De : Robert Kenner
Avec Michael Pollan et Eric Schlosser
Année : 2009
Pays : Etats-Unis
Genre : Documentaire
Résumé :
Food, Inc. décortique les rouages d’une industrie qui altère chaque jour notre environnement et notre santé. Des immenses champs de maïs aux rayons colorés des supermarchés, en passant par des abattoirs insalubres, un journaliste mène l’enquête pour savoir comment est fabriqué ce que nous mettons dans nos assiettes. Derrière les étiquettes pastorales de « produits fermiers », il découvre avec beaucoup de difficulté le tableau bien peu bucolique que les lobbys agro-alimentaires tentent de cacher : conditions d’élevage et d’abattage du bétail désastreuses, collusion entre les industriels et les institutions de régulation, absence de scrupules environnementaux, scandales sanitaires… Éleveurs désespérés, experts indépendants, entrepreneurs intègres et défenseurs du droit des consommateurs esquissent, chacun à leur manière, le portrait d’une industrie qui sacrifie la qualité des produits et la santé de ses clients sur l’autel du rendement.
Avis :
S’il est correctement exploité, le support cinématographique permet de sensibiliser sur des faits de société ou des sujets sensibles. Certaines productions notables sont tournées sous l’angle de la fiction, comme Fast Food Nation. D’autres privilégient aux sarcasmes de circonstances une approche plus rigoureuse et non moins percutante. En ce sens, le documentaire d’investigation reste un média particulièrement adapté à cet exercice. Des œuvres telles qu’Earthlings ou, dans une tonalité plus légère, Super Size Me ne peuvent laisser indifférents. Avec Food Inc., on s’attaque au système alimentaire mondial dans ce qu’il a de plus cynique et absurde.
Et quel exemple plus frappant que l’industrie du fast-food pour entrer dans le vif du sujet ? Une rétrospective met en avant le modèle révolutionnaire qui a modifié les habitudes alimentaires, mais également la manière de produire les « matières premières ». La narration reste assez pragmatique avec des interviews objectives dépourvues d’interventions polémiques à la Michael Moore. L’argumentation se fait sur la base de statistiques, de renseignements vérifiables par tous et de faits divers qui ont émaillé l’image de marque de certaines multinationales. On songe notamment aux problèmes de contamination des viandes qui découlent des conditions d’abattage.
Certaines séquences sont assez saisissantes dans le sens où l’on peut entrevoir l’environnement déplorable de poulets de batterie, leur croissance démesurée et irresponsable ou encore l’arrivée des bovidés à l’abattoir, recouverts d’excréments. Moins choquant qu’Earthlings, Food Inc. fait néanmoins office de précurseur pour dénoncer de telles pratiques avant l’apparition de vidéos similaires sur le web. Toutefois, on en reste au stade d’une cause parmi tant d’autres pour déboucher aux conséquences que l’on connaît actuellement. Le sujet revient à intervalles réguliers, mais il ne sera pas approfondi davantage. Au sein du film, il s’agit plutôt d’un procédé d’instrumentation pour consentir à des considérations plus globales.
Divisé en plusieurs parties, le documentaire s’attarde aussi sur les grandes surfaces. L’un des éléments les plus frappants est l’illusion de la variété à travers une infinité de produits développés par une poignée de groupes. Là encore, le système de justifications s’appuie sur des chiffres explicites. Par exemple, la présence du maïs ou du soja à 90 % dans les produits vendus, sous forme de conservateurs, additifs, matières premières ou consommations animales. Ces statistiques se basent sur les États-Unis, mais peuvent facilement s’adapter au modèle économique propre à la mondialisation, en raison de pratiques communes.
Et, non sans une pointe de cynisme, c’est sur les stratégies commerciales et les moyens mis en œuvre par les multinationales que débouche la dernière partie. Concurrence déloyale, intimidation, poursuite judiciaire et autres méthodes peu scrupuleuses se succèdent pour démontrer que les enjeux financiers prévalent sur toute autre considération, y compris sur les questions de santé publique ou la qualité des produits. L’infiltration des organismes de contrôle, les dépôts de brevet, la législation et le lobbyisme acharné suffisent à achever les bonnes volontés et les réfractaires au système. L’ensemble est éloquent et, en dépit du contexte morose, offre une pointe d’optimisme en s’attardant sur l’opportunité d’une consommation responsable.
Au final, Food Inc. effectue un tour d’horizon exhaustif sur les enjeux planétaires de l’alimentation. De l’industrie agroalimentaire aux fast-foods, sans oublier les grandes surfaces, chaque facette du sujet est avancée de manière réaliste et consciencieuse. Certains aspects peuvent paraître redondants en raison de causes et de conséquences communes. Toutefois, le film de Robert Kenner présente un point de vue éclairé sur une problématique sociétale qui touche aussi bien les États-Unis que le reste du globe. Alternant une approche légère à un traitement sentencieux, un documentaire rigoureux qui se distingue par son recul et sa capacité à mettre en corrélation les errances du capitalisme et la malbouffe. Cela, au seul bénéfice d’une minorité dénuée de scrupules.
Note : 16/20
Par Dante