De : Rodrigo Sorogoyen
Avec Antonio de la Torre, Monica Lopez, Nacho Fresneda, Ana Wagener
Année : 2019
Pays : Espagne, France
Genre : Policier
Résumé :
Manuel
López-Vidal est un homme politique influent dans sa région.
Alors qu’il doit entrer à la direction nationale de son parti, il se retrouve
impliqué dans une affaire de corruption qui menace un de ses amis les plus
proches. Pris au piège, il plonge dans un engrenage infernal…
Avis :
Nouvelle génération du cinéma espagnol, Rodrigo Sorogoyen fait assurément partie de ces cinéastes à suivre de très près. Si son premier film « Stockholm » demeure encore inédit chez nous pour quelque temps, son deuxième film, sorti en 2017, « Que dios nos perdone« , un thriller âpre et sombre, avait fait sensation et mis en lumière le cinéaste.
Après deux ans, voici Rodrigo Sorogoyen de retour avec « El Reino« , film qui a tout écrasé au dernier Goya, raflant pas moins de sept prix, dont les plus prestigieux, film, réalisateur, acteur, scénario, musique, bref un carton.
Mais alors, forcément, avec autant de prestige, une question se pose, « El Reino » est-il à la hauteur des attentes ? Et la réponse va être clairement un grand oui. Encore une fois, le réalisateur nous offre une claque, aussi bien dans son intrigue que dans sa mise en scène. Prenant, palpitant, fascinant, complexe, riche, Rodrigo Sorogoyen nous entraîne dans un thriller politique très tendu, duquel on ressort avec la parfaite conjugaison des sentiments de frustration et de jubilation !
Manuel López-Vidal est un homme politique respecté qui a un brillant avenir devant lui. Alors qu’il doit être nommé chef du parti, il va se retrouver mêlé à de sombres affaires de corruption. Coupable, il décide alors que s’il doit tomber, il ne tombera pas seul. Commence alors un engrenage de plus en plus sombre…
Après un thriller glauque au possible comme le fut « Que dios nos perdone« , Rodrigo Sorogoyen s’aventure sur d’autres sentiers et il livre là un thriller (encore) politique ultra tendu et de très haute volée. « El Reino » est un film qui embarque son spectateur et qui ne va jamais le lâcher en cours de route. Immense montée en puissance, « El Reino » étonne autant qu’il est haletant.
Pourtant, malgré tous ces éloges, il faut quand même avouer que le début n’est pas si facile que ça. Rodrigo Sorogoyen installe dès les premières minutes de son film comme une urgence. Le film a un rythme très particulier et si certains films sont trop lents, « El Reino » est tout le contraire, c’est rapide, ça va vite, très vite, les scènes s’enchaînent de manière assez folle, emportée par la Bo électro d’Olivier Arson (compositeur qui s’était déjà occupé de « Que Dios nos perdone« ). D’emblée, on sent qu’il se passe quelque chose, qu’il y a de la magouille dans l’air, mais le tout n’est pas forcément très clair (ça le deviendra plus tard rassurez-vous), et il faut s’accrocher quelque peu, mais une fois que Rodrigo Sorogoyen nous tient, alors là, c’est tout simplement jubilatoire et les deux heures onze que dure son film passent scandaleusement trop vite, surtout que le réalisateur nous laisse génialement sur une fin aussi frustrante qu’elle est quasi parfaite.
L’autre très gros point fort du film de Sorogoyen, c’est sa mise en scène. Sorogoyen s’était parfaitement plongé dans l’univers du thriller, offrant un tueur en série des plus répugnants, et le réalisateur récidive, plongeant totalement dans l’univers de la politique et bien entendu la politique véreuse. Au-delà de l’urgence de la mise en scène, il faut saluer le travail fou de son réalisateur qui livre là un film à l’esthétisme incroyable, un film qui sait aussi bien se faire tendu, qu’il est capable d’être touchant quand on s’y attend le moins. Parcouru de séquences folles, « El Reino » est une claque qui se fait de plus en plus forte au fil des séquences, des rebondissements et des révélations ou autres trahisons. Bref, c’est du grand art qui rend addictif. En permanence, Rodrigo Sorogoyen nous donne l’envie de pousser plus loin encore, afin d’avoir des réponses, et j’y reviens, mais nous laisse sur cette fin, qui est un véritable coup de génie, qui clôture le film en beauté et fait qu’on s’en rappellera pendant un long, très long moment.
« El Reino« , c’est aussi un scénario très dense et comme je le disais un brin complexe. « El Reino« , c’est un film qui ne se livre pas comme ça, et c’est très bien ainsi. Rodrigo Sorogoyen nous immerge totalement dans les coups bas de la politique et c’est un vrai plaisir à suivre, surtout que plus l’intrigue se construit, plus elle vire dans la paranoïa, ce qui rend encore une fois le film addictif. Puis derrière le thriller, Sorogoyen a de vraies thématiques et pose de bonnes questions, abordant la politique, les partis, l’engagement ou encore la presse. Bref, comme je le disais, le film est riche.
Enfin, si « El Reino » fonctionne bien, c’est aussi grâce à Antonio de la Torre qui est tout simplement bluffant du début à la fin. L’acteur qui peut décidément tout jouer (dans un rôle très différent, il est encore à l’affiche de « Compañeros » d’Alvaro Brechner, qui est vraiment l’une des bombes de cette année) donne corps à un personnage très dense et totalement passionnant. On pourrait presque lui reprocher de trop être passionnant, car même si ici aucun des personnages n’est blanc ou noir, tous ne sont que nuances, finalement, aucun autre ressort vraiment. Il y a bien Monica Lopez qui est très charismatique, mais son personnage finira par marquer que sur le final.
Donc si je résume bien, « El Reino« , c’est une mise en scène qui ne lâche rien, offrant une ambiance terriblement tendue. Alors, c’est peut-être difficile d’accès au départ, mais une fois lancé, le résultat est affolant. « El Reino« , c’est un scénario passionnant, critique et profond. C’est aussi une BO géniale, qui donne énormément à l’ensemble et enfin, c’est un acteur qui n’a clairement pas volé son Goya du meilleur acteur. Thriller solide, divertissant, palpitant, ce troisième film pour Roberto Sorogoyen confirme le grand talent de son cinéaste. Il serait alors vraiment dommage de passer à côté.
Note : 17/20
Par Cinéted