Titre Original : Crimewave
De : Sam Raimi
Avec Louise Lasser, Paul L. Smith, Brion James, Sheree J. Wilson
Année: 1985
Pays: Etats-Unis
Genre: Comédie, Policier
Résumé :
Par une nuit d’orage, à Denver, Colorado… Vic Ajax, le héros, va se mettre dans de sales draps. Non seulement parce qu’il est amoureux, mais surtout parce que son patron a décidé cette nuit de se débarrasser de son associé.
Avis :
C’est en 1981 que Sam Raimi sort de l’ombre grâce à Evil Dead. Aujourd’hui culte, ce premier film d’horreur, que l’on pourrait assimiler à un putain de film de fin d’études, annonçait déjà un cinéaste fou, bourré de talent et d’idées. Entre des choix de cadrages judicieux et une volonté de bousculer les codes du cinéma, Sam Raimi devenait instantanément le vilain garçon du septième art. Et s’il est principalement connu pour ses films d’horreur loufoques mais toujours terrifiants, il n’en demeure pas moins un réalisateur touche-à-tout qui aussi bien fait dans le polar (Un Plan Simple) que dans le blockbuster de super-héros avec la trilogie Spider-Man, ou encore dans la comédie loufoque, comme en atteste ce Mort sur le Gril. Deuxième film du cinéaste, ce métrage pourrait facilement s’assimiler à un cartoon live, avec des acteurs complètement en roue libre et un scénario assez malin mais constamment sur la tangente, pouvant partir rapidement dans le n’importe quoi. Film étonnement difficile à trouver aujourd’hui, Mort sur le Gril montre encore une fois toute la maestria de la mise en scène de Raimi, malgré quelques faiblesses dans l’écriture même du film.
Ecrit par les frères Coen, on sent rapidement la patte sur classique des deux frangins sur le métrage. Personnages complètement déjantés, dialogues frôlant souvent le non-sens, situations burlesques et parfois gênantes, on sait qui est aux commandes du scénario et à quelque part, on ne peut que s’en réjouir tant le film explose les codes de la comédie policière, jouant en permanence avec la limite cartoon et ubuesque. La narration est aussi très importante dans ce métrage. Commençant par la fin, le film s’amuse à balancer des flashbacks pour expliquer les raisons de la détention du personnage principal, avant de carrément partir dans un flashforward pour montrer toute l’incongruité de la situation. Cette façon de faire est relativement intelligente, d’autant plus qu’elle ne permet pas de dire si les explications du détenu se valent ou pas. On restera en permanence du point de vue de celui qui raconte, et on sent que l’aspect cartoon provient de la mentalité fébrile du narrateur, qui peut se faire un délire à lui tout seul.
Bien entendu, cet aspect burlesque est appuyé par la réalisation au cordeau de Sam Raimi. Ne laissant jamais rien au hasard, le jeune cinéaste (à l’époque) réitère ses expériences qu’il avait déjà bien entamées dans Evil Dead. Plans de travers, zoom avant, gros plans sur les visages ricanant, le mise en scène est à la fois frénétique et complètement maîtrisée, montrant ainsi la folie à l’écran, entre des personnages complètement improbables et une réalisation virevoltante. Le choix des couleurs est lui aussi très important. En effet, Sam Raimi utilise beaucoup les néons de couleurs flashy et n’hésite pas à appuyer certains moments d’une couleur rouge afin de bien montrer soit la violence d’un acte, soit la folie qui habite les personnages, à l’instar de ce gros dératiseur psychopathe qui ricane tout le temps lorsqu’il va tuer quelqu’un. Tout est fait pour donner un aspect cartoon et comics à cette histoire complètement hors des sentiers battus.
Et c’est peut-être là la principale faiblesse du film. Car si l’écriture est sympathique et que la réalisation est parfaite, le film reste très lourd à digérer de par sa frénésie ambiante et de par son parti pris de faire un film comme nul autre, une comédie qui n’a pas vraiment de sens. Et de ce fait, il faut vraiment entrer dans le délire pour pleinement se délecter de ce métrage. S’il y a une critique du système économique et de la façon de se débarrasser d’un concurrent avec notamment la figure de l’homme d’affaires sans scrupule (Bruce Campbell absolument délicieux), le film reste très léger sur ses enjeux et ne sera, au bout d’un moment, qu’une course-poursuite entre deux tarés et des témoins gênants. Certains gags vont réellement faire mouche, notamment grâce à la trogne et la voix criarde de Brion James, qui est un parfait second couteau, mais d’autres passages seront tellement psychédéliques qu’il faudra s’accrocher pour saisir toutes les références qu’a voulu y mettre Raimi. Alors oui, c’est toujours bien fait et souvent drôle, à l’image de ce couloir de portes colorées, faisant rapidement penser à Scooby-doo, modèle du genre en cartoon, mais dans un film live, c’est parfois très déroutant. Alors non pas que le film soit mauvais, bien au contraire, ce parti pris est payant, mais il n’en demeure pas moins que Mort sur le Gril est difficile d’accès. Et on remarquera que les vrais moments drôles sont les moments les plus noirs et les plus cyniques, à l’image de ce vieil homme qui nettoie la chaise électrique et qui invite le condamné à venir s’y asseoir avec un grand sourire narquois.
Au final, Mort sur le Gril est un très bon film de Sam Raimi, qui prouve encore une fois tout son talent dans la mise en scène, filmant notamment une course-poursuite très longue et parfaitement orchestrée. Véritable cartoon live sans réellement limites, ce film peut cependant laisser plus d’une personne sur le bas-côté par son humour burlesque, son personnage central trop naïf et certaines séquences complètement hallucinées. Bref, un film hors normes, qui a parfaitement sa place dans la filmographie de son auteur et qui reste unique en son genre.
Note : 15/20
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Par AqME