Titre Original : A Letter to Three Wives
De: Joseph L. Mankiewicz
Avec Jeanne Crain, Linda Darnell, Ann Sothern, Kirk Douglas
Année : 1949
Pays : Etats-Unis
Genre : Drame
Résumé :
Deborah Bishop, Rita Phipps et Laura May Hollingsway partent en croisière laissant leurs maris respectifs. Mais avant de partir, elles reçoivent une lettre d’une de leur amie commune, Addie Ross, dans laquelle elle prévient qu’elle part avec le mari de l’une d’entre elles. Mais lequel ?
Avis :
Sixième film pour Joseph L. Mankiewicz et c’est le film qui lui valut son premier Oscar en tant que meilleur réalisateur. Il récidivera par la suite avec son culte « Eve » qui lui vaudra même celui du meilleur film. Joseph L. Mankiewicz commence sa carrière de réalisateur en 1946 et tout s’enchaîne très vite, puisqu’en l’espace de quatre années, le réalisateur va tourner pas moins de six films qui vont créer sa réputation.
Avec « Chaînes conjugales« , Joseph L. Mankiewicz offre un film pour le moins surprenant. Un film qui s’aventure bien plus loin que la simple comédie dramatique qu’il ne la laisse apparaître. Excessivement bien mis en scène, très critique, le réalisateur réussit tout ce qu’il entreprend ici. Emportant son spectateur entre le doute et l’espoir, Joseph L. Mankiewicz s’amuse, brouille les pistes et finalement fait de nous ce qu’il veut et le pire dans cette histoire, c’est qu’on adore ça et son film, d’une heure quarante, nous apparaît comme bien trop court et l’on en redemande.
Deborah Bishop, Rita Phipps et Laura May Hollingsway sont trois amis de la belle société de leur ville. Un matin, elles partent pour la journée s’occuper d’enfants à bord d’un bateau. Peu avant d’embarquer, elles reçoivent la lettre d’une amie qui devait être des leurs. Cette amie leur apprend qu’elle ne sera pas là pour la journée et les jours suivants, puisqu’elle quitte la ville et dans ses bagages, elle s’en va avec le mari de l’une d’entre elles. Ne pouvant abandonner leur engagement, les trois femmes montent à bord pour une journée de doute.
« Chaînes conjugales » a reçu l’Oscar du meilleur scénario et quand on découvre le film, on ne peut qu’appuyer cette récompense tant le scénario est astucieux et se révèle être l’énorme point fort du film.
« Chaînes conjugales » est un jeu de piste qui va distiller petit à petit des indices sur chacune de ces femmes et leurs maris. De manière très assurée, Joseph L. Mankiewicz va prendre le temps de nous présenter ces femmes, leurs maris et les vies afin que l’on puisse, premièrement les découvrir au plus près, mais surtout analyser et trouver la faille qui fait que c’est ce mari et pas un autre qui pourrait partir avec cette mystérieuse Abbie Ross, dont on ne sera pratiquement rien, si ce n’est la voie, puisque c’est elle en off qui nous raconte cette histoire.
Divinement maîtrisé, le récit se fait à grands coups de flashbacks. Des flashbacks très intelligents qui apporteront énormément d’informations. Grâce à eux, Joseph L. Mankiewicz installe et tient tout son film de bout en bout en nous emportant avec suspens vers son final.
Ainsi, on découvre les rencontres de ces femmes. On découvre le milieu dans lequel elles évoluent, on découvre les codes qu’elles doivent respecter ou non. Et derrière ce jeu de piste rudement mené, Joseph L. Mankiewicz en profite pour faire une critique plutôt acerbe et intelligente de cette société bourgeoise qui fonctionne beaucoup sur le paraitre. Il analyse de manière subtile et judicieuse les rapports hommes/femmes, le mariage, la rivalité ou encore la morale, la jalousie et peut être même les fantasmes. De manière géniale, le film est hanté par la présence de cette Abbie Ross, femme qui a l’air ô combien parfaite, mais qu’on ne voit jamais et que finalement, on « découvre » à travers les yeux fantasmés des hommes qui l’aperçoivent et ceux jalousés des femmes.
Bref, cette critique astucieuse qui n’épargne personne prête à sourire, tant elle est génialement poussée dans la caricature, pour mieux en faire ressortir le trait de chacun des personnages, même les plus secondaires.
« Chaînes conjugales« , c’est trois femmes et trois hommes au sommet. Six acteurs géniaux, bourrés de charme, de franchise et de subtilités qu’on adore décortiquer. Tenue principalement par Jeanne Crain avec qui tout commence, l’actrice est un véritable plaisir à découvrir. Joseph L. Mankiewicz nous fait plaisir en réunissant la magnifique Linda Darnell et la pétillante et amusante Ann Sothern pour les femmes. Du côté des maris, on trouvera le grand Kirk Douglas qui tient le rôle le plus touchant, Paul Douglas pour un rôle assez amusant puis enfin Jeffrey Lynn qui est surement celui qui marquera le moins. Enfin, on ne peut pas passer à côté de la superbe voie de Celeste Holm qui « incarne » Abbie Ross.
Alors qu’on peut s’attendre à une petite comédie sur les mœurs, il livre aussi bien une bonne comédie intelligente et rudement menée, qu’un film au suspens génial et atypique.
Note : 16/20
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Par Cinéted