mars 28, 2024

Pourquoi les Adaptations de Jeux Vidéo sont-elles Mauvaises?

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Alone in the Dark, Resident Evil, Silent Hill Revelations, Street Fighter, Dead or Alive, autant de titres cultes du jeu vidéo qui ont eu droit à leur adaptation cinématographique et qui pourtant ne brillent pas par leur qualité. Et ce qui devrait être un frein à l’adaptation cinématographique de certains jeux n’empêche pas les producteurs de continuer à mettre en avant les licences juteuses de l’industrie vidéoludique sur grand écran. Il faut dire que le marché du jeu vidéo est sur le toit du monde et qu’il rapporte énormément d’argent, logique donc que le cinéma s’intéresse de plus en plus à ce médium et tente d’attirer les gamers dans les salles obscures.

Malheureusement, force est de constater que les adaptations de jeu vidéo sont souvent des déceptions quand ce ne sont pas des navets ultimes. Et pourtant le phénomène n’a pas l’air près de s’arrêter si l’on en croit les sorties récentes de Ratchet & Clank et d’Angry Birds, ainsi que de Pixels l’année dernière, sorte d’hommage aux jeux vidéo des années 80, ainsi que les projets d’un nouveau Resident Evil, du prochain Assassin’s Creed ou encore de Warcraft. La question est donc la suivante : pourquoi jusqu’à présent ces adaptations sont de si mauvaise qualité et surtout, pourquoi à l’heure d’aujourd’hui les producteurs, scénaristes et réalisateurs n’arrivent pas à pondre un film qui soit fidèle à un jeu tout en possédant un vrai fond ?

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Après quelques réflexions, on peut en déduire trois principales causes qui semblent relativement évidentes : Le choix des jeux adaptés, un effet de fan service bas du plafond et surtout un manque d’implication dans la réalisation des films. Mais avant de revenir sur la volonté d’adapter le domaine vidéoludique, il faut se poser la question suivante : Pourquoi les adaptations sont-elles aussi nombreuses aujourd’hui ?

  1. Histoire du jeu et du cinéma

Il va de soi que le cinéma est bien plus vieux que le jeu vidéo. Pour preuve, on dit que le cinéma a vu le jour le 28 décembre 1895 avec l’arrivée du train dans la gare de La Ciotat filmé par les frères Lumière. Or, le jeu vidéo, lui, n’a émergé que dans les années 50. C’est en 1951 que l’idée de faire un jeu vidéo (à l’époque à la télé) est lancée par Ralph Baer qui devait pour cela concevoir une télé révolutionnaire.  Ce n’est pourtant qu’en 1972 que Pong fera son apparition, dont le succès permettra la commercialisation de consoles de salon et de bornes d’arcade.

A l’époque, les jeux n’étaient que des jeux de confrontation en dualité, sans réellement de scénario. Le seul jeu qui possédait une histoire, était Adventure de William Crowther, datant de 1972, mais qui n’est qu’un jeu sous forme de textes. Rien d’étonnant à cela, le créateur étant un amateur de jeu de rôle papier. Il faudra donc attendre les années 80 et les suites du seul krach boursier de l’industrie vidéoludique en 1983 pour voir émerger des cartouches avec un semblant d’histoire. C’est d’ailleurs en 1984 que l’univers du jeu vidéo explose avec les sorties combinées de la Master System de chez Sega et de la Nes de chez Nintendo.

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Mais alors pourquoi le cinéma ne s’y est-il pas intéressé de suite ?

Tout simplement parce qu’à l’époque, le cinéma était beaucoup plus rentable que le jeu et qu’à cette époque c’est le jeu qui s’inspirait du cinéma et pas l’inverse. C’est ce qui a permis l’adaptation de Dune ou encore Myst, des jeux d’aventure rigoureux dont le visuel faisait écho à l’hyperréalisme du médium cinématographique.

Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit de plus en plus. Si le jeu vidéo s’inspire toujours du cinéma, c’est dans la réalisation plus que dans le scénario ou la structure narrative. Par contre, on voit de plus en plus de films s’inspirant du jeu vidéo, notamment parce qu’il y a de plus en plus de gamers, mais aussi parce que certaines licences vidéoludiques sont particulièrement rémunératrices !

De plus en plus de films, certes, mais si la quantité progresse, la qualité ne bouge pas d’un poil. Le cinéma n’arrive toujours pas à se faire violence pour fournir des adaptations de jeux vidéo potables, et comme on l’a dit au début, il y a trois causes à cela.

  1. Les Jeux Choisis

Quel est l’intérêt d’adapter des jeux tels que Street Fighter, Mortal Kombat, Dead or Alive ou encore Need for Speed ? De base, ce sont des jeux vidéo qui sont quasiment dénués de scénario. Il faut être lucide, quand un gamer s’attarde sur un jeu de combat ou de course, ce n’est certainement pas pour le scénario ou les enjeux dramatiques. De ce fait, il est quasiment impossible de faire un film décent se basant sur de tels jeux. Et la preuve en est faite avec Dead or Alive qui est juste une excuse pour mater des filles en bikinis ou encore Tekken qui est une farce aussi creuse que vide de sens.

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A la rigueur, le seul film qui s’en sort à peu près, c’est Mortal Kombat, puisque le jeu proposait un véritable scénario basé sur un tournoi entre la Terre et l’Outremonde, idée reprise telle quelle dans la version cinéma, mais là encore, les tenants et aboutissants sont faiblards. C’est à croire que les producteurs ne se posent pas la question de la transition entre la conception vidéoludique et l’intérêt cinématographique. Quand tu joues à un jeu de combat, c’est pour l’univers, les personnages et les techniques de baston.  Vous pensez que les joueurs de Street Fighter se disent : attends, attends, avant de frapper j’aimerais savoir pourquoi il le fait, il s’est fait battre quand il était petit ? Non, ils constatent, si je fais quart de cercle, coup de poing, ça fait hadoken. Quand aux joueurs de Mortal Kombat, ils sont plus intéressés par les fatality et le côté gore que par les problèmes de couple des protagonistes. Alors bien évidemment, faire un film à partir d’un univers peut être cool, mais l’histoire ne sera jamais à la hauteur. Et c’est la même chose pour les jeux de course.

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Alors la question est la suivante : Pourquoi adapter ces jeux ? C’est très simple, pour le pognon. Les producteurs surfent sur des ventes de jeux pharaoniques. Et les jeux de combat ou de course sont des valeurs sûres. La prise de risque étant proche de zéro, les studios rentrent dans leurs frais à moindre coût sur des films complètement nazes mais faciles à faire.

Alors bien sûr il y a les exceptions, les adaptations de jeux qui possèdent déjà un certain fond, une histoire. Que ce soit Resident Evil, Silent Hill, Alone in the Dark ou encore Bloodrayne, tous ces jeux, qui sont des survival-horror ou des jeux d’aventure, possèdent un vrai scénario en plus de bien se vendre. Malheureusement, très souvent les films surfent là aussi sur une mode, les producteurs recherchant une certaine rentabilité et donnant le projet à des réalisateurs bien bourrins ou sans aucune esthétique propre. Que ce soit Uwe Boll, Paul W.S Anderson ou encore Michael J. Bassett, on ne peut pas dire qu’on fasse appel de grands noms du septième art. Le seul qui tire son épingle du jeu, c’est Christophe Gans avec son Silent Hill, qui est un film ultra respectueux et fort sympathique.

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  1. L’Effet Fan Service

Et en parlant de respect, il faut croire que les producteurs n’en ont absolument pas pour les gamers, tombant dans le travers que l’on appelle le fan service. Mais c’est quoi le fan service ?

En fait, il s’agit de mettre dans un film tout ce qu’attend le fan de base du jeu ou de la licence. Par exemple, au cinéma, c’est faire des clins d’œil inutiles du film originel dans une suite. Dans le domaine du jeu vidéo, c’est mettre en avant dans un film des éléments inutiles (et souvent ridicules) issus du jeu adapté, que le spectateur lambda ne peut pas forcément comprendre. En ce sens, c’est presque aussi insultant pour le gamer que pour le spectateur de base. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est brosser le joueur dans le sens du poil en lui montrant que l’on comprend ce qu’il veut, pourvu qu’il continue à bien payer pour voir de la merde. Et pour le spectateur, c’est bien lui faire comprendre qu’il ne fait pas partie de ce monde et qu’il n’a rien à faire devant ce film. Bref, c’est prendre les gens pour des idiots en baissant volontairement la qualité d’un film.

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Bien sûr, il arrive que le clin d’œil serve justement le film en lui donnant une certaine identité, mais cela est très rare et il ne se retrouve pas les adaptations de jeu vidéo, hormis peut-être Prince of Persia, avec l’effet du sable qui permet de remonter le temps, utilisant un élément essentiel du jeu comme intrigue du métrage.

Quoiqu’il en soit, il est déjà difficile de faire accepter aux gens qu’un geek n’est pas qu’un boutonneux à grosses lunettes fan de technologie, asocial et avec des gouts douteux, mais si le cinéma en rajoute une couche, en proposant des adaptations de mauvaise qualité trop orientées vers ce public, il devient presque impossible de faire comprendre aux gens que la culture geek fait partie de la culture populaire.

  1. Le Manque d’Implication

Dernier point qui semble démontrer pourquoi les films tirés de jeux vidéo sont mauvais, à leur mauvaise réputation, il faut rajouter le manque d’envie des producteurs et réalisateurs d’imposer un budget intéressant et d’y apposer leur patte. On en arrive à des films privés de têtes d’affiche qui s’avèrent au mieux anecdotiques, voire pire.

Prenons un exemple tout bête : Prince of Persia. Il y avait matière à faire un film ultra poétique avec un design très intéressant. Malheureusement, on n’aura qu’une sorte d’aseptisation du métrage, dénué de toute marque graphique et sans aucune personnalité. Et c’est un problème pour de nombreux autres métrages, comme Resident Evil, puisque l’on arrive à perdre le seul élément intéressant à l’écran, l’univers et l’ambiance du jeu. Et c’est clairement de là que provient le plus grand échec des adaptations de jeu vidéo. C’est clairement là la raison principale à l’échec des adaptations de jeu vidéo.

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Ce que n’ont pas encore compris de nombreux cinéastes, c’est que quand nous jouons à un jeu, on est impliqué à 100% dedans. Nous ne sommes plus spectateur, mais bel et bien partie intégrante de l’expérience. De ce fait, les sentiments sont décuplés, les sensations sont plus fortes et on ressent une forte empathie pour son personnage. Certes, suivant les jeux et leur maniabilité, on a parfois envie de buter celui-ci, mais dans l’absolu le gamer vit une aventure. Ce qui ne se passe pas au cinéma, où le spectateur reste un simple spectateur s’il ne rentre pas dans le film. Il faut donc une implication forte dans le projet, une envie de recréer une vraie atmosphère pour que le spectateur ne se sente pas exclu. Et aujourd’hui, ce n’est clairement pas le cas ! On fait des films pour sustenter une catégorie de fans de jeux à succès dans l’espoir d’engendrer de l’argent. En gros, on ne fait plus de cinéma, on fait du pognon en prenant les gamers pour des vaches à lait.

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Bien sûr Il doit exister d’autres raisons qui font que les jeux vidéo restent assez inadaptables. On peut imaginer des contraintes entre les boîtes de développement et les studios hollywoodiens ou encore des problèmes budgétaires, mais la véritable source du problème se situe au confluent de toutes ces raisons, à savoir un choix de jeu qui ne se base que sur le succès commercial, des films aseptisés vidés de toute substance et un manque flagrant de prise de risque et d’envie pour proposer du vrai cinéma. D’ailleurs, si on remarque bien, aucun grand cinéaste ne s’est aventuré dans ce domaine (hormis Christophe Gans), ce qui montre bien la méfiance par rapport à ce support. Maintenant, reste à attendre de voir ce que donnera Assassin’s Creed avec Michael Fassbender mais aussi Warcraft de l’excellent Duncan Jones, qui pour le coup, possède un certain style qui pourrait donner lieu à un film intéressant.

Par AqME et Corvis

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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