avril 25, 2024

The Terror Saison 1

D’Après une Idée de : David Kajganich et Soo Hugh

Avec Ciaran Hinds, Jared Harris, Tobias Menzies, Paul Ready

Pays : Etats-Unis

Nombre d’Episodes : 10

Genre : Thriller, Horreur

Résumé :

1845. Une expédition de la Marine Royale britannique entreprend un pénible voyage à la recherche du Passage du Nord. Confronté à des conditions périlleuses avec des ressources limitées, l’équipage peine à garder espoir dans ces territoires rudes et inexplorés. Gelés, isolés et coincés à l’autre bout du monde, dans l’Arctique, les hommes doivent lutter, non seulement pour survivre contre les éléments, mais aussi les uns avec les autres. Certains d’entre eux commencent à croire à la malédiction d’une mystérieuse créature qui les faucherait un à un…

Avis :

Avec Terreur, Dan Simmons signait un récit âpre. Entre histoire et œuvre fantastique, il en ressortait une odyssée littéraire proprement stupéfiante et immersive qui tentait de faire la lumière sur la disparition de l’expédition Franklin de 1845. La réussite tenait autant à la narration qu’à cette atmosphère unique aux confins du cercle arctique. Eu égard à sa densité et à ses ambitions, la retranscription à l’écran d’un roman-fleuve de cette envergure relève de la gageure. Aussi, le format de la série télévisée est davantage approprié pour fournir un travail d’adaptation respectueux et conforme à la trame originelle.

Comme évoqué précédemment, The Terror s’attelle à l’une des plus grandes énigmes maritimes du XIXe siècle. De ce seul point de vue, la reconstitution historique se révèle admirable pour dépeindre les conditions de vie des marins à bord des navires. Ceux-ci ont également fait l’objet d’un soin tout particulier. Cela se confirme avec une exploitation restreinte du cadre qui demeure néanmoins fluide et variée. L’alternance entre les différents ponts, la succession de corridors, les salles dédiées aux couches, au stockage des denrées ou même à des soins médicaux sommaires… Tout concourt à former un écosystème cohérent capable de vivre en complète autarcie, du moins pendant un certain temps.

Mais avant de s’attarder sur l’aspect survivaliste et l’horreur latente qui guette sur la banquise, The Terror dépeint avec force et conviction le contexte de l’expédition et ses potentielles retombées commerciales en cas de réussite. Si les incursions dans l’Angleterre de l’époque sont mesurées, voire furtives, il n’en demeure pas moins un background travaillé qui prévaut également pour les protagonistes. À l’instar du roman éponyme, la palette de personnages est aussi riche que dissemblable. S’il est aisé de deviner le rôle de chacun, y compris des antagonistes, l’évolution des relations sociales reste toute autre.

On songe à la transmission des responsabilités et le sens du devoir pour sauver l’expédition, puis l’équipage des deux navires. Malgré les vastes étendues désertiques, l’approche sous forme de huis clos replie la progression d’un point de vue physique et psychologique. En dépit de la promiscuité du cadre de vie et les tâches quotidiennes à accomplir, il est difficile de ne pas éprouver une immense solitude face à cette absence d’horizon. En l’occurrence, la staticité tient autant aux bateaux pris dans les glaces qu’à cet écoulement du temps propre aux pôles. La succession jour/nuit se fait sur des mois si bien que la perte de repères engendre l’abandon des perspectives initiales.

Tout comme le lecteur, le spectateur devient un membre de l’équipage à part entière et subit la situation. Si certains y voient un problème de rythme, la présente histoire est particulièrement adaptée à ce déroulement proche de la contemplation. On apprécie ou pas, mais la série est à l’aune de son modèle littéraire. L’atmosphère dépeinte s’appuie davantage sur l’onirisme de l’instant et non sur une exploration linéaire. Mais le rêve tient surtout de l’expérience cauchemardesque, comme l’atteste cette séquence sous-marine où le scaphandrier se confronte aux dangers environnants, à ses peurs où le cadavre qui flotte entre deux eaux peut être une hallucination ou la réalité.

Et c’est là toute la force de cette série : naviguez constamment entre des craintes rationnelles et un effroi insondable, propre à une menace invisible. Baptisée Tuunbaq dans le folklore Inuit, la créature en est la parfaite représentation. Ses attaques apportent une tension supplémentaire, tandis que sa nature défit l’entendement. On apprécie le fait que ses irruptions soient suggérées pour mieux susciter le doute. Ses assauts sont violents et la mise en scène privilégie le point de vue des victimes, renvoyant à la soudaineté des trépas. En revanche, la seconde partie de l’intrigue affiche un traitement frontal et explicite.

Un choix moins subtil qui traduit l’une des rares errances de The Terror : des images de synthèse à la qualité fluctuante. Les plans rapprochés démontrent des animations parfois approximatives ou une « balourdise » qui contraste avec l’agilité toute féline de Tuunbaq, notamment lorsqu’il escalade les mâts d’un des navires. Quant à son design, on se retrouve avec un animal hybride qui évoque un ursidé avec un faciès vaguement humanoïde. Assez déconcertant pour flouer ses origines qui resteront dans l’ombre. En considérant le rapport au chamanisme, certains éléments pourraient même faire penser à des symptômes similaires à la lycanthropie, du moins dans cette interprétation du mythe.

Au final, The Terror est une série qui se révèle très proche du roman dont elle s’inspire. Nimbée d’une ambiance hypnotique, cette production AMC met en avant des séquences éthérées qui magnifient la pureté de l’Arctique à travers une photographie somptueuse. Celle-ci gère à merveille les contrastes avec des nuances minimalistes ; blanc, gris et bleu, majoritairement. Cette beauté dissimule pourtant de terribles dangers. On songe tout d’abord à l’environnement lui-même, à Tuunbaq, puis aux tendances autodestructrices de l’homme. Volontairement lent, The Terror est une édifiante et rude épreuve où les merveilles se succèdent aux horreurs et inversement. Une allégorie sur le désespoir, le dépassement de soi et le rapport à la nature. Une œuvre riche, parfois cruelle, mais exceptionnelle.

Note : 18/20

Par Dante

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