Titre Original : Soshite Chichi Ni Naru
De : Hirokazu Kore-eda
Avec Masaharu Fukuyama, Machiko Ono, Riri Furanki, Yoko Maki
Année : 2013
Pays : Japon
Genre : Drame
Résumé :
Ryoata, un architecte obsédé par la réussite professionnelle, forme avec sa jeune épouse et leur fils de 6 ans une famille idéale. Tous ses repères volent en éclats quand la maternité de l’hôpital où est né leur enfant leur apprend que deux nourrissons ont été échangés à la naissance : le garçon qu’il a élevé n’est pas le sien et leur fils biologique a grandi dans un milieu plus modeste…
Avis :
Kore-eda Hirokazu est un réalisateur japonais qui est connu pour livrer des œuvres ultra réalistes. Débutant sa carrière dans le documentaire télé dans les 80, il faudra attendre 1995 pour que le réalisateur passe à la fiction. Une fiction qui aura un petit goût de documentaire, comme une fiction réalité. « Maborosi« , son premier film, remporte suffisamment de succès pour que le réalisateur puisse réaliser son second long-métrage et c’est ainsi que doucement, Kore-eda Hirokazu va s’imposer de film en film, au point de devenir après neuf longs-métrages, l’un des réalisateurs les plus en vogue du Japon.
Ryoata est un architecte passionné par son travail. Il mène une vie tranquille avec sa femme, la sublime Midori et leur fils, le jeune Keita. La famille mène une vie idéale, même si Ryoata passe un peu trop de temps au travail et par conséquence ne s’occupe pas autant de son fils qu’il le voudrait. Mais cette vie de « rêve », un matin, va prendre brutalement fin, avec une lettre d’hôpital qui demande à la famille de se rendre à un rendez-vous. Une fois sur place, ils apprennent que Keita n’est pas leur fils. Par un accident, dont personne ne s’explique, l’enfant des Nonomiya a été échangé à la naissance avec celui de la famille Saiki, une famille bien plus modeste. L’hôpital propose aux familles de se rencontrer afin que ces derniers puissent découvrir dans un premier temps leur véritable enfant, mais aussi savoir si les familles veulent ou non échanger leurs enfants afin de retrouver les liens du sang. Comment surmonter une épreuve pareille ? Comment après six années passées à chérir un enfant, peut-on imaginer le laisser à quelqu’un d’autre ? Les liens du sang seront-ils alors plus forts que les liens du cœur ?
« Tel père, tel fils » est un bouleversement que l’on ne voit pas arriver. C’est un film d’une incroyable sensibilité et surtout d’une dureté infinie, d’une injustice impitoyable qui n’est pas prêt de quitter l’esprit de celui qui a vu ce film.
Partant d’un évènement atroce qu’aucun parent au monde ne pourrait imaginer vivre, Kore-eda Hirokazu va tisser un film d’une beauté renversante. Petite merveille, le scénario sera d’une justesse absolue. Sans en faire trop dans l’injustice et la révolte, le réalisateur nous entraîne dans une décision qu’on ne peut prendre et que pourtant, la vie pousse injustement à faire.
Derrière ce scénario délicat, c’est avec beaucoup de subtilité que le réalisateur fait s’affronter les liens du sang contre les liens du cœur. Qui est le plus fort ? Comment choisir ? L’écriture est d’une complexité folle et aborde frontalement cette question. Le film torture ses personnages et l’on ne peut qu’être touché devant leur indécision. Puis le réalisateur n’évoque pas que ceci, puisqu’il parle de la culpabilité. Comment les parents ne se sont pas rendus compte de la supercherie ? Il aborde aussi l’égoïsme, faisant tour à tour passer le bien des parents avant celui de l’enfant et inversement. Ce qui est atrocement excellent dans ce film, c’est qu’il est presque imprévisible et donc apporte malheureusement pour les personnages beaucoup de suspens. Ce choix est si dur, si rude, que l’on ne peut être certain de ce que les deux familles font faire et si elles vont se mettre d’accord, ou encore finir par s’entre-déchirer. On reste donc scotché, pris, happé, passionné et bouleversé devant notre écran, rien n’aurait pu faire arrêter ce film.
Ce qui fait la belle force de ce film, hormis l’écriture et la réalisation qui est de toute beauté, c’est ce casting incroyable qui fait vibrer le film à grands coups de simplicité et sincérité. Alors que d’autres auraient pu donner dans la surenchère de drame et de grandes crises de larmes, Kore-eda Hirokazu a fait un autre choix et emporte ses acteurs bien plus loin qu’on ne l’aurait pensé. Les deux couples joués par Masaharu Fukuyama et Machiko Ono d’un côté et par Rirî Furankî et Yoko Maki sont extraordinaires. Parfaits dans la retenue, c’est de leur simplicité que naît leur puissance. Ils sont presque poétiques à leur manière. On remarquera aussi la présence de la grande Kirin Kiki en grand-mère. L’actrice illumine chacune de ses scènes. Le réalisateur a fait un énorme travail avec les deux enfants (Keita Ninomiya et Shogen Hwang) qui seront peut-être échangés. Alors que les rôles sont difficiles, surtout pour des enfants de cet âge-là, le cinéaste a réussi à tirer d’eux un naturel et un charisme déconcertant. Et ainsi, grâce à leur charme, leur rire, leur questionnement et leur incompréhension et leur naturel, ils en sont encore plus captivants et touchants.
« Tel père, tel fils » est donc un film riche qui laisse imprégner les sentiments, les bouleversements et les doutes de ses personnages. Alors que l’intrigue est un immense drame, à aucun moment on ne sombre dans le déprimant, le dérangeant ou le malaise, un exercice rudement difficile face au mal-être et la tristesse des personnages.
Cette première incursion dans le cinéma de Kore-eda Hirokazu est donc une claque magistrale qui confirme en un seul film la réputation impeccable dont jouit le réalisateur. Et après toutes ces émotions, on a qu’une envie, c’est de se plonger au plus vite dans un autre de ses films.
Note : 20/20
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Par Cinéted
Une réflexion sur « Tel Père, Tel Fils »