avril 16, 2024

Enquête sur un Citoyen au-dessus de tout Soupçon

Titre Original : Indagine su un Cittadino al di Sopra di Ogni Sospetto

De : Elio Petri

Avec Gian Maria Volonté, Florinda Bolkan, Massimo Foschi, Arturo Dominici

Année : 1970

Pays : Italie

Genre : Drame

Résumé :

En Italie, au début des années 70, le chef de la brigade criminelle est sur le point d’être promu au poste de directeur de la section politique. Persuadé que ses fonctions le placent au-dessus des lois, il égorge sa maîtresse, Augusta Terzi, au cours de leurs joutes amoureuses. Avec un sang-froid parfait, il met tout en œuvre pour prouver que personne n’aura l’intelligence, ni même l’audace, de le soupçonner et de troubler ainsi la bonne hiérarchie sociale. Il s’ingénie à semer des preuves accablantes, relançant l’enquête quand celle-ci s’égare…

Avis :

Elio Petri est un réalisateur italien qui a eu malheureusement une courte carrière suite à son décès prématuré à l’âge de 53 ans. Malgré tout, il laisse derrière lui une filmographie intéressante et un peu trop méconnue du grand public, la faute à des sujets souvent graves et peu porteurs comme la société, la politique ou encore la loi et la vie des petites gens. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’il a eu la palme d’or à Cannes en 1971 pour son film La Classe Ouvrière va au Paradis. Mais le film qui nous intéresse aujourd’hui est Enquête sur un Citoyen au-dessus de tout Soupçon, un métrage qui, malgré son titre qui pourrait être une introduction de Faites Entrer l’Accusé, propose une réelle vision cynique de la société des années 70, de ses politiciens mais aussi de sa police, corrompue jusqu’au bout des ongles. Un film qui bénéficie aujourd’hui d’une restauration en haute qualité et qui se boit comme du petit lait.

L’histoire raconte le meurtre du nouveau chef de la police sur une prostituée et sur sa façon de contrôler tout son petit monde pour éviter de se faire prendre. Commençant immédiatement par le meurtre façon « giallo » tout en connaissant l’identité du tueur, qui ne se cache pas, le film ne va pas être un thriller typiquement italien des années 70, mais plutôt un drame judiciaire qui va montrer toute la perfidie d’un système corrompu jusqu’à la moelle. Le déroulement du métrage est relativement classique. On va avoir droit au tueur qui mène tout le monde par le bout du nez, qui va même relancer l’enquête lorsque celle-ci commence à s’égarer afin de ne pas être soupçonné. De temps à autre, l’homme va être hanté par des flashbacks de sa belle qu’il a assassinée, donnant finalement les raisons de ce crime qui peut sembler gratuit. Elio Petri mène tout son petit monde comme il le souhaite et la réalisation est impeccable, gérant aussi bien la tension d’interrogatoires musclés que des moments plus intimistes, voire voyeuristes, à travers différents gros plans montrant l’incapacité de certaines personnes à dire la vérité. Bref, d’un point de vue technique, le film est parfait, même s’il ne comporte pas vraiment de moments iconiques.

Mais le plus fort dans ce film, c’est son message et la façon de faire passer le message. Quand on regarde ce métrage, on a l’impression de tomber dans un épisode de la quatrième dimension tant tous les éléments sont accablants pour le policier, mais que personne ne veut croire à sa culpabilité. Bien au contraire, tous ses associés vont tout faire trouver des excuses ou des preuves qui ne peuvent être retenues. Le film joue à fond la carte de l’absurde pour innocenter un tueur. Et le personnage est d’ailleurs très énigmatique. Autoritaire, voire même tyrannique, ils mènent son petit monde à la baguette, s’amuse à humilier ses acolytes et fait preuve parfois de chantage pour ne pas se faire prendre. Allant jusqu’au bout du cynisme, le réalisateur s’amuse à proposer des personnages qui sont impressionnés par le tueur et qui refuse de la dénoncer, par peur de représailles, non pas de l’individu lui-même, mais de l’institution. En effet, Elio Petri est un fervent défenseur de la classe ouvrière et chacun de ses films critique de façon frontale le système et toutes les institutions qui se croient au-dessus des lois. Présentant son monde comme corrompu par les politiques, la police et la justice, le cinéaste démontre que notre société n’est dirigée que par des opportunistes, des mafieux qui n’ont que faire du petit peuple. On sent vraiment une rébellion dans ce métrage qui est très forte et qui montre des méthodes violentes pour y parvenir. D’ailleurs, la séquence finale est atroce et montre bien toute la cruauté des hautes sphères par rapport au peuple, dont elle se fout éperdument.

Et si le film possède un message sociétal fort, montrant aussi que les homosexuels, les communistes, les juifs et tous ceux qui ne rentrent pas dans une case prédéfinie sont des ennemis de la nation, on pourra aussi voir que selon le personnage principal, seule la répression est synonyme de paix. Un système qui n’est pas loin de représenter le nazisme. Ce message a d’autant plus de poids aujourd’hui qu’il n’est pas si éloigné de la vérité. Et le film de gagner en crédibilité grâce à la prestation incroyable de Gian Maria Volonté qui est d’une justesse et d’une froideur à faire froid dans le dos. L’acteur est tout simplement divin dans ce rôle antipathique, dans ce personnage que l’on va détester du début à la fin. Le seul reproche que l’on peut faire au film, c’est qu’il est parfois un peu trop longuet. Prenant son temps pour bien mettre en avant son personnage, sa psychologie défaillante, le film se perd parfois dans des moments pas vraiment nécessaires et on pourrait aussi reprocher le fait de faire autant de clichés autour des italiens, parlant toujours fort, avec les mains et de façon agressive.

Au final, Enquête sur un Citoyen au-dessus de tout Soupçon est un excellent film qui mêle habilement le drame au film judiciaire et au brûlot contre les grandes institutions qui se pensent au-dessus des lois. Si le film n’est pas parfait, avec un rythme assez lent et quelques réactions un peu trop burlesques, il n’en demeure pas moins un pamphlet important qui n’a pas si mal vieilli que ça, surtout dans son message qui continue d’être d’actualité plus de quarante ans plus tard.

Note : 16/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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