De : Floria Sigismondi
Avec Mackenzie Davis, Finn Wolfhard, Brooklynn Prince, Barbara Marten
Année : 2020
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Une jeune femme, engagée comme nounou de deux orphelins, est convaincue que le manoir dans lequel ils vivent est hanté.
Avis :
Publié en 1898 et écrit par Henry James, Le Tour d’Ecrou va être un immense succès, au point de devenir un support culte pour le monde du fantastique et de l’horreur. Sa première adaptation cinématographique, on la doit à Jack Clayton en 1961 avec Les Innocents. Petit chef-d’œuvre du genre, malgré les nombreux remakes et autres réadaptations, le roman d’Henry James ne retrouvera jamais une telle gloire. De ce fait, on aurait pu croire que les producteurs allaient arrêter avec cette histoire de fantômes tourmentés et d’enfant terribles, mais il n’en est rien. Si Mike Flanagan avait trouvé un léger équilibre avec sa série The Haunting of Bly Manor (dispo sur Netflix), ce ne sera pas le cas de Floria Sigismondi, pourtant réalisatrice du superbe The Runaways. Mou, n’apportant rien au genre, on peut dire que The Turning est un petit ratage qui donne envie de faire une sieste.
Le scénario du film est assez basique. Une jeune enseignante est appelée pour devenir la tutrice d’une jeune fille dans un grand domaine. En arrivant sur place, elle fait la connaissance de la gouvernante, puis du grand frère, un adolescent tourmenté par la mort de Quint, l’homme à tout faire de la maison qui avait une mauvaise influence sur lui. Au fur et à mesure que le temps passe dans le manoir, la jeune femme entend des bruits, voit des fantômes, et surtout, elle subit les accès tyranniques d’un grand frère mal dans sa peau et qui lui en fait voir de toutes les couleurs. Persécutée par cet enfant et victime de visions qui lui font entrevoir un passé trouble, la jeune enseignante va tenter de découvrir une vérité macabre. Et le film suit cette pseudo enquête à la lettre, tout en pointillant son récit d’apparitions en tout genre.
Et on aurait pu croire à un film d’épouvante assez classique, mais au demeurant sympathique. Ce qui ne sera pas vraiment le cas. Le problème de ce scénario est qu’il n’arrive jamais à nous faire ressentir de l’empathie pour cette jeune enseignante qui quitte une colocation saine pour un manoir gothique inquiétant. On a beau nous présenter sa mère comme une folle internée et nous montrer qu’elle veut se sentir utile en venant en aide à cette famille, on ne s’accroche pas à elle. Il faut dire qu’elle manque de personnalité, d’épaisseur, et la prestation de Mackenzie Davis laisse clairement à désirer. Elle chouine plus qu’autre chose, ne s’impose jamais et subit en tendant bien souvent l’autre joue. Bien évidemment, on aura droit aux messages un peu défraîchis sur le courage et la persévérance, mais rien ne prendra vraiment.
La faute aussi à des antagonistes qui peinent à exister. En dehors de quelques apparitions qui ne font pas peur (les jumpscares sont foirés complet), le film ne fait pas exister la gouvernante, pourtant dotée d’un faciès peu avenant, ou encore les deux enfants, dont le garçon, tyrannique, à qui on a plus envie d’envoyer des baffes qu’autre chose. Finn Wolfhard sort de Stranger Things pour un rôle insupportable, mais dont il s’accapare sans trop de problème. C’est d’ailleurs le seul qui aura un peu d’importance, aussi bien dans son mal-être que dans ses liens avec les esprits de la baraque. Mais en dehors de ça, on n’aura pas vraiment grand-chose à se mettre sous la dent. Même la narration demeure bancale, avec des rêves dans le rêve qui s’imbrique dans une réalité plus ou moins palpable. Le film se perd dans une complexité dont nous n’avions pas besoin.
Et c’est dommage de voir un tel constat. Car si le film ne suscite aucun intérêt dans son épouvante (et encore moins dans son histoire t sa narration), la mise en scène a parfois des fulgurances qui font plaisir. L’aspect gothique du manoir est bien retranscrit et on sent un vrai effort dans la recherche photographique. Certains plans brumeux sont très jolis et les plans larges ont un certain charme qui aurait pu contribuer à la qualité du film. Malheureusement, outre des effets spéciaux caduques et une mise en scène qui peine dans les moments intimistes, The Turning s’affiche comme un film lambda, qui manque d’ambition et de volonté. De plus, il y a vraiment quelque chose de marquant là-dedans, c’est le contexte historique, qui ne sert strictement à rien.
Le début nous plonge deux ans après la mort de Kurt Cobain, nous sommes en plus délire Grunge, mais la réalisatrice ne fait absolument rien de ce contexte. On a droit à une bande-originale avec quelques morceaux Rock/Grunge, mais à aucun moment les années 90 ne transparaissent dans l’intrigue, ou dans des moments clés. En fait, le film pourrait se dérouler à n’importe quelle époque que la mise en scène aurait été la même. Pourquoi retranscrire alors l’histoire d’Henry James dans un format plus contemporain si ce n’est pour rien en faire ? Et cela se traduit aussi sur la rythmique du film, qui aurait pu être plus rock’n’roll, mais qui finalement s’enlise dans une langueur insupportable. On a l’impression que comme c’est un film de fantôme, il faut ralentir au maximum pour apporter un peu de suspense. Mais le suspense peut se traduire aussi dans l’écriture.
Au final, The Turning est une piètre adaptation du Tour d’Ecrou d’Henry James. Se voulant novateur dans son approche historique, le film ne fait rien des années 90 et reste dans un format vieillot où rien ne bouge. On peut comprendre la volonté de la réalisatrice de démontrer que certaines histoires sont intemporelles, mais là, ça ne marche pas vraiment, car le film reste trop inconsistant pour véritablement marquer. Bref, une adaptation qui ne vaut pas grand-chose, et certainement pas celle de Jack Clayton, ni même celle de Mike Flanagan, malgré toutes les réserves que l’on a dessus…
Note : 07/20
Par AqME