avril 23, 2024

Le Profileur – Homonecrosis

9782357560130-0

Résumé :

Entrez dans les abîmes, venez contempler la noirceur de vos chimères dans mes yeux…Parcourez l’échine de cet animal sauvage qui vit dans ma tête et qui regarde pour moi les images sombres de votre désespoir humain…Comprendrez-vous ma solitude, et chercherez-vous à lui apporter une réponse ? Je suis cet être aux mille visages, je suis celui qui vous scrute lorsque le monde vous dégoûte, et lorsqu’à la nuit tombée votre masque tombe… Je suis là depuis le commencement, je vis dans votre âme, je suis vous, je suis votre vérité inconciliable…et je sèmerai pour vous la désolation.

Avis :

Qu’il s’agisse de cinéma, littérature, musique et même l’art, le thème du serial-killer ne cesse d’alimenter la culture de plein fouet avec des scénarios plus sordides les uns que les autres. Parfois fustigé pour glorifier l’acte (et le tueur), on découvre souvent des histoires qui s’inspirent plus ou moins librement de faits véridiques. La bande dessinée n’échappe pas à cette déferlante en nous proposant régulièrement des récits qui font référence aux plus grands maniaques de notre époque (Manson, Bundy, Dahmer, Gacy et consorts) via un traitement sombre et sans concession. Le travail est, en général, réaliste et violent. Est-ce le cas de ce Profileur ?

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Comme son titre l’indique, l’on se retrouve dans une enquête où les cadavres de prostituées atrocement mutilés s’accumulent dans les bas-fonds de Chicago. En parallèle des investigations officielles, l’on suit le parcours chaotique de Dolorès Tolima, une policière efficace, mais en marge de la hiérarchie. Certes, le scénario ne paie pas de mine (inspiré du couple de tueurs en série Deborah Bingham et de son fils Anthony). Malgré les efforts consentis pour s’affranchir des poncifs du genre, il est difficile de trouver une originalité marquante au fil des vignettes. La faute sans doute à un début classique (Dolorès bourrée au comptoir d’un bar) et des séquences trop rapidement expédiées (mais c’est le support qui veut ça).

À l’instar d’une nouvelle, le rythme nécessite d’être tendue. 60 pages pour raconter une histoire, c’est court, très court. Aussi, il ne faut pas s’enticher de longueurs, encore moins de contemplation. De fait, la progression se montre dynamique, mais parfois brouillonne. L’enchaînement ne se révèle pas très cohérent, et ce, malgré l’emploi de palettes de couleurs différentes pour les flash-back ou les hallucinations. Il en ressort un récit vif entrecoupé de séquences qui se succèdent à un train d’enfer au risque de temps à autre d’oublier le lecteur (on a tendance à revenir en arrière pour reprendre le fil principal). Toujours est-il que le final s’avère assez prévisible en dépit de quelques détournements alambiqués pour nous flouer.

À cela, l’on notera une touche fantastique plutôt malvenue et qui ne sert pas vraiment le propos de la folie humaine (au centre de l’intrigue). Les introspections et les hallucinations cauchemardesques alourdissent plus la narration qu’elle ne la porte. On a du mal à saisir les relations entre les protagonistes et leur passif que l’on devine houleux. Quelques explications ne suffiront pas à éclairer tous les pans obscurs. Encore une fois, les caractères tourmentés répondent à l’appel, mais les clichés tels que la flic alcoolique et rebelle, le fidèle collègue un rien naïf ou le psychologue qui cache un terrible secret ne surprenne pas vraiment, mais n’agace pas non plus.

L’on se concentrera surtout sur l’atmosphère. Les dessins amorcent un nihilisme froid et acerbe. Les auteurs ne se sont pas attachés à être le plus réaliste possible, mais à retranscrire un Chicago fantasmé et hanté par ses histoires qui s’entrechoquent à chaque coin de rue. Les abattoirs, les ghettos, le lac Michigan, tout est présent. On se trouve à cheval entre une ambiance mafieuse et délétère d’un thriller moderne. De ce côté, la réussite est indéniable. La patte graphique se joue des contrastes d’obscurité en utilisant des couleurs majoritairement sépia dans des teintes très sombres. Malgré l’impression statique qui se dégage des vignettes, le style est épuré et direct.

Autre point appréciable, la violence ne s’embarrasse pas de préserver les esprits fragiles. Outre les scènes de nudité, les quelques meurtres disséminés au fil des pages montrent des tortures assez horribles tout en laissant une part de suggestion. L’exemple le plus probant est celui de la langue coupée mise au chaud dans le vagin de la suppliciée. On ne s’attardera pas sur les mutilations ou les sévices qu’on subit les victimes. Paradoxalement, cette violence n’est pas forcément révélatrice de la souffrance endurée. Un choix que l’on discutera ou pas, mais qui tend à banaliser ce genre d’actes plutôt que les dénoncer (un peu comme les tueurs en série déshumanisent leurs proies).

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Au final, Le profileur – Homonecrosis est un thriller assez classique dans son histoire. On retrouve aisément ses marques sur les tenants et les aboutissants de l’intrigue, mais, la narration se montre assez décousue et brouillonne pour perdre à certains moments le lecteur. La faute à des séquences trop vite expédiées et un traitement fantastique et ésotérique en dernière ligne droite hors contexte qui nuit à l’ensemble du récit (il aurait mieux fallu se concentrer sur la folie au sein de la psyché au lieu de la matérialiser). Toujours est-il que cette bande dessinée jouit d’une atmosphère sombre à souhait servie par des illustrations au style épuré et radical. Un thriller bancal sur le fond, mais qui mérite de s’y attarder pour son ambiance et sa mise en abîme.

Notes : L’ouvrage contient en postface une lettre d’informations envoyées à une spécialiste des serial-killers, ainsi qu’une rapide interview de l’auteur et de l’illustrateur. Un petit bonus qui fait toujours plaisir à découvrir.

Note : 13/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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