De : Jonas Cuaron
Avec Gael Garcia Bernal, Jeffrey Dean Morgan, Alondra Hidalgo, Diego Catano
Année : 2016
Pays : Mexique, France
Genre : Thriller
Résumé :
Désert de Sonora, Sud de la Californie. Au cœur des étendues hostiles, emmené par un père de famille déterminé, un groupe de mexicains progresse vers la liberté. La chaleur, les serpents et l’immensité les épuisent et les accablent… Soudain des balles se mettent à siffler. On cherche à les abattre, un à un.
Avis :
Dans la famille Cuarón, aujourd’hui on va tirer la carte du fils, Jonás. Si Jonás est connu pour avoir bossé avec son père sur le scénario de « Gravity« , le fiston est, de son côté, aussi réalisateur. « Desierto » est son deuxième long-métrage, après « Ano Una » sorti en 2007. Un film encore inédit chez nous.
Arrivé sans prévenir, « Desierto » est le petit film qui fait sensation en ce moment. Porté par un excellent bouche à oreille, ainsi qu’une bande-annonce qui, il faut le dire, donne très envie, le film du fiston Cuarón est une excellente surprise. Une surprise prenante, tendue, angoissante et aussi une surprise bien plus profonde, complexe et touchante qu’elle ne le laisse présager au premier abord.
Dans le désert de Sonora, dans le sud de la Californie, un groupe de mexicains vient de passer illégalement la frontière. Là, sous un soleil de plomb, écrasés par une chaleur étouffante, ils marchent vers une vie meilleure, du moins l’espèrent-ils. Mais d’un coup, un bruit sourd et rapide, un homme s’effondre, abattu d’une balle. Là, perdu dans l’immensité du désert, un homme cherche à les abattre tous un par un. Il leur faut lui échapper, mais comment et vers où aller ?
« Desierto » est le genre de film qui se vit et qui se ressent, plus qu’il ne se suit. Il faut dire que Jonás Cuarón a su très rapidement immerger totalement son spectateur dans une ambiance qui est pesante à tout instant. Une ambiance qui est l’une des très grosses forces de son film. Car, quand on le survole comme ça, « Desierto » n’a rien de vraiment incroyable dans son scénario puisqu’il s’avère n’être qu’une simple chasse à l’homme perdue dans un désert immense et aride.
À première vue, dit-on, car avec ce fil rouge assez banal, Jonás Cuarón va construit un film à la limite de la folie humaine sur fond d’immigration. Un film très nuancé entre survival et social, un film qui sera aussi viscéral que marquant et révoltant. Derrière cette traque implacable, vicieuse, raciste et meurtrière, Jonás Cuarón met en lumière ces hommes et ces femmes qui immigrent vers le rêve américain et qui bien souvent se retrouvent face à une désillusion. Ici, la désillusion est plus rude que prévu, si on peut dire.
Très bien écrit et mis en scène, parfaitement accompagné par la BO de Yoann Lemoine, le réalisateur oscille génialement entre des scènes fortes en tension (la dernière traque est même un petit best-of à elle seule) et des scènes plus touchantes où les personnages parlent et expliquent ce qu’ils sont venus chercher en Amérique, ce qui permet de mieux les connaitre et de ce fait, on s’accroche encore un peu plus à eux.
Mais ce qui est encore plus recherché et intelligent, ce qu’on ne voit pas venir, c’est que le réalisateur va réussir à nous présenter, et même nous toucher, tout en nous révoltant, avec le personnage impeccable joué par Jeffrey Dean Morgan. Si le film aborde le social, le rêve et l’humain avec les personnages de ces clandestins, il aborde aussi avec complexité l’âme et la folie d’un personnage. Un personnage passionnant, tout en contradiction. Un personnage qui est capable de profondément nous révolter et a contrario profondément nous toucher, car derrière les horreurs et ce racisme, ce sang-froid terrifiant, se cache un personnage tout en faille, plongé dans une profonde tristesse, une profonde solitude. Un personnage désenchanté, noyé dans l’alcool qui n’attend que de passer à autre chose, et même si tout le reste du film est très bon, c’est peut-être bien ce point complexe qui est le plus passionnant. La complexité du personnage est terriblement bien tenue par un Jeffrey Dean Morgan tout en nuance, en rage et en haine. Un acteur qui décidément est vraiment très surprenant quand il trouve de bons rôles.
« Desierto » est donc un très bon film, doublé d’une éprouvante mais excellente expérience. C’est un film passionnant qui met les nerfs à fleur de peau, dont la tension est tenue par un réalisateur qui a su nous immerger de suite. « Desierto » est donc l’excellente surprise qui sera bien plus ambiguë qu’elle ne le laissait présager au départ. Bref, le fils Cuarón a tout l’air d’avoir hérité du talent familial. On attend donc le prochain avec curiosité.
Note : 17/20