Titre Original : Insyriated
De : Philippe Van Leeuw
Avec Hiam Abbass, Diamand Bou Abboud, Juliette Navis, Mohsen Abbas
Année: 2017
Pays: Belgique, France
Genre: Drame
Résumé:
Dans la Syrie en guerre, d’innombrables familles sont restées piégées par les bombardements. Parmi elles, une mère et ses enfants tiennent bon, cachés dans leur appartement. Courageusement, ils s’organisent au jour le jour pour continuer à vivre malgré les pénuries et le danger, et par solidarité, recueillent un couple de voisins et son nouveau-né. Tiraillés entre fuir et rester, ils font chaque jour face en gardant espoir.
Avis:
Après une longue carrière comme directeur de la photographie, c’est à lui qu’on doit l’éclairage notamment de « La vie de Jésus » de Bruno Dumont, Philippe Van Leeuw est finalement passé à la réalisation en 2009 avec un film choc, « Le jour où dieu est parti en voyage« . Si le film avait rencontré un certain succès dans les festivals, sa petite distribution l’obligea à être encore aujourd’hui une petite merveille à découvrir. Depuis, il se sera passé huit ans avant que Philippe Van Leeuw ne reviennent à la réalisation et après le conflit du Rwanda, le réalisateur a décidé de placer sa caméra en Syrie, afin de raconter le quotidien d’une des nombreuses familles piégées par la guerre.
Film choc à la tension palpable, huis-clos étouffant, « Une famille syrienne » est une véritable descente en enfer (totalement immersive), piégée dans un appartement au milieu des bombardements dans une ville en ruine. Dur, sombre, « Une famille syrienne » ne manquera pas d’espoir non plus. Bref, on en ressort secoué, angoissé, voire même épuisé.
Damas, enfin, ce qui reste de Damas. Alors que la ville est à feu et à sang, que la guerre fait rage, que la plupart des habitants ont réussi à fuir, des familles restent piégées dans des habitations. Alors que les snipers sont camouflés, que les bombes explosent, les hélicoptères survolent la ville, Oum Yazan essaie tant bien que mal de survivre, piégée dans un petit appartement bourgeois. Avec elle se trouvent ses enfants, deux adolescentes, son beau-père, une « servante », un jeune homme et un couple de voisins qui vient d’avoir un enfant. Entre terreur et désespoir, voici vingt heures de la vie de ces gens…
Après les petits villages en proie au massacre du Rwanda en 1994, Philippe Van Leeuw nous revient avec un film qui est bien plus d’actualité, puisque c’est en Syrie, à Damas (en vrai Beyrouth), que le réalisateur a placé sa caméra pour nous conter le terrible quotidien d’une famille piégée par la guerre moderne. Oui, une guerre moderne avec ses « étrangetés ». Ici, on découvre des familles piégées avec des portables. Des familles qui se renseignent sur internet et qui espèrent sur internet… Bref.
La première chose qui frappe avant même les discours politiques ou les développements de ces personnages et leur quotidien, c’est l’atmosphère qu’a su saisir le réalisateur. Il y a quelque chose de terriblement tendue dans « Une famille syrienne » et ça, dès son ouverture. Philippe Van Leeuw annonce la couleur d’emblée et jamais il ne va relâcher son film. D’ailleurs, c’est même tout l’inverse, puisque le scénario et les péripéties laissent une sensation de bombe à retardement. Ici tout n’est que drame et malgré l’espoir que peut véhiculer le film, notamment dans son humanité, certains choix des personnages ou encore la partielle image de la résistance, « Une famille syrienne » fait froid dans le dos.
Toujours dans cette atmosphère, « Une famille syrienne« , malgré qu’il soit un huis-clos, offre une ouverture parfois visuelle, mais surtout sensorielle, sur cette guerre et l’horreur de la situation. Si le scénario nous réserve de grand moment de tension, c’est bien ce qui se passe dans le fond, presque dans l’inaudible, qui assure un effroi au film. Tir de sniper, hurlement, attentats, survol d’hélicoptères… Bref, avec tout ce que Philippe Van Leeuw a ajouté, on ne peut qu’imaginer la situation et le quotidien de cette ville et c’est là le coup de génie du film. Un coup de génie qui nous a tellement tendu qu’on n’a pas vu arriver le final et c’est avec des regrets qu’on laisse cette famille syrienne. Oui, je parle de regret car même si l’on sait que le film n’est que vingt-quatre heures et que son final est intense et « beau », il laisse aussi sur sa faim, comme s’il nous manquait quelque chose pour être pleinement satisfait.
En plus d’une mise en scène qui est un sommet de tension, « Une famille syrienne » est aussi un regard beau et triste sur ces hommes et femmes victimes de cette guerre. En très peu de temps, Philippe Van Leeuw met en avant de manière incroyablement riche le quotidien de ces hommes et femmes. Un quotidien où les fenêtres sont dangereuses, où un personnage qui frappe à une porte est rarement une bonne nouvelle. Un quotidien où il faut rationner l’eau, où il faut vivre comme on peut à plusieurs dans peu de place. Un quotidien où la mort est en permanence présente et peut frapper n’importe quand. Un quotidien qui laisse peu d’espoir et pourtant le film de Philippe Van Leeuw est rempli d’espoir, que ce soit dans les discours (l’espoir de quitter le pays) que dans les actes des personnages. Un espoir qu’on peut retrouver aussi bien dans une solidarité, une entraide, que dans un tête-à-tête. Bref, ce deuxième film pour Philippe Van Leeuw n’est vraiment pas loin d’être incroyable, surtout qu’il met le doigt là où ça fait mal, osant humaniser et normaliser ceux qui deviendront des réfugiés (des migrants). Le réalisateur pointe du doigt et dénonce l’absurdité et l’horreur de cette situation.
« Une famille syrienne » est donc une petite pépite, aussi triste que belle, révoltante qu’utile. Emporté par une Hiam Abbass impériale, tenu par une tension croissante et un réalisme fou, il serait bien dommage de passer à côté de ce film qui n’est qu’actualité !
Note : 16/20
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Par Cinéted