avril 18, 2024

Angoisse

Titre Original : Angoixa

De : Bigas Luna

Avec Zelda Rubinstein, Michael Lerner, Talia Paul, Angel Jove

Année : 1987

Pays : Espagne

Genre : Horreur

Résumé :

Deux lycéennes, Patty et Linda, assistent, en dégustant du popcorn, à la séance en matinée d’un film d’horreur. Sur l’écran, Alice, à l’aide de ses pouvoirs hypnotiques, tente de sauver son fils John qui devient aveugle. Elle le pousse à sortir pour se venger de sa cécité en allant recueillir les yeux des victimes qu’il égorge sauvagement. Patty, dégoutée, se précipite aux toilettes. Elle y trouve un homme au comportement bizarre. Sur l’écran, John se rend dans un cinéma de quartier ou l’on joue un classique de l’horreur, dans l’intention de compléter sa collection…

Avis :

Le cinéma d’horreur ibérique a connu plusieurs phases assez étranges et a réussi malgré tout à sortir la tête de l’eau ses dernières années. Fer de lance de l’industrie horrifique du septième art dans les années 60/70, n’hésitant jamais à recopier ses voisins ritales ou anglo-saxons, le genre a largement décliné dans les années 80, ne restant qu’à l’état embryonnaire, la faute à un cinéma américain de plus en plus omniprésent et phagocytant avec joie et allégresse les productions plus mineures des autres pays. Sauf que dans les années 2000, le cinéma horrifique espagnol a sorti Rec et que le film de Jaume Balaguero et Paco Plaza a lancé une mode qui n’a jamais cessé. Avec des productions plus ou moins sympathiques, l’Espagne est devenu l’un des pays les plus en vue pour l’horreur en présence de réalisateurs connus comme Alejandro Amenabar, Alex de le Iglesia ou encore Juan Antonio Bayona. Mais bien avant cette vague déferlante, à la fin des années 80, on pouvait déjà voir le talent espagnol à l’œuvre avec Angoisse de Bigas Luna.

Le film raconte l’histoire d’un homme travaillant dans un cabinet d’ophtalmologistes qui perd petit à petit la vue. Sa mère ayant des pouvoirs d’hypnose, le force à sortir la nuit pour récupérer des yeux sur des personnes. Assouvissant son fantasme, l’homme va alors prendre un cinéma de quartier en otage pour récupérer encore plus d’yeux. En parallèle de cela, on se rend compte que tout cela n’est qu’un film lorsque l’on rencontre Linda et Patty, deux jeunes filles qui se délectent devant ce film d’horreur. Sauf que l’une d’elles est souffrante, visiblement dérangée par le film, et décide de partir aux toilettes. Elle rencontre alors un homme dont l’attitude est très étrange. Lorsqu’elle découvre des cadavres, elle panique. Sorte de deux films en un, Angoisse est un film très étrange, mais relativement fascinant par sa perception que l’on a de l’image. Refusant de faire un simple film qui ne serait qu’une projection, Bigas Luna livre une œuvre assez complexe qui utilise l’écran comme un jeu de miroirs.

Voulant habilement jouer avec le spectateur, le film démarre comme une mise en abîmes que l’on ne découvrira que sur le tard dans le film. On a vraiment la sensation d’être face à une véritable histoire de tueur en série récupérant des yeux. Une partie très gore, voire dérangeante par moments, et qui fait immédiatement référence au giallo, ce genre italien si omniprésent durant les années 70. Si l’on connait l’identité du meurtrier dès le départ, c’est surtout dans la mise en scène que le film fait penser à Ténèbres de Dario Argento par exemple. Sanglant, frontal, cette première partie pose les bases d’un film qui va jouer sans arrêt sur ce que voit le spectateur. Ainsi, rien n’est laissé au hasard et le rapport aux yeux n’est pas qu’une note d’intention. Il y a bien une symbolique là-dedans, dont le spectateur va vite se rendre compte lorsqu’il découvre qu’il est face à un film dans un film. Malin, le scénario va même réussir le tour de force d’enclencher une deuxième partie qui fait parallèle à la première.

En effet, alors que dans la « vraie » vie, un autre tueur arrive dans le cinéma, cela correspond à la prise d’otage dans le film sur les yeux. Optant pour une double mise en abîmes, Bigas Luna ne se perd jamais et va mettre en corrélation ce que l’on voit à l’image et la réalité. Ainsi donc, on aura deux films qui vont se superposer non pas pour ne former qu’une seule entité, mais pour montrer le pouvoir des images, la force des mots et finalement l’aspect hypnotique du cinéma. On pourrait donc croire que le réalisateur veut montrer à quel point les images violentes influencent le spectateur et peuvent être néfastes, mais il n’en est rien, puisque Bigas Luna ne juge jamais ses personnages, les présentant à chaque fois comme victime d’une tierce personne (dans le film) ou comme simplement fou (dans la réalité).

Par-delà son fond relativement intéressant, le film est intelligemment mis en scène. Optant pour une violence exacerbée montrée de manière frontale, le film ne tombe portant jamais dans la surenchère. L’hémoglobine est toujours montrée pour susciter de la peur et du dégoût face à la cruauté implacable du tueur dans le film. Mais au-delà de ça, la mise en scène explose sur la fin lorsque les deux films se superposent sur les images, donnant une impression étrange de surimpression et de réflexion, montrant à quel point l’idée du cinéaste est aboutie.

Au final, Angoisse, sorti discrètement en 1987 et réhabilité en bluray en 2014, est un film très intéressant par sa mise en forme et par son rapport à la vision des choses. Stressant, gore et allant à l’essentiel, le film de Bigas Luna est une belle réussite qui n’a pas tant vieilli que ça et qui suscite toujours autant d’angoisse. Un film au titre bien trouvé qui mérite encore que l’on s’y attarde aujourd’hui.

Note : 17/20

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=X_BAFRTGCCw[/youtube]

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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