Auteur : Maxime Chattam
Editeur : Albin Michel
Genre : Thriller
Résumé :
Bienvenue à Val Quarios, petite station de ski familiale qui ferme ses portes l’été.
Ne reste alors qu’une douzaine de saisonniers au milieu de bâtiments déserts. Hugo vient à peine d’arriver, mais, déjà, quelque chose l’inquiète. Ce sentiment d’être épié, ces « visions » qui le hantent, cette disparition soudaine…
Quels secrets terrifiants se cachent derrière ces murs ? Hugo va devoir affronter ses peurs et ses cauchemars jusqu’à douter de sa raison…
Bienvenue à Val Quarios, une « jolie petite station familiale » où la mort rôde avec la gourmandise d’une tempête d’été.
Avis :
Depuis les années 2000, Maxime Chattam est devenu une figure incontournable de la scène littéraire française. Sous couvert d’intrigues au suspense savamment entretenu, il porte un regard sans complaisance sur la société, ses dérives et ses errances. Son travail d’écrivain tend autant à divertir qu’à sensibiliser son lectorat sur des sujets contemporains. Après s’être essayé à la fantasy, puis au fantastique, le retour au thriller s’est fait de fort belle manière avec Un(e)secte dont la tonalité ténébreuse fait encore écho à l’originalité de son récit. Avec L’Illusion, on s’éloigne d’investigations policières pour s’insinuer dans une autre frange du thriller, plus insidieuse et non moins délectable.
Le genre est en effet apprécié pour proposer des atmosphères sombres soutenues par un sens aigu du suspense. En l’occurrence, le présent ouvrage prend place dans une station de ski. On ne peut pas forcément parler de huis clos, même si l’environnement concourt à cette impression. Les particularités du site, reliefs escarpés et voies d’accès tortueuses à l’appui, permettent d’entretenir la sensation d’isolement sans pour autant s’appesantir sur le côté oppressant du procédé. Cela tient notamment au nombre de personnages restreints, à la période de l’action (hors-saison), sans oublier l’agencement particulier des lieux extérieurs et intérieurs…
Le sentiment d’être pris au piège est donc palpable. Pour emprunter l’analogie arachnéenne que l’on retrouve au fil des pages, l’intrigue tisse la toile de sa trame non sans habilité. Ce n’est pas le quotidien d’un site déserté par les touristes qui prévaut, mais plutôt la découverte d’un écosystème en marge de la société, voire du temps. Il y a bien un confort moderne, mais celui-ci ne supplante pas un mode de vie dépourvu des tracas inhérents au matérialisme et au consumérisme. Si la critique sociétale est en filigrane du récit, elle n’en demeure pas moins présente. Le contexte est différent d’autres romans de Maxime Chattam. Le fond reste, en revanche, représentatif d’un regard aiguisé sur les défiances et les déviances de l’homme.
Afin de soutenir une atmosphère particulièrement soignée, l’histoire va se faire le reflet de son titre. Ici, le terme d’illusion arbore plusieurs significations, non sans quelques connotations hitchcockiennes propres à la paranoïa ambiante. Celle du sens que l’on octroie à sa vie, celle des apparences, celle de mensonges que l’on dissimule sous forme de demi-vérités… Il ne s’agit pas uniquement d’une affaire de manipulations ou d’un habile tour de magie. Encore que, pour ce dernier point, les éléments qui gravitent autour de cette thématique alimentent le doute entre rationalité et phénomènes paranormaux. Cela tient à l’imaginaire débridé du principal intéressé, mais aussi à des références toutes mesurées pour l’occultisme.
Sans vraiment explorer les méandres du surnaturel, on distingue plusieurs allusions à Lovecraft, comme la présence de manuscrits maudits, ou à Stephen King. Afin d’écarter toute comparaison facile, le clin d’œil à Shining est clairement explicite. Ce qui permet, par la suite, de s’en affranchir avec plus d’aisances. Jusqu’au terme du récit, on va néanmoins rester dans l’expectative quant à la teneur des évènements et des disparitions qui se produisent à Val Quarios. La montée en tension est progressive et évolue non sans subtilité vers des considérations plus pragmatiques, assez représentatives d’une époque minée par la folie et l’extrémisme.
Au final, L’Illusion est un thriller qui possède une intrigue astucieuse, ainsi qu’un cadre à la fois enchanteur et hostile. Cette double impression se vérifie dans d’autres pans du roman, comme cette tentation évidente de s’orienter vers le fantastique ou l’horreur sans jamais vraiment franchir le pas. À noter que la violence se montre plus mesurée que le précédent ouvrage. En contrepartie, le mystère est étayé avec maîtrise pour mieux avancer plusieurs théories. L’approche fait donc la part belle à une appréhension psychologique. Preuve en est avec un sentiment paranoïaque latent ou une extrapolation exagérée des circonstances. En tant que magicien des mots, Maxime Chattam réalise un habile tour littéraire où ce qui est mis en évidence par la présentation des faits dissimule le cœur de l’énigme…
Note : 16/20
Par Dante