourt à cette incertitude psychologique. Le protagoniste devient victime non du tueur, mais de ses états d’âme où ses déductions d’enquêtrices se heurtent à un ressenti qui gagne en contradiction. À noter que l’amnésie du principal intéressé apporte un doute supplémentaire quant à sa culpabilité ou non.

Il est vrai que l’approche, comme la teneur de l’intrigue, ne présente pas d’innovations majeures dans ses fondamentaux. Toutefois, Niko Tackian tire le meilleur parti des ficelles du genre et des possibilités créatives qu’il autorise tout en préservant la crédibilité que l’exercice requiert. Derrière la simplicité et la linéarité apparentes de son récit, il parvient à instaurer un suspense de circonstances, soutenu par une structure narrative dynamique. En dépit de la densité de certains blocs de textes en lieu et place de paragraphes « classiques », la lecture demeure fluide et équilibrée. L’auteur fait preuve de constance et s’affranchit de toutes digressions ou longueurs superflues.

L’enchaînement des points de vue, la progression de l’enquête, le développement des personnages et leurs interactions sociales… Tout est parfaitement calibré et rigoureux pour tisser la trame du récit autour des protagonistes et non de l’affaire elle-même, même si elle reste le déclencheur. Autrement dit, les individus ont un rôle actif au sein des évènements au lieu de les subir. Par ailleurs, il est très simple d’identifier et de replacer les intervenants par rapport à leurs homologues et au contexte. Quant à l’orientation de l’enquête, elle demeure pertinente et les révélations sont exposées à intervalles réguliers pour maintenir l’intérêt de lecture jusqu’au terme de l’histoire.

Au final, Solitudes est un thriller qui présente de nombreuses qualités. Bien que le récit ne soit pas foncièrement original, il compense son côté attendu par une pleine maîtrise de ce qui caractérise le genre. Le suspense inhérent aux investigations s’accompagne d’une ambiance développée avec soin. On songe aux excursions en montagne ou à la description percutante des scènes de crime. Le style de l’auteur est direct, incisif et, par conséquent, d’une grande efficacité. Ce qui renvoie notamment à son travail de scénarisation pour des séries ou des téléfilms. Écrit en seulement trois mois, un livre facile à appréhender et maîtrisé qui s’appuie sur sa capacité à immerger son lectorat.

Note : 15/20

Par Dante

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