Titre Original : El Espinazo del Diablo
De : Guillermo Del Toro
Avec Marisa Paredes, Eduardo Noriega, Federico Luppi, Fernando Tielve
Année: 2002
Pays: Espagne, Mexique
Genre: Horreur, Drame
Résumé :
En Espagne, durant la guerre civile, Carlos, un garçon de douze ans dont le père est décédé, débarque à Santa Lucia, un établissement catholique pour orphelins. Il est remis aux bons soins de Carmen, la directrice, et du professeur Casares. Mais il doit faire face à l’hostilité de ses camarades et de Jacinto, l’homme à tout faire. Par ailleurs, ce lieu hostile dissimule derrière ses murs deux secrets : l’or de la cause républicaine, et le fantôme d’un enfant qui hante le sous-sol.
Carlos aperçoit dès la première nuit cet esprit errant et s’efforce de communiquer avec lui par tous les moyens. Le petit orphelin découvre très vite que ce spectre n’est autre que celui de Santi, un ancien pensionnaire de Santa Lucia disparu dans de mystérieuses circonstances.
Avis :
En 2002, Guillermo Del Toro commençait sévèrement à se faire un petit nom dans les ruelles d’Hollywood. Il faut dire qu’il avait déjà mis la barre assez haute avec Cronos, son premier film, qui parlait de vampirisme d’une façon très originale, avec toujours une touche poétique importante. Certes, le film était imparfait et un peu mou, mais on pouvait déjà y voir un imaginaire débridée au service d’une histoire intéressante. Il est alors embauché pour réaliser Mimic, un film de monstre dans New-York, avec des cafards mutants. Si le pitch prête à sourire, le cinéaste mexicain va en faire un bon film d’horreur, utilisant des effets spéciaux « à l’ancienne » pour créer une atmosphère sordide et surtout ne pas trop faire vieillir son film. Là aussi, le film est imparfait mais il contient de vrais bons moments, et il pose les bases de deux choses chères au réalisateur : le monstre est victime de son sort et les enfants seront toujours un axe majeur ou ayant son importance. Il part alors en Espagne pour réaliser un projet plus intime, plus personnel, L’Echine du Diable.
C’est réellement avec ce film que Guillermo Del Toro va exposer de manière assez frontale son amour pour les monstres et les enfants. Au niveau du scénario, on peut y voir réellement trois histoires qui se regroupent au sein d’un seul et même pitch. En premier lieu, on va avoir l’histoire de cet orphelinat et des enfants qui y habitent, et notamment de Carlos, laissé là des suites du décès de son père. Il va donc devoir s’y faire une place, se faire allier afin de se sentir en sécurité. En mettant en avant cette enfance difficile et injuste, le réalisateur insuffle une certaine poésie et surtout une légère tendresse. Le spectateur va ressentir de l’empathie pour ces enfants, même les plus durs, qui cachent finalement un lourd passé. On va aussi avoir un contexte social important puisque le film prend place durant la guerre civile en Espagne et les références à la guerre sont nombreuses. Outre le fait que les humains se sentent impuissants et comme des fantômes dans un orphelinat, le cinéaste montre les ravages de la guerre avec tous ces orphelins, mais aussi et surtout avec Jacinto, un ancien pensionnaire dont la fragilité mentale est très voyante. Enfin, il y a bien évidemment la présence du fantôme, qui a son histoire et qui apporte le côté horrifique et fantastique du métrage, témoin et victime de la folie des hommes.
La force de ces trois récits, c’est qu’ils n’en forment qu’un seul à la fin, qui contient un peu tous les éléments de chacun dans une parfaite osmose. Le côté horrifique ne prendra jamais le pas sur l’empathie que l’on pourra ressentir sur les enfants ou encore sur le drame humain qui se jour au sein de cet orphelinat. Guillermo Del Toro est relativement malin et il aura une colorimétrie pour chaque passage, montrant clairement ses volontés pour créer la peur, la tendresse ou encore la violence. On remarquera cela dans les apparitions fantomatiques, qui baigne dans une atmosphère délétère, très jaune et noire, augmentant ainsi une certaine crainte. Alors que les moments plus dramatiques, plus violent psychologiquement parlant, auront plutôt une colorimétrie bleutée. Le directeur de la photographie, Guillermo Navarro a vraiment un sublime travail, sublimant ainsi les plans quasi parfaits du réalisateur. Tout comme pour le récit, la mise en scène se marie parfaitement avec la photographie pour un résultat puissant et qui pose les bases de ce que va devenir plus tard le cinéma phare du mexicain avec des métrages comme Le Labyrinthe de Pan ou encore La Forme de l’Eau.
Mais en plus de montrer un savoir-faire parfait, L’Echine du Diable démontre l’amour de Del Toro pour les monstres et pour toutes ces figures « anormales » que l’on juge trop rapidement comme des êtres dangereux. Là aussi, c’est la première fois que le cinéaste pose son thème le plus cher : le monstre n’est pas toujours le plus monstrueux physiquement. Si ce thème sera exploré dans les deux films précités auparavant, il est aussi présent dans les deux Hellboy, dans Crimson Peak ou encore dans Pacific Rim. Avec L’Echine du Diable, la thématique est très frontale et montre de façon directe que le fantôme n’est pas l’être le plus dangereux, bien au contraire, et que le monstre est bel et bien un humain au physique enjôleur et à la parole douce. Le diable se pare d’atours charmeurs et sait bien cacher son jeu. Ici, Jacinto sera le vil méchant se cachant sous les traits d’un bon garçon. Manipulateur, complètement obsédé par l’or et cette volonté de partir de cet orphelinat, il va devenir une bête sauvage ne laissant que désolation derrière lui. C’est là que le fantôme dévoile sa vraie nature, inversant alors les rôles que l’on pensait établi en début de film. Si le réalisateur met de gros sabots pour appuyer sa thématique, on restera touché par sa façon d’amener les choses, n’hésitant pas à tomber dans le drame pour toucher le spectateur de façon encore plus émotive. Alors oui, le film possède bien quelques faiblesses, comme un rythme parfois lancinant, mais il n’en demeure pas moins que le film est très réussi.
Au final, L’Echine du Diable, le troisième film de Guillermo Del Toro, est une vraie première réussite. Non pas que Cronos et Mimic soient des échecs, loin de là, mais c’est vraiment avec ce métrage que le cinéaste pose les bases de sa future filmographie et délivre un message qui lui tient à cœur, il ne faut pas juger sur le physique ou sur la nature, mais sur les intentions et les actes. Un message de tolérance donc, qui prend un sens tout particulier dans ce film simple et pourtant touchant, bien plus profond qu’il n’y parait.
Note : 17/20
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Par AqME