Avis :
Le Métal Progressif est un genre très difficile d’accès de par sa propension à livrer de longs morceaux à la structure qui sort des carcans radiophoniques. Si on rajoute à cela des moments éthérés et des ajouts d’instruments parfois un peu folkloriques, on obtient un mélange qui peut paraître indigeste à n’importe quel quidam. Mais alors si en plus de cela, on y ajoute un type qui beugle comme un sourd avec une voix guttural, lui prêtant donc des excès de Death, on obtient ce que l’on nomme le Technical Death Métal et là, on perd beaucoup de monde en cours de route. Et pourtant, certains groupes se sont faits connaître grâce à ce style et c’est le cas de Rivers of Nihil. La particularité de ce groupe, c’est qu’il est assez jeune. Fondé en 2009 à Reading en Pennsylvanie. Très rapidement, le groupe enregistre un EP, se fait reconnaître et ouvre des concerts pour des groupes plus connus comme Dying Fetus ou encore Decapitated. Oui, que des bandes qui respirent la joie de vivre et le pacifisme. C’est en 2013 que le groupe sort son premier album, The Conscious Seed of Light, et le succès est au rendez-vous. Tout du moins pour ceux qui aiment ce genre de musique. Deux ans plus tard sort un deuxième effort, Monarchy, puis il faudra attendre trois années pour voir débouler Where Owls Know my Name, le troisième et dernier skeud en date du groupe. Et dire que c’est bon est un euphémisme.
Ce qu’il faut savoir avec Rivers of Nihil, c’est que malgré ses atours de groupe proche du Black Métal et prônant une violence musicale sans précédent, ce n’est pas vraiment le cas. Jouant perpétuellement sur les codes du Death et du Black, le groupe réussit tout de même le tour de force d’émouvoir malgré sa virulence. Le premier titre de cet album est une introduction, Cancer/Moonspeak, et il installe une ambiance assez glauque et presque ésotérique. Le chanteur susurre quelques paroles avec des voix en arrière-plan qui sonnent comme des litanies, puis il lâche un peu plus de puissance tout en altérant son chant pout paraître lointain, dans une ambiance désespérée. Cela annonce clairement la suite, tout en affichant une volonté de plonger l’auditeur dans quelque chose de sombre. Avec The Silent Life, le groupe fait péter le gros son d’entrée de jeu et ne passe pas par des tours de passe-passe pour montrer sa violence. Les riffs sont lourds. Le nouveau batteur envoie de la double-pédale. Le chanteur officie dans un growl propre et puissant. On aura du blast à tire larigot. Bref, on nage en plein Death technique, parfaitement exécuté et qui laisse peu de répit. La surprise viendra surtout du break, car le groupe va faire intervenir des cuivres pour adoucir l’ensemble et montrer une propension à rompre un rythme parfois épuisant. C’est intelligent en plus d’être parfaitement inclut dans le morceau. Cet ajout, on le retrouve dans le très violent Subtle Change, un long titre qui dépasse allègrement les huit minutes, mais qui s’incorpore parfaitement dans la structure avant de carrément fusionner avec les grattes et la batterie dans une osmose jouissive.
Mais ce qui est très fort aussi avec Rivers of Nihil, et notamment avec cet album en particulier, c’est que malgré toute cette violence, malgré le côté sauvage et presque indomptable de cette musique, le groupe arrive à instiller de l’émotion, ou tout du moins des passages qui laissent la place à de l’introspection. Si le plus représentatif de cela est Terrestria III : Wither qui est un titre uniquement instrumental avec un gros clavier qui tâche, on notera aussi de belles envolées dans des titres pourtant plus violents. On peut par exemple citer A Home, qui démarre pourtant avec un riff d’une lourdeur abyssale, mais qui arrive, avec quelques ajouts musicaux, à rendre l’ensemble très touchant et presque orchestral. On retrouvera cela surtout dans les différents ponts qui lient les couplets, mais dans sa globalité, le morceau garde une sensibilité rare au sein de sa violence. On trouvera ça aussi dans le dernier titre de l’album, Capricorn/Agoratopia, qui alterne les phases au blast destructeur, avec des moments plus aériens. Cependant, le groupe ne laisse pas sa violence de côté, bien au contraire, et il sait quand il faut lâcher la purée, comme sur Hollow ou encore Death is Real.
Au final, Where Owls Know my Name, le dernier album en date de Rivers of Nihil, est un excellent opus et peut-être même le meilleur dans sa catégorie. Outre sa violence inhérente au genre, le groupe arrive à déployer une belle palette d’émotion en faisant intervenir d’autres instruments, mais en proposant aussi une technique qui permet d’alterner différentes phases au sein d’un même titre. Bref, Rivers of Nihil a tout d’un grand groupe et il n’est pas étonnant qu’il commence à se faire un nom.
- Cancer/Moonspeak
- The Silent Life
- A Home
- Old Nothing
- Subtle Change
- Terrestria III : Wither
- Hollow
- Death is Real
- Where Owls Know my Name
- Capricorn/Agoratopia
Note : 17/20
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Par AqME