Auteur : Mark Hodder
Editeur : Bragelonne
Genre : Steampunk
Résumé :
Londres, 1861.
Sir Richard Francis Burton
Un grand explorateur et un érudit de talent. Sa réputation a été salie et sa carrière ruinée. Il est dans de sales draps.
Algernon Charles Swinburne
Un jeune poète prometteur et avide de sensations fortes, disciple du marquis de Sade. Le cognac causera sa perte. C’est le cadet de ses soucis.
Les deux hommes sont au cœur d’un empire déchiré par les conflits. D’extraordinaires machines envahissent un monde soumis à des lois des plus répressives. Tandis que certains défendent une société fondée sur le génie créateur, d’autres repoussent les limites de la conscience en ayant recours aux drogues, à la magie et à l’anarchie.
Lorsque des loups-garous terrorisent l’East End londonien et que des jeunes filles deviennent la proie d’une effroyable créature nommée Spring Heeled Jack, le duo n’a plus d’autre choix que d’agir. Au plus vite.
Tous deux se trouvent confrontés à l’un des événements les plus décisifs de cette époque. Mais la pire de leurs découvertes pourrait bien provoquer la fin du monde tel qu’ils le connaissent…
Quand une poignée d’hommes change l’Histoire, l’Histoire change tous les autres.
Avis :
Il est parfois des livres dont on n’en entend pas parler et qui, du premier coup d’œil, attise l’attention et la curiosité. D’une part avec un titre étrange et peu évocateur. D’autre part, avec un travail d’édition sublime sur la maquette de l’ouvrage. Pages dorées, illustration originale et quatrième de couverture intrigante. En d’autres termes, on ne sait pas où va nous emmener cette histoire, mais le cadre temporel recèle nombre d’anachronismes et d’absurdités. Cette absence de cohérence apparente revêt la promesse d’un dépaysement total qu’on espère pour le moins rafraîchissant. La qualité de l’ouvrage parvient-elle à faire oublier son prix prohibitif (28 €) ?
Il n’y a pas forcément une particularité à mettre en avant au sein de l’intrigue, mais une profusion d’éléments tous plus fous les uns que les autres. Aussi, difficile d’entrer dans cet univers sans être interpellé par sa faune locale, ses têtes célèbres qui évoluent dans un Londres victorien pour le moins incongru. Féru d’histoire, Mark Hodder garde les grandes lignes de cette période en tant que socle de son imaginaire fertile. Le clivage entre les classes sociales permet des contrastes flagrants dans les différents quartiers qui sont retranscrits avec justesse quand il faut rester crédible.
Une approche pas forcément évidente surtout lorsqu’on s’aventure sur le terrain délicat du steampunk. L’alternance entre la réalité et la fiction s’avère pour le moins précaire à cause d’un traitement homogène non pour que les deux éléments s’imbriquent entre eux, mais se révèlent complémentaires en toutes circonstances. Ici, l’on vaque d’agréables surprises en considérations perplexes face à tant de trouvailles dans l’ensemble des domaines évoqués. Qu’il s’agisse de technologie ou de biologie, les inventions et créatures réservent un travail soigné pour les rendre naturelles aux yeux du lecteur et des protagonistes.
Là encore, les personnages sont un amalgame de têtes célèbres et imaginaires. L’auteur entremêle des moments clefs de leur vie en flouant les limites de l’avéré pour faire progresser son intrigue. Le public francophone sera moins touché par certains d’entre eux, assez peu connu dans nos contrées ou seulement des spécialistes. En cause, des traductions tardives, voire inexistantes de leur œuvre, et ce, même pour les figures de proue. À ce jour, certains ouvrages de Burton ne sont toujours pas disponibles en français. Pour y voir plus clair et séparer le vrai du faux, l’annexe propose un éclaircissement sur l’importance et le rôle de chacun pour leur époque.
Il en ressort des protagonistes hauts en couleurs avec des caractères bien trempés prompts à donner le change dans des conversations non dénués d’humour. Plus ou moins subtils, il n’en demeure pas moins un élément central destiné à décomplexer quelques séquences dramatiques, à tout le moins sérieuses. Les perroquets, messagers victimes du syndrome de Gilles de la Tourette, en sont l’exemple le plus probant. Même constat quand on prend en compte les comportements des antagonistes ou leurs motivations. Le second degré est de rigueur, quitte à égratigner les idées reçues sur quelques personnalités incontournables.
Lauréat du prix Philip K. Dick en 2010, L’étrange affaire de Spring Heeled Jack fait montre d’une originalité peu commune. Mark Hodder entremêle avec brio réalité et fiction pour former un univers crédible grâce à de nombreux anachronismes et incohérences. Un savoureux paradoxe qui interpelle, décontenance et étonne le lecteur sans jamais le perdre, même dans les moments les plus délicats de l’intrigue (la deuxième partie marque un tournant difficile à mettre en œuvre sans sombrer dans la confusion). Malgré la densité des chapitres et certaines longueurs épisodiques, l’on tient une histoire dans la mouvance steampunk d’une incroyable richesse. Drôle et incongru, Mark Hodder signe un roman inventif au charme particulier. Une excellente surprise.
P.S. : N’oubliez pas d’acheter votre magnifique chat poussière, le parfait animal de compagnie pour 2 shillings.
Note : 17/20
Par Dante