D’Après une Idée de : Shô Miyake
Avec Yoshiyoshi Arakawa, Yuina Kuroshima, Koki Osamura, Kai Inowaki
Pays : Japon
Nombre d’Episodes : 6
Genre : Horreur
Résumé :
Un chasseur de phénomènes paranormaux cherche désespérément une maison maudite où une mère et son enfant ont été les victimes d’un drame il y a bien longtemps.
Avis :
C’est en 2004, après le succès inespéré de Ring au cinéma, que les amateurs de frissons découvrent The Grudge. Produit par Sam Raimi, il ne s’agit pourtant pas d’une idée originale, mais bel et bien d’un remake issu d’une saga nippone initiée par un certain Takashi Shimizu. L’homme en question sera responsable d’une licence fructueuse au pays du soleil levant avec pas moins de six films et c’est même lui qui sera en charge de réaliser cette version américaine avec Sarah Michelle Gellar en guest star. Fort de ce succès, le film connaîtra deux suites, relativement médiocres, puis un énième remake en 2020 qui finira par couler la licence dans les tréfonds du purgatoire. Plus connu chez nous sous le nom de The Grudge, Ju-On va pourtant connaître un sursaut de vitalité grâce à Netflix qui présente alors sa première série horrifique japonaise avec les six premiers épisodes de Ju-On Origins. Plus ou moins fidèle aux films, gardant constamment ce mélange des temporalités pour mieux bousculer le spectateur, que vaut vraiment cette première saison, très courte, mais auréolée de retours plutôt positifs.
Il était assez logique que la série garde un lien très fort avec la licence de longs-métrages. Déjà parce que si l’on veut raconter les origines d’un film, il faut bien avoir des connexions sous peine de perdre les fans, mais aussi et surtout parce que le projet est porté par les deux producteurs des films, qui restent gestionnaire de cette série. S’étalant sur près de dix ans, Ju-On Origins va tenter de montrer non pas comment la maison devient hantée, mais plutôt comment elle hante les gens depuis des générations et continue à poursuivre ses méfaits. Se focalisant sur trois couples de personnages durant des temporalités différentes, la série va aller très vite à l’essentiel pour montrer que finalement, c’est à l’être humain qu’incombe la faute de la hantise. On commence avec le viol d’une lycéenne dans cette bicoque abandonnée, dont la vie va prendre un tournant dramatique, puis ensuite avec un couple qui emménage dans la maison et dont le sort sera pour le moins tragique et enfin, on aura une jeune femme qui prétend entendre des pas chez elle et qui va s’allier avec un chercheur de phénomènes paranormaux pour mener l’enquête. Ce dernier couple sera d’ailleurs le chaînon entre toutes les histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres sans aider le spectateur d’un point de vue temporel.
En effet, si l’on n’est pas rompu à la licence et à ses changements de temporalité, la série va être très complexe à suivre. Déjà dans les films, certains personnages entendaient et voyaient des spectres qui n’étaient qu’eux-mêmes alors qu’ils n’étaient pas encore morts. La série va constamment jouer avec les codes de la franchise, entremêlant les époques, les couples et les personnages. De ce fait, même si ça reste plutôt malin, on sera vite perdu dans la multitude de personnages et dans leur absence de présentation. Entre une lycéenne qui va vite grandir et devenir mère, un tueur d’enfants que l’on retrouvera une seule fois en prison, un chercheur qui écrit des livres et dont le seul indice d’évolution est le nombre de romans qu’il a écrit, on se retrouve face à des situations qui demeurent parfois incompréhensibles et qu’il faut constamment recontextualiser. Jouer sur le temps et sur les différents fantômes, c’est bien vu et intelligent, encore faut-il savamment le mettre en scène pour ne pas perdre les spectateurs. Et c’est le principal reproche que l’on peut faire à la série, qui complexifie un ensemble d’histoires pour finalement ne pas raconter grand-chose, si ce n’est une maison maudite et un rapport à l’être humain nihiliste.
Le vrai tout de cette série, c’est finalement de montrer que l’homme est une ordure pour l’homme, ne faisant que du mal autour de lui et oubliant tout ce qui fait de nous des êtres humains. La série s’évertue à nous mettre mal à l’aise avec des rapports de force et des attitudes néfastes et totalement condamnables. Le viol, le meurtre d’enfants, de femmes enceintes ou encore la torture seront autant de thématiques abordées par la série pour démontrer que le vrai monstre n’est pas le fantôme, mais bel et bien l’humain. Ainsi, les ressorts horrifiques se trouveront non pas dans les diverses apparitions des spectres, mais plus dans la violence inhérente au genre humain, qui semble se délecter de faire du mal et d’imposer une domination sur plus faible que soit. Shô Miyake, jeune réalisateur baignant plus dans le drame que dans l’horreur, va apporter une vision relativement réaliste des rapports humains et de la déchéance de celui-ci. Les teintes bleues, grises, ce Japon terne et peuplé de personnes mal intentionnées va imposer un malaise qui pourra mieux nous cueillir lors des moments horrifiques.
Des moments horrifiques qui seront finalement relativement percutant. S’éloignant volontairement des jump scares habituels du genre, le jeune metteur en scène va provoquer des apparitions attendues, plus longues, plus exposées, mais qui font office de symboles dans un monde perclus de violence. Entre femmes offrant un nouveau-né, cadavre ambulant statique, disparition explosive ou encore fœtus suintant, leurs présences sont longuement exposés afin de créer un certain malaise et d’approfondir la peur des personnages. Malheureusement, ce qui peut passer pour des moments effrayants va vite tourner court à cause de personnages qui ne sont pas travaillés. Des personnages fonction qui sont à peine esquissés et qui ont du mal à exister dans l’intrigue. Et de ce fait, on n’aura que peu d’empathie pour eux, nous empêchant alors de ressentir une vraie terreur lors des moments fatidiques avec les esprits. Pour rattraper cela, on aura droit à quelques scènes gores en gros plan, mais le malaise se trouvera ailleurs, notamment dans les scènes de violence quotidienne.
Au final, Ju-On Origins est une série qui souffle le chaud et le froid et qui est tout de même à conseiller aux fans de la franchise The Grudge, ou tout du moins à ceux qui sont rompus avec la J-Horror et ses esprits. Si l’essence même de la saga est sauvegardée avec ces allers-retours dans le temps et sa volonté de perdre le spectateur dans un récit horrifique étrange et anxiogène, on reste de marbre devant des personnages détestables ou au mieux transparents et un rythme lent qui souffre parfois du vide qu’il raconte. Bref, sans être géniale, Ju-On Origins peut se targuer d’être meilleur que les derniers films de la franchise et c’est déjà pas si mal.
Note : 13/20
Par AqME