De : Roman Polanski
Avec Eva Green, Emmanuelle Seigner, Vincent Perez, Camille Chamoux
Année : 2017
Pays : France
Genre : Drame, Thriller
Résumé :
Delphine est l’auteur d’un roman intime et consacré à sa mère devenu best-seller.
Déjà éreintée par les sollicitations multiples et fragilisée par le souvenir, Delphine est bientôt tourmentée par des lettres anonymes l’accusant d’avoir livré sa famille en pâture au public.
La romancière est en panne, tétanisée à l’idée de devoir se remettre à écrire.
Son chemin croise alors celui de Elle. La jeune femme est séduisante, intelligente, intuitive. Elle comprend Delphine mieux que personne. Delphine s’attache à Elle, se confie, s’abandonne.
Alors qu’Elle s’installe à demeure chez la romancière, leur amitié prend une tournure inquiétante. Est-elle venue combler un vide ou lui voler sa vie ?
Avis :
On ne présente plus Roman Polanski, immense réalisateur Franco-polonais dont les films parcourent le cinéma depuis les années 60. Cinéaste ayant marqué le septième art au fer rouge, quand on pense Polanski, il est impossible de passer à côté de films comme « Rosemary’s Baby« , « Frantic« , »Le pianiste« , « The Ghost Writer« , ou encore, et ça, c’est personnel « La jeune fille et la mort » qui est un Polanski trop méconnu et sous-estimé à mon goût.
Alors que les décennies passent, Polanski reste et à quatre-vingt-quatre ans, le réalisateur a la force d’un jeune homme, gardant un bon rythme de tournage. « D’après une histoire vraie » est le vingt-deuxième long-métrage de Polanski et on peut dire que le film était attendu avec une certaine curiosité.
Projeté à Cannes en Mai dernier et reçu dans la froideur générale, « D’après une histoire vraie » fut annoncé comme le pire des Polanski. Une horreur de cinéma même… Avec de tels retours, on avait donc de quoi craindre l’affaire, et au final, pas tant que ça. Bon, s’il est clair que l’on n’est pas dans ce qui ressemble aux chefs-d’œuvre que Polanski a su nous offrir, « D’après une histoire vraie » reste un bon, voire même très bon film, qui est bien plus complexe, faux, fourbe et torturé qu’il n’y paraît.
Delphine est une romancière dont le dernier roman plutôt intimiste est un véritable succès. Mais face à ce succès, Delphine est en panne d’inspiration et n’arrive pas à écrire son prochain ouvrage. Un jour, sur une séance de dédicaces, elle rencontre Elle, une jeune femme intéressante, à l’aura énigmatique. Elle comprend les mots et les maux de Delphine comme personne. Une relation d’amitié naît entre les deux femmes, mais alors que Elle s’installe chez Delphine afin de l’aider, Delphine finit par se confronter à une femme complexe qui la pousse de plus en plus dans ses retranchements.
Décrié, cassé, lynché, brisé, il n’y a pas assez de mots pour dire à quel point le dernier film de Polanski s’est fait descendre. On aura tout entendu dessus et plus particulièrement sur le jeu d’Eva Green. Avec un tel postulat, je m’attendais à une séance de cinéma atroce et c’est avec surprise et ravissement que je ressors de la salle.
« D’après une histoire vraie« , c’est l’antre de la folie d’un écrivain et c’est ce qui en fait toute sa saveur. Ici, Roman Polanski n’entretient pas de suspens autour du personnage d’Eva Green. C’est presque d’emblée que les dessous du personnage nous apparaissent, et une fois l’élément compris, le film peut donc s’axer sur la descente aux enfers de son personnage principal (Emmanuelle Seigner). Folie, dépression et schizophrénie sont les maîtres-mots qui entourent cette femme, dont le succès et le manque d’assurance finissent par avoir raison d’elle.
Ce qui est très bon avec « D’après une histoire vraie« , c’est la sensation que le film laisse encore plus découvrir après la séance. Ce qui nous apparaît comme étranger, ce qui nous apparaît comme exagéré ou parfois incohérent, finalement, prend du sens quand on prend la peine d’y repenser et de s’y arrêter. « D’après une histoire vraie » ne se livre pas si facilement, il fait dans le gros trait, dans l’absurde parfois, et c’est très bien comme ça, car ici, rien n’est là par hasard, rien n’est fait à la légère. Et que ce soit dans le scénario où l’on retrouve toutes les obsessions du réalisateur, que ce soit dans les mots et les maux de son personnage, la mise en scène ou encore les interprétations de ses acteurs, tout a un sens et tout s’explique par le parti pris qu’a choisi Roman Polanski dès le départ et la présentation burlesque et onirique d’Eva Green. D’ailleurs, on saluera l’interprétation incroyable d’Eva Green, qui joue tel un livre ouvert. Une interprétation difficile et complexe, là encore au vu du choix de son réalisateur, et il reste tout à fait compréhensible qu’elle déclenche des réactions très opposées (comme souvent d’ailleurs chez Polanski, on se souvient encore de Johnny Depp dans « La neuvième porte« ).
Comme je le disais plus haut, on retrouve donc beaucoup des obsessions de Polanski et avec ce film, il nous plonge encore une fois dans un monde littéraire et nous propose, finalement, un portrait touchant.
Très riche, « D’après une histoire vraie » analyse cette frayeur de l’écrivain qu’est la page blanche. Le film n’aborde pas que ça et s’étend aussi sur la création, le travail de l’écrivain en amont, la solitude, la pression, la possession de l’autre, la fuite ou encore la célébrité. Beaucoup de sujets qui peuvent donner une sensation de trop, mais qui pourtant, grâce aux choix de son réalisateur, s’expliquent.
Bon, le film détient quand même des incohérences et tout n’est pas juste non plus, mais sur l’ensemble, ça fonctionne, ça tient le coup et surtout ça reste intéressant tout du long, que ce soit dans la démarche du réalisateur que dans l’histoire même.
Je ressors étonné et ravi de ce nouveau film signé Roman Polanski. « D’après une histoire vraie » est bien plus complexe qu’il n’y parait et à cet instant même, tout en me le remémorant, pour ces quelques lignes, je me plais à le comprendre de mieux en mieux, à rassembler les informations, les indices dans les dialogues ou les situations, pour en construire et comprendre cette descente en enfer.
Note : 14/20
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Par Cinéted