Auteure : Juliette Dezuari
Editeur : Beetlebooks Publishing
Genre : Fantastique
Résumé :
Dissimulé dans l’ombre des coquelicots, il patiente.
Il guette le moment propice.
Lorsque vous l’entendez, il est déjà trop tard.
Des années ont passé depuis sa dernière attaque, mais il est bel et bien de retour et plus affamé que jamais. Les habitants du village le savent : aucun secret ne pourra lui échapper.
Qui pourra lui résister ?
Avis :
Le mange-mystère constitue une nouvelle prenante, qu’il est difficile de lâcher une fois commencée. Le thème central de l’histoire, à la fois perturbant et fascinant, s’apparente à ceux que l’on peut retrouver dans des romans d’horreur, ou dans des textes qui déstabilisent tout en faisant réfléchir. Les premières lignes décrivent physiquement le mange-mystère, une créature avide d’histoires palpitantes, comme une entité parsemée de coquelicots. L’image renvoyée s’avère particulièrement poétique, alors qu’il n’en est rien.
Cauchemardesque, effroyable, meurtrier, monstrueux, le mange-mystère reste insaisissable tout le long de la lecture. Aussi énigmatique que les mystères qu’il aime ingurgiter, le mange-mystère ne ressemble à rien de connu. Et ce n’est pas plus mal. L’aura obscure qui englobe cette créature donne sa force au récit et captive. L’image du coquelicot perdure en tête, troublant le lecteur, pour qui la fleur constitue un élément beau et positif, anormalement associé à une horreur diabolique.
La nouvelle joue avec cette dimension à la fois colorée et malsaine, merveilleuse et terrifiante, magique et sinistre. Cette atmosphère nous promet d’emblée un voyage incroyable, et le déroulé, comme la fin, ne ternissent rien. Le mange-mystère tient en haleine, par ses actions endiablées et étranges, et grâce à des personnages attachants. Malgré la concision du texte, due à son genre littéraire, l’auteure parvient à mettre en place un décor et des héros marquants. Même si le sujet choisi se rapproche du noir, la finalité se montre positive, entrainante et pleine d’espoir. Le mange-mystère dépeint des héros qui nous portent, qui dépassent leur peur, et qui combattent le mal.
L’écriture, aussi belle que les fleurs qu’elle décrit, enchante dès les premiers mots. Bien rythmée, très visuelle, tout en légèreté et poésie, la plume de Juliette Dezuari titille nos sens et égaye nos esprits. Les phrases glissent avec plaisir, les descriptions suffisent à animer notre imaginaire et le vocabulaire est choisi avec intelligence et goût. La lecture en devient un réel plaisir.
L’univers à la Stranger Things, que nos héros doivent traverser une fois les fleurs mises de côté, nous fait trembler d’excitation : les ombres jouent de perversité et de cruauté. Le mange-mystère se joue de nous, à tous les niveaux. L’auteure distille son suspens avec malice, sur les trois parties de son texte. Ce découpage permet de donner du rythme à la nouvelle, et de bien séparer les idées, voire même de lire le récit en plusieurs fois, sans se perdre.
La nouvelle met en valeur le monde du théâtre, l’univers de l’imagination, en fait celui des histoires en général. Le mange-mystère adore les récits de qualité et s’en nourrit. Si vous savez le convaincre et jouer un rôle qu’il apprécie, peut-être vous laissera-t-il la vie sauve ? Les héros se transforment en acteurs dévoués pour survivre, développent leur imaginaire pour s’en sortir et travaillent leurs scènes pour satisfaire la bête. De tous les âges, les personnages nous attestent que le pouvoir des rêves n’est pas donné qu’aux enfants. Nous gardons une part de notre enfance en nous, nous savons tous inventer et créer quand nous nous laissons aller. L’imagination ne serait-elle pas essentielle à la vie ? Le mange-mystère survivrait-il dans un monde empreint de magie et d’esprits inventifs ?
La première partie nous présente la créature étrange et les meurtres qu’elle engendre. La nouvelle joue avec nos nerfs, en mettant en avant une petite fille qui n’avait, pour tout secret, qu’une amourette d’adolescents plutôt mignonne. Ce sera son petit ami, appelé sans le vouloir, qui combattra le mange-mystère et qui clôturera l’histoire. Les deux autres parties s’enchaînent en une multitude d’actions, qui auraient peut-être mérité de respirer davantage pour nous laisser apprécier l’inventivité de l’auteure, et la folie de son univers. Les doutes des héros n’envahissent pas le récit, qui se concentre plutôt sur les idées de ces derniers pour vaincre le monstre. Les décors abracadabrantesques se superposent, tout comme les sbires démoniaques. Tout est bon pour torturer nos héros.
L’histoire reste haletante, passionnante et étrange. Le mange-mystère est une nouvelle intéressante, énigmatique et atypique. La chute s’avère certes peu exceptionnelle, mais si bien adaptée à l’univers, que le lecteur s’en satisfait à merveille. La dernière phrase nous renvoie au métier des écrivains, qui savent toujours créer de beaux récits pour nous faire voyager et rêver. Le mange-mystère est un savant mélange de conte, récit horrifique et aventure épique, qui saura ravir les plus jeunes comme les plus âgés. N’arrêtons jamais de rêver et créer !
Note : 18/20
Par Lildrille