mars 28, 2024

Ad Astra – Mon Père qui Êtes aux Cieux

De : James Gray

Avec Brad Pitt, Tommy Lee Jones, Donald Sutherland, Ruth Negga

Année : 2019

Pays : Etats-Unis

Genre : Science-Fiction

Résumé :

L’astronaute Roy McBride s’aventure jusqu’aux confins du système solaire à la recherche de son père disparu et pour résoudre un mystère qui menace la survie de notre planète. Lors de son voyage, il sera confronté à des révélations mettant en cause la nature même de l’existence humaine, et notre place dans l’univers.

Avis :

Le cas James Gray est assez intéressant. C’est un réalisateur qui fait son apparition au milieu des années 90 avec le polar Little Odessa, puis il va confirmer son talent et son amour pour ce genre en 2000 avec The Yards. James Gray est un cinéaste qui tourne peu, mais qui prend le temps d’écrire ses scénarios et de poser des ambiances très précises. Alors qu’il continue dans le polar en 2007 avec La Nuit Nous Appartient, avec Two Lovers et The Immigrant, il change son fusil d’épaule et se lance dans le drame, parfois teinté d’histoire, parfois teinté de romance. Son dernier film en date datait de 2016 et était un biopic sur un homme assoiffé de découvertes, délaissant femme et enfants pour chercher une antique cité dans la forêt amazonienne. La solitude, la tristesse, le délaissement sont autant de sujets qui fascinent le réalisateur, finalement assez peu apprécié aux States, mais presque adulé en Europe. Avec Ad Astra, James Gray se lance dans un nouveau défi, la science-fiction, un genre qui, d’après ses dires lors d’interviews, l’effraie de par sa grandiloquence et la multitude de sujets que l’on peut aborder.

Les émotions fortes, comme la peur, sont des éléments qui permettent de se dépasser et d’affronter l’impossible. James Gray, malgré sa trouille cosmique du genre, va alors proposer un spectacle très intéressant, d’une beauté à couper le souffle, mais qui reste très caractéristique de l’auteur. C’est-à-dire un rythme très lent, une bande originale qui prend aux tripes et surtout, une réalisation parfaite qui est bourrée de métaphores et que l’on pourrait analyser durant des heures. Car oui, Ad Astra est une belle réussite, même s’il comporte une faille, son aspect un peu élitiste et cette foutue envie de faire un film lent, pouvant dès lors laisser quelques personnes sur le carreau. Un défaut mineur pour les cinéphiles qui vont y voir ici une histoire presque christique, où un enfant veut retrouver son père alors perdu dans l’espace, afin de retrouver ses racines et de savoir qui il est. Une quête initiatique aux confins de la galaxie, qui a des éléments horrifiques à l’intérieur et qui porte pourtant un superbe message d’amour humaniste.

Très clairement, le scénario n’est pas quelque chose de très important dans ce genre de film qui mise beaucoup sur la mise en scène et les personnages. Ici, James Gray fournit une sorte de journal intime dans lequel le héros raconte ses sentiments, sa vision du monde, ses échecs comme ses victoires et finalement son évolution. En partant à la recherche de ce père énigmatique et très égoïste, le personnage central va finir par se poser des questions sur lui-même. Est-il le même personnage que son père ? Est-il aussi buté et égoïste au point de dénigrer les autres ? Il y a dans ce film une réelle volonté de montrer que chacun évolue différemment, et que l’on n’est pas obligé de ressembler à son paternel. James Gray essaye, à travers ce voyage lointain, d’aborder des sujets essentiels et importants pour l’être humain, qui est bien petit au sein de l’univers. On pourra voir quelques retournements de situations au sein du scénario, mais l’ensemble reste assez prévisible et ce n’est pas vraiment sur les actions que le film trouve son intérêt. On aura bien quelques bagarres, quelques moments un peu plus pêchus comme un passage sur la lune avec une fusillade, mais si le rythme reste lent, c’est pour contempler les étoiles et réfléchir à l’humain.

Ad Astra possède ce rare don d’imprégner son spectateur. C’est-à-dire que l’on rentre rapidement dans le film pour ressentir de l’empathie envers le personnage principal, pourtant presque dénué de sentiments au départ. L’introduction est grandiloquente, d’une beauté incroyable et pose une base solide sur la mise en scène de Gray. Une mise en scène tout simplement sublime, bien loin des plans de carlingue d’un Interstellar (oui, je n’aime pas ce film, est alors ?!). Derrière cette mise en scène, on va retrouver des éléments qui sont fondamentaux à l’histoire. Le cinéaste va constamment mettre des lignes de fuite dans ces plans, qui se terminent constamment par des zones d’ombre. On pourrait croire que cela symbolise notre destinée, notre chemin à suivre, et qu’au bout, il y a les ténèbres, l’inconnu. Tous ces plans montrent le destin du héros, qui ne sait jamais où il va et ce qu’il ressent envers ce père qu’il n’a quasiment pas connu. James Gray joue aussi énormément sur les reflets, que ce soit sur les hublots des vaisseaux, ou encore sur les visières des casques. Une façon de percevoir le regard de l’autre et de se rendre compte que finalement, on n’est rarement tout seul et que l’on a besoin les uns des autres. Cette mise en scène est tellement inspirée que l’on pourrait voir des métaphores partout, comme cette séquence du vaisseau fantôme, partie un peu horrifique, où l’ouverture du hublot se reflète dans les casques, créant une masse noire sur les visières, comme si les personnages se faisaient avaler par un quelconque monstre. Bref, rien n’est vraiment laissé au hasard et c’est du grand art.

Un art qui va se retrouver aussi dans la photographie et le spectre des couleurs. Jouant constamment sur le spectre des couleurs James Gray impose des sentiments et des situations qui changent en fonction de la planète. Sur la lune, les gris et bleus sont majoritaires, exprimant ainsi la froideur d’un Brad Pitt qui n’est là que pour faire sa mission, sans l’ombre d’un doute. L’attaque des pirates va faire basculer le film vers le noir et la colère, avant de se diriger vers le rouge la planète Mars. Un rouge qui va symboliser une sorte de colère, mais aussi le doute au sein de l’esprit du héros, qui va devoir se faire à l’idée que son père n’est pas celui qu’il croyait être. Quant à la photographie, elle est sublime, magnifiant chaque plan, avec une réelle recherche esthétique qui apporte du sens au métrage et à ce que veut nous raconter l’auteur. Une histoire à la fois christique, une quête initiatique, mais aussi un beau récit sur la solitude et la nécessité de vivre ensemble.

Quant au casting, il est tout simplement incroyable, même si le film repose essentiellement sur les épaules d’un Brad Pitt qui a rarement été aussi bon que cette année. Après sa prestation superbe dans Once Upon a Time in… Hollywood, il revient ici dans un autre registre, plus dramatique, plus dur et il est tout autant touchant. Il est comme un enfant qui recherche ce père qu’il croyait disparu et certains moments sont presque bouleversants quand il s’adresse à lui (ou comme la fin). A ses côtés, on pourra compter sur un Donald Sutherland qui tient encore bien la barque, ou un Tommy Lee Jones froid et distant, tout simplement parfait dans son rôle. Un rôle de chercheur obtus et qui n’accepte pas de ne pas trouver. On aura droit aussi une Ruth Negga assez transparente mais finalement touchante dans son rôle et une Liv Tyler qui fait de la figuration mais dont le charme opère toujours.

Au final, Ad Astra est un excellent film de science-fiction. Si le rythme lent risque d’en rebuter plus d’un, la beauté de la réalisation et ses multiples messages métaphoriques en font un film d’une rare élégance et qui ne prend pas le spectateur pour un imbécile. Rien n’est surjoué, rien n’est trop expliqué et l’ensemble se combine parfaitement pour offrir un spectacle grandiose, grandiloquent, mais qui sait aussi redescendre à hauteur d’homme. Bref, le genre de film qu’il faut voir en salle pour en savourer tous les fragrances.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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