De : Vladimir De Fontenay
Avec Imogen Poots, Callum Turner, Callum Keith Rennie, Frank Oulton
Année: 2018
Pays: France, Canada
Genre: Drame
Résumé:
Ali et Evan sillonnent les routes entre les Etats-Unis et le Canada. Ils utilisent Bone, le fils d’Ali, âgé de huit ans, dans leurs trafics. Le jeune couple vit de plus en plus dangereusement. Tous rêvent pourtant d’un refuge, d’un foyer, mais leur fuite inexorable les entraîne sur un chemin qu’ils n’avaient pas prévu… Pour trouver sa place, Ali aura à faire un choix entre la liberté et sa responsabilité de mère.
Avis :
Cannes permet bien souvent de découvrir des films qui autrement auraient pu passer sous le nez même du plus hétéroclite des cinéphiles.
Car dans le Marché comme dans les sélections officielles, on y trouve de petites pépites qui ne paient pas de mine et touchent pile où elles le doivent.
Qui, dans l’absolu, aurait misé un kopeck sur un long-métrage appelé Mobile Homes, qui d’après son pitch traiterait de la misère sociale, et réalisé par un expatrié français portant le même patronyme qu’une Geneviève qui a donné ses titres de noblesse, coup sur coup à l’élection de Miss France et à l’épilepsie vestimentaire ? Pas grand monde.
Et pourtant voilà un film frais, original, délicat, pas exempt de quelques menues faiblesses certes, mais qui vaut bien plus que pour la présence angélique d’Imogene Poots, pourtant ici formidable en jeune rebelle, évoluant entre mère indigne et mère courage.
Car le film de Vladimir de Fontenay (l’inédit Memoria, pourtant avec James Franco), chronique sociale et humaine douce-amère, est une réussite aussi formelle que thématique, qui d’ailleurs ressemble bien plus au cinéma indépendant américain qu’au travail d’un jeune réalisateur français. Là où le cinéma français aurait vocation à faire réfléchir sur le sujet, et à porter les problèmes sociaux en étendard (sans que ce soit forcément un mal), son homologue yankee se préfère généralement plus brut et émotionnel, se concentrant sur les rapports humains, le petit trou de la lorgnette, plutôt que sur le climat général d’un système dont les failles sont à pointer.
Dans cette histoire d’une jeune maman qui va de magouilles en magouilles avec son fils et son petit ami, laissant régulièrement l’enfant livré à lui-même, quand elle ne l’inclut pas carrément dans leurs combines illégales, cela passe par la peinture de ce monde interlope et bouillonnant, d’une misère louant la débrouillardise et la volonté de conserver ce sentiment de liberté censé émaner encore aujourd’hui du « Nouveau Monde ».
On suit avec attention les aventures et les déboires d’Ali, Evan et Bone grâce à une caméra portée qui colle aux basques, mais qui sait aussi se faire aérienne et discrète, aidé en cela par une toile de fond plutôt originale : le trafic de coqs en vue de combats clandestins.
Et puis, alors qu’on se demandait quelle tournure les événements pourraient bien prendre pour éviter de finir par tourner en rond, le film bifurque à sa moitié pour emprunter une toute nouvelle direction et éclairer enfin notre lanterne sur la signification du titre.
Dans sa seconde moitié, Mobile Homes se penche sur l’atterrissage forcée d’Ali et son fils dans une communauté de mobile homes (obviously), et son potentiel de nouvelle vie pour la jeune fille. Une partie plus douce, plus calme, pourtant en totale continuité avec la précédente. On y retrouve encore une toile de fond assez peu utilisée au cinéma, et une réalisation toujours amoureuse de ses personnages, qui n’a pas besoin de grand-chose pour les faire vivre, sans toutefois s’empêcher de petites touches artistiques fort bien venues (certains plans sont ainsi tout simplement magnifique).
Là où leur vie était chaos et embrouille, empreinte d’une liberté fiévreuse mais fragile, Alie et Bone vont trouver matière à un certain renouveau, la possibilité d’une existence saine et stable, et pourtant pas exempt de liberté, à sa manière.
Et malgré cela, Vladimir de Fontenay n’oublie jamais de nuancer son propos pour ne jamais verser dans le manichéisme de bas-étage, là où le film aurait pu s’embourber dans son opposition entre la nuit rouge et noir de l’Enfer et les décors enneigés d’une pureté qui tutoie le paradis. Ali troque une vie dangereuse pour une vie sereine, mais le spectre de ses pulsions, de ses doutes et ses faiblesses, personnalisé par Evan le petit ami instable, plane constamment sur la deuxième moitié du film et sa renaissance jamais acquise.
Et même si le métrage s’essouffle un tout petit peu dans sa dernière bobine, Mobile Homes reste un film frais, touchant, subtil, qui fait la part belle à ses acteurs et aux relations qu’ils entretiennent. Autour du très convaincant Frank Oulton dont Bone est le tout premier rôle au cinéma, on retrouve d’ailleurs Callum Turner, vu dans Green Room ou Assassin’s Creed, et bientôt dans la suite des Animaux Fantastiques, et ce vieux briscard de Callum Keith Rennie, qui trimballe sa silhouette et son charisme dans tout ce que les années 2000 ont fait de série télé, de Battlestar Galactica à Jessica Jones en passant par 24h chrono, The Killing ou Californication.
Au final, on ressort du film le cœur serré, l’envie d’embrasser tout le monde, et la certitude que l’on vient de découvrir un film humble et rare.
Note : 17/20
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Par Corvis