Avis :
Qu’il s’agisse de la scène pagan ou néofolk, les courants musicaux issus d’époques reculées marquent un regain d’intérêt auprès des amateurs de musique et du grand public. Est-ce dû à l’engouement porté par la série Vikings ? À moins que l’on soit à la recherche d’une authenticité dans les us et coutumes d’autrefois ? Dans une société en perte de repères et de valeurs, l’idée offre une symbolique plus fascinante à appréhender qu’un « simple » succès télévisé. Toujours est-il que la création de groupes s’inscrivant dans cette mouvance tend à se multiplier. Et les contrées françaises n’échappent pas au phénomène avec Skáld, une jeune formation qui voit le jour en 2018 et dont Le Chant des Vikings constitue leur premier effort.
Avec un titre aussi évocateur, la marge d’interprétation ne laisse place à aucun doute quant à la teneur de l’album. Au vu d’une incursion tardive, il est légitime de s’interroger sur l’aspect opportuniste du projet. Certes, l’existence d’un groupe de cet acabit sur la scène française est à saluer, ne serait-ce que pour marquer le contraste avec une production de masse qui fait de la médiocrité son porte-étendard. Cela vaut autant pour les thématiques abordées (l’amour et la mort pour la majorité d’entre elles) que pour des reprises méphitiques et mal inspirées de classiques. Avec Skáld, il y a de quoi se montrer perplexes quant aux véritables intentions qui se dissimulent derrière cette nouvelle interprétation de l’héritage musical scandinave.
Il est vrai que les membres du groupe ne cachent pas leur passion pour la culture et les croyances du Nord. On a d’ailleurs droit à un répertoire assez vaste qui trouve sa source dans l’Edda poétique. Afin de parfaire l’ambiance, l’usage de vieux instruments à cordes et à percussion est prépondérant pour procurer un accompagnement musical bien ancré dans son sujet, mais qui, à certains égards, manquent parfois de technique, à tout le moins de profondeur dans l’évolution des harmonies. Ici, l’aspect répétitif de certaines mélodies ne donne pas vraiment d’échos à l’interprétation des textes. De même, on ne peut parler de complémentarité avec les chants, tour à tour gutturaux ou cristallins.
Pourtant, Le Chant des Vikings recèle tout ce que l’on peut attendre d’un tel album. Cela comprend notamment le côté épique, la tonalité guerrière, la connotation mystique et l’introspection toute personnelle qui tend vers la quête d’authenticité précédemment évoquée. Pourquoi alors rester sur la réserve ? L’agencement des chansons manque clairement de cohérence. C’est bien simple, il n’y a aucune continuité, aucune évolution naturelle entre chaque piste. On peut très bien passer d’un titre calme empli d’allégories à une itération plus festive. A ce titre, la transition entre Rún et Valfreyjudrápa demeure maladroite. Elle est pourtant à l’image d’une structure chaotique où l’on alterne constamment entre des états d’esprit contradictoires.
On a beau apprécier le timbre ensorcelant de Justine Galmiche ou de ses homologues qui complètent un répertoire vocal varié en vieux norrois, il manque véritablement un fil directeur. Comprenez, autre que celui de la culture scandinave, bien trop vaste pour la durée de l’album. On se confronte donc à un pot-pourri où l’on brasse les symboliques les plus évidentes (et connues), mais jamais sans sortir d’un carcan artistique tant pour le contenu que pour l’approche musicale. Comme pour confirmer cet état de fait, le groupe propose plusieurs reprises à l’intérêt douteux. Si l’appropriation de Jóga (Bjork) est correcte, elle se révèle hors contexte. Quant à Seven Nation Army, l’incursion est des plus embarrassantes, voire ridicules.
Au final, Le Chant des Vikings, premier album de Skáld, ne convainc qu’à moitié. On apprécie l’atmosphère générale et la qualité des vocalises. On a même droit à un exercice a capella réussi. Cependant, l’enthousiasme des débuts du groupe se heurte à plusieurs maladresses. À commencer par un amalgame de tout ce qui peut définir la culture scandinave dans les grandes largeurs et, au passage, quelques connotations médiévales davantage ancrées dans nos contrées. La variété est au rendez-vous, mais la cohésion entre chaque chanson n’est guère présente. On fait s’enchaîner les titres sans y trouver la continuité attendue. Il manque foncièrement une identité propre à cet effort pour se démarquer d’autres formations. S’il n’est pas un album commercial à proprement parler, Le Chant des Vikings en emprunte néanmoins quelques atours, notamment avec ses reprises contemporaines dispensables.
- Enn Atti Fleiri Börn
- Run
- Valfreyjudrapa
- Niu
- Fluga
- Gleipnir
- Krakumal
- O Valhalla
- Ec Man Iötna
- Yggdrasill
- Odinn
- Ginnunga
- Joga
Note : 13/20
Par Dante