avril 18, 2024

Le Manoir

De : Tony Datis

Avec Kemar, Natoo, Ludovik, Jerôme Niel

Année : 2017

Pays : France

Genre : Comédie, Horreur

Résumé :

Une bande d’étudiants vient fêter la nouvelle année dans un vieux manoir isolé de tout. Mais peu après leur arrivée, des événements étranges perturbent l’ambiance, avant que la fête ne tourne carrément au cauchemar…

Avis :

La comédie horrifique est un genre relativement codifié qui demande une réelle rigueur. Si cela n’est pas forcément visible à l’écran, ce genre demande un juste équilibre entre l’horreur et l’humour. Un équilibre souvent précaire et de nombreux cinéastes s’y sont pétés les dents à force de trop tirer sur la corde. Une bonne comédie horrifique doit savoir verser dans l’humour sans que cela ne prenne le pas sur la peur et l’angoisse. Les plus belles réussites sont rares, mais on peut tout de même citer Shaun of the Dead, Scary Movie ou encore The Babysitter disponible sur Netflix. En France, déjà que l’horreur, ce n’est pas forcément ça, il ne fallait pas s’attendre à des miracles avec Le Manoir. Sorte d’héritier des Dents de la Nuit et de la génération Youtube, le film de Tony Datis s’avère décevant.

Alors bien évidemment, le film n’est pas foncièrement mauvais. Au niveau des bons points, on peut lui octroyer une réalisation léchée et une direction artistique plutôt plaisante. Sortant du monde du clip, le jeune metteur en scène s’applique du mieux qu’il peut, avec notamment quelques plans séquences (au début) et des passages un peu plus nerveux, même si cela manque de punch. On peut aussi y voir une réelle intention de poser une atmosphère étrange. Le manoir est lugubre, certaines pièves sont étranges et les apparitions du meurtrier dans son costume sont plutôt intéressantes, même si elles ne font pas avancer le scénario. Enfin, dernier bon point que l’on peut mentionner, le talent de certains « acteurs ». Là aussi, c’est très inégal, mais Vincent Tirel, Jérôme Niel ou encore Yvick Letexier sont plutôt bons en plus d’être drôles, malgré des rôles… clichés au possible.

Et c’est là que l’on va aborder les moments gênants du film. Tout d’abord, parlons du scénario, qui est tout simplement inexistant. Certes, ce n’est pas dans la comédie horrifique que l’on va retrouver des chefs-d’œuvre d’écriture, mais on peut y déceler du fond, et parfois même de la finesse. Chose qui n’existe pas ici. L’humour Youtube remplace l’intelligence anglaise et on va vite se retrouver avec des blagues pipi/caca qui ne servent à rien et un twist final que l’on aura grillé dès le début du film. L’intrigue est basique, on dirait une vieille blague entre potes et le temps semble bien long quand rien n’avance réellement que l’on a la sensation de voir une succession de sketches pas forcément drôles. Alors oui, on va rire une paire de fois sur des blagues inattendues, notamment grâce à Ludovik ou Jérôme Niel, mais ça reste très maigre.

Et si le scénario n’est pas bon, ce n’est rien comparé au manque d’équilibre des tonalités. Le film veut faire rire avant tout, au point d’en oublier de faire peur, ou de glisser des éléments vraiment horrifiques. Les quelques mises à mort sont hors-champ. On a très peu d’effets gores, et les jump scare sont aux abonnés absents. Cela aurait pu être une peccadille si l’ambiance générale était effrayante, mais là aussi, on reste sur notre faim. Malgré le travail sur l’atmosphère glauque du manoir, on reste sur quelque chose de très plat, qui ne va servir finalement qu’à pointer des blagues. Et Le Manoir ressemble plus à une succession de vidéos Youtube qu’à un véritable film. Et à partir de là, on peut y voir un problème générationnel. Les 14/25 ans adoreront, d’autant plus qu’ils verront leurs fans, mais au-delà de cet âge, les gens risquent fort de ne pas tout comprendre et de s’ennuyer ferme. Ajoutons à cela les nombreuses fautes de goût, comme la pendaison par la bite ou encore le type qui se branle en demandant à deux filles de danser pour lui, et on obtient un truc un peu indigeste.

Enfin, difficile aussi de passer outre le jeu calamiteux de certains « acteurs », qui proposent une palette de personnages dont on aura du mal à ressentir de l’empathie. Les clichés sont nombreux. On aura droit à l’énervé, le drogué, la fille un peu racaille, la chaude du cul, la débile, la discrète, le peureux ou encore l’acteur raté. Des personnages à la limite du supportable pour certains, et cela est aussi dû aux interprètes. Par exemple, Vanessa Guide est tout simplement insupportable. Elle a beau être magnifique, elle joue comme une patate et n’arrive pas à donner du corps à son personnage. Il en va de même pour Kemar, complètement fantomatique, ou encore Natoo qui n’a aucune crédibilité et qui surjoue constamment. Et que dire de la relation entre Ludovik et Delphine Baril, hormis que c’est sans intérêt.

Reste alors les quelques références que le réalisateur essaye tant bien que mal à proposer. Dans des interviews, il avoue avoir été biberonné aux grands classiques de l’horreur, comme Les Griffes de la Nuit, l’Exorciste ou encore Massacre à la Tronçonneuse, mais on cherche encore où l’on peut trouver cela dans le film. Les références iront plutôt dans les comédies grasses, le film se ponctuant finalement de saynètes pas toujours très intéressantes, à l’image de l’arrivée de Enzo, qui fait office de clip qui met mal à l’aise tant c’est mal venu. Encore une fois, on voit bien que l’équilibre n’est pas du tout géré et qu’il y a trop de place laissé à la comédie.

Au final, Le Manoir est un film pour lequel on reste assez circonspect. Sur son ensemble, on ne peut qu’être déçu. Le film ne raconte rien, il est grossier, n’a pas de fond et ne semble être qu’une succession de sketches plus ou moins passables. Cependant, la réalisation est propre, il y a une vraie volonté de poser une ambiance un peu macabre et deux personnages sont intéressants et bien joués. Si cela ne suffit pas forcément à sauver le film d’un marasme putassier, on ne peut renier une envie de bien faire de la part de Tony Datis. Et c’est toujours ça de pris…

Note : 10/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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