De : Jean-François Pouliot
Avec Rémy Girard, Louison Danis, Hélène Bourgeois-Leclerc, Antoine Bertrand
Année : 2016
Pays : Canada
Genre : Comédie
Résumé :
Paul Bougon fait une sortie en règle contre le système actuel et se lance en politique! Appuyé de son épouse distinguée et de ses enfants.
Avis :
Après une vingtaine d’années passées dans la publicité, Jean-François Pouliot, au début des années 2000, s’est lancé dans le cinéma et il a connu un très large succès avec son premier film, « La grande séduction« . Depuis ce premier film, le succès n’a jamais quitté Jean-François Pouliot qui, entre « Guide de la petite vengeance« , « Dr. Cabbie » ou encore « Les 3 p’tits cochons 2« , la suite du film de Patrick Huard, Jean-François Pouliot n’a fait que confirmer son talent de metteur en scène et de cinéaste aimant la comédie et le social.
Et de comédie et de social, il va en être le cas ici avec « Votez Bougon« . Il y a quelque temps de cela, je suis tombé sur « Les Bougon, c’est aussi ça la vie« , série dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’alors, et j’ai bien fait, car en trois saisons « Les Bougon … » fut une série qui m’a beaucoup amusé. Humour noir, ton acerbe, répliques cinglantes et caricature merveilleusement drôle, la série créée par François Avard fut une bien belle surprise. Et une surprise qui s’est conclue de manière folle, supposant la mort des Bougon, et même un début de troisième guerre mondiale, avec des attaques à la bombe atomique sur les principales villes d’Amérique et du Canada. Avec un final aussi fou que celui de la série, le sort en était jeté et « Les Bougon … »n’avait aucune raison de réapparaître et pourtant, François Avard avait d’autres projets pour la famille et voici que onze ans après l’arrêt de la série, la famille la plus trash du Canada est de retour et cette fois-ci, ils sont arrivés en salle.
Paul Bougon participe à une émission télévisée, car il remplace au pied levé le président de la sauvegarde des assistés québécois. L’homme ayant piqué dans la caisse et surtout s’étant fait prendre, cela ferait un peu désordre de venir en plateau se battre contre la loi 112, qui veut éliminer la pauvreté, alors que lui-même s’est enrichi sur le dos des pauvres. Ce soir-là, sur le plateau, il y a un homme politique et lors d’une attaque, Paul Bougon défiant le système, va s’attirer la sympathie des Québécois, et cette sympathie va lui inspirer une combine, et s’il montait son parti politique, le Parti de l’Écœurement National (Le PEN) et ainsi, raflait la mise… Ce qu’il n’avait pas pris en compte, c’est que ça allait très bien fonctionner, trop bien même.
Faire revivre des personnages onze ans après l’arrêt de leur série, c’est quelque chose qui se fait de plus en plus en ce moment. Il n’y a qu’à voir toutes les séries des années 80 et 90 qui font leur retour et dans cette tendance, le Canada n’est donc pas en retard, puisque François Avard a donc décidé de faire revenir Paul, Rita, Junior, Moa, Dolorès et Frédéric Bougon pour le plus grand plaisir des fans de la série. Il faut dire qu’avec des personnages si hauts en couleurs, il y a de quoi raconter, et encore plus que ça avec le final de la série.
D’ailleurs, c’est l’un des très gros intérêts qu’on peut avoir avec ce film, la fin de la série nous faisant clairement comprendre que Montréal avait explosé et que tous étaient morts et ce point-là va être la très grande déception de « Votez Bougon« , car François Avard ne va absolument pas évoquer cet événement majeur et il va reprendre son scénario comme si les derniers événements n’avaient jamais eu lieu. Une déception car ce fut si osé de tuer tout le monde et nous laisser ainsi qu’on aurait vraiment apprécié des idées pour nous raconter ce qui fut à ce moment-là.
Mais bon, une fois passé cette déception, ces retrouvailles valent-elles le coup de s’étendre sur une heure et demie et d’aller affronter les salles de cinéma ? Clairement, la réponse est oui, car si le film passe sur les derniers événements, il a la très bonne idée d’emmener Paul Bougon en politique et ainsi, avec cet humour noir et ce ton vif et virulent, François Avard et Jean-François Pouliot vont s’amuser comme des fous et ils vont n’épargner personne. L’arrivée de Paul Bougon en politique rime très bien avec le climat actuel et la montée du populisme à travers le monde. Avard et Pouliot ont vraiment su saisir dans un sens notre époque et clairement ils s’amusent avec, dénonçant le clientélisme, la démagogie, la montée en puissance des réseaux sociaux, l’image et la com plus qu’un programme, ou encore les politiques tous pourris. La caricature est souvent osée, et même si parfois le film tient des facilités, notamment sur certains événements qui arrivent en un claquement de doigts, l’ensemble de ce « Votez Bougon » est aussi drôle qu’il est intéressant sur son fond et dans sa démarche.
On appréciera aussi que « Votez Bougon » retrouve le côté politiquement très incorrect qu’avait la série. Ainsi, en plus de dénoncer tout ce qui est évoqué plus haut, Jean-François Pouliot et ses Bougon s’en prennent encore une fois à tout le monde, les religions, les banques, la prostitution, les clients, les politiques, la famille, les associations… Bref, tout le monde aura droit à sa punchline ou sa moquerie et ça fait franchement du bien de regarder un show pareil. Un show qui n’a pas peur de choquer et de s’amuser. En plus de ça, le scénario est suffisamment intelligent pour malgré tout véhiculer de belles valeurs et un beau message, et comme la série le faisait, le film sait se faire plus touchant, notamment quand l’un des membres de la famille est attaqué en première ligne.
Jean-François Pouliot est un bon réalisateur et « Votez Bougon » le démontre bien. Alors qu’il aurait été facile par exemple de reprendre Louis Bolduc pour s’assurer l’ambiance de la série, Jean-François Pouliot démontre qu’il peut s’approprier une ambiance, et tout en étant respectueux des bases, proposer quelque chose. Il vrai que « Votez Bougon » ressemble plus à un très grand épisode qu’à un film de cinéma à proprement parlé, mais qu’importe ce côté sitcom poussé, car le plaisir est bien là et Jean-François Pouliot impose un rythme, un show, un humour et des émotions.
Côté casting, hormis le personnage du propriétaire, tous les comédiens ont rempilé, et même les plus petits rôles et c’est un vrai plaisir de les revoir. Demeure cependant une petite déception dans le sens où même s’ils sont bien présents, les enfants Bougon sont sous-exploités ici, laissant finalement la part belle à Rémy Girard dans la peau de Paul Bougon. Après, le comédien est génial et il tient le film à lui seul. Déception aussi du côté de Louison Danis qui incarne Rita Bougon, car si le sujet qu’elle porte est intéressant, le film se plante un peu sur la façon de l’exploiter.
Entre ses défauts, ses facilités, ses délires, son politiquement très incorrect, son social, son humour, et son engagement, « Votez Bougon » est un bon petit film qui amuse de bout en bout. Jean-François Pouliot a très bien su s’approprier l’univers de la série, et l’étendre sur une heure et demie de métrage. Et à la fin de ce « Votez Bougon« , même si ce n’est pas essentiel, on en reprendrait bien un peu plus.
Note : 14/20
Par Cinéted