Avis :
On a tendance à dire que le blues est le père de nombreux genres, dont le rock et le métal qui en découle tout doucement. Souvent techniciens et musiciens de talent, les bluesmen sont, pour les plus vieux, devenus des légendes vivantes. Mais alors que certaines stars prennent rapidement leur retraite, notamment à l’époque du disco, les joueurs de blues continuent inlassablement de faire des tournées et de fournir des albums. A titre d’exemple, John Mayall a 81 balais et il fournit encore un nouvel album. Alors qu’il entame sa cinquantième année de carrière, le bluesman livre un album classique, qui ne révolutionnera pas le genre (difficile d’y arriver maintenant) mais qui s’écoute sans déplaisir. Mais n ne pourra s’empêcher d’être déçu par bien des aspects, surtout quand on regarde la biographie de ce musicien. Il faut dire qu’il a créé les Bluesbreakers dans les années 60 et que grâce à ce groupe, il a révélé des artistes devenus aujourd’hui des monuments de la musique comme Eric Clapton qui sera le fondateur de Cream par la suite, Mick Taylor, qui n’est pas le tueur psychopathe de Wolf Creek, et qui rejoindra par la suite les Rolling Stones (rien que ça !) ou encore Peter Green qui fera partie de Fleetwood Mac. Bref, derrière la légende John Mayall, on aurait aimé un album un peu plus transgressif.
Le skeud débute avec Why Did You Go Last Night. Et il s’agit sans surprise d’un morceau très blues avec toujours ce rythme imposé à la gratte et à la basse. Alors il est vrai que l’on a droit à de l’harmonica ou encore à du piano, puisque ce sont tous les instruments que maîtrise le musicien, et même si cela reste technique et très intéressant, on a l’impression d’avoir entendu cela des millions de fois au travers d’autres bluesman. En fait, on a la désagréable sensation que John Mayall se repose sur ses lauriers, ne proposant qu’un melting pot de ce qu’il sait faire le mieux et à travers duquel il ne prend pas de risque. Mais après tout, n’est-ce pas ce que les fans attendent ? On retrouve cela dans des titres comme World Gone Crazy, toujours avec le même mélange des instruments, mais avec une prépondérance pour le piano. Big Town Playboy est exactement du même acabit, offrant un moment agréable, mais qui ne se démarque pas un brindes autres musiques que proposent n’importe quel bluesman. Alors effectivement, c’est bien foutu, difficile de ne pas être satisfait par les mélodies et les technicités dont fait preuve John Mayall, mais cela reste foutrement trop classique et après plusieurs écoutes, on finit par se lasser, ce qui est dommage. En même temps, lorsqu’il décide d’innover un peu, on sent que c’est limite, à l’image de Heartache, un titre qui ressemble plus à une musique d’ascenseur qu’à un vrai morceau de blues.
Après, tout n’est pas décevant dans l’album, loin de là. On peut signaler Speak of the Devil, qui s’inscrit dans une démarche bien plus rock avec des guitares affutées et des riffs assez puissants et intéressants. Malheureusement, il faudra attendre un long moment dans le skeud pour retrouver cette sensation rock avec I Just Got to Know, dont le refrain entre immédiatement en tête et donne envie de chanter à tue-tête. Quand on vous dit que tout n’est pas noir ! Ensuite, le musicien s’emploie à utiliser un rythme plus lent pour susciter une certaine émotion, comme Just a Memory, qui clôture l’album et qui reste un morceau touchant et très beau avec un sublime solo de piano. D’ailleurs, il s’agit d’un morceau sur lequel la voix du chanteur s’accorde parfaitement, provenant du fond de sa gorge. Enfin, difficile de ne pas parler de Floodin’ in California, un morceau qui fleure bon les années 60/70, avec un clavier omniprésent, offrant des sons assez aigus et qui rappellent irrémédiablement les années phares de ce genre de sonorités.
Au final, A Special Life, le dernier album de John Mayall, n’est pas dénué d’intérêt, bien au contraire, il est plutôt intéressant, mais il reste bien trop classique. A 81 ans, âge plus que respectable, le musicien s’accorde un petit plaisir qui ne perturbera pas les fans et le genre, qui est bien foutu, qui permettra surement aux nouveaux auditeurs de se familiariser avec le blues, mais tout cela reste très scolaire, très classique pour vraiment emporter les suffrages. Enfin, n’importe qui aimerait avoir sa force, sa verve et son talent à 81 piges.
- Why Did You Go Last Night
- Speak of the Devil
- That’s All Right
- World Gone Crazy
- Floodin’ in California
- Big Town Playboy
- A Special Life
- I Just Got to Know
- Heartache
- Like a Fool
- Just a Memory
Note: 12/20
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=_eXaJExbCLI[/youtube]
Par AqME