Titre Original : The Tragedy of Othello: The Moor of Venice
De: Orson Welles
Avec Orson Welles, Michael McLiammoir, Robert Coote, Suzanne Cloutier
Année: 1952
Pays: Etats-Unis, France, Maroc, Italie
Genre: Drame
Résumé:
À Venise, des noces ont lieu en secret entre le Maure Othello, général vénitien estimé par ses pairs, et la belle Desdémone, fille du sénateur Brabantio. Au fond de l’église, deux hommes se tiennent en retrait : il y a là Iago, l’officier d’Othello qui voue à son supérieur une haine incommensurable, et Roderigo, amoureux éperdu de Desdémone. Après leur union, Othello s’en va combattre la flotte turque, puis retrouve sa femme sur l’île de Chypre où il est nommé gouverneur. Le fourbe Iago est alors résolu à détruire le bonheur des jeunes mariés et va pour cela s’employer à manipuler leur entourage…
Avis:
Orson Welles est un homme de théâtre. Et comme tous les hommes de théâtre, il se passionne rapidement pour William Shakespeare et dès 1934, il va jouer des pièces comme Roméo et Juliette au Off-Broadway. En 1939, il décide alors de produire Les Cinq Rois qui est une sorte de pot-pourri de plusieurs pièces du poète. Othello est le film qui montra au monde qu’Orson Welles était un féru du poète élisabéthain. Pourtant, il avait déjà réalisé Macbeth en 1948, qui connut une version tronquée au cinéma deux ans plus tard. Mais le film ayant fait un four, c’est Othello, deux ans plus tard, qui révéla l’acteur et metteur en scène au grand public comme adorateur de Shakespeare. Ce qui est assez marrant, c’est que le film fut très dur à faire, s’étalant sur quasiment trois ans de tournage et avec un budget difficile, le réalisateur mettant des sous de sa poche pour terminer son œuvre. Aujourd’hui, Othello revient sur nos écrans grâce à un prestigieux travail de Carlotta, qui livre un bluray splendide et blindé de bonus.
Othello est un maure, mais il est aussi un général vénitien fort apprécié grâce à des exploits de guerre. Il tombe éperdument amoureux de Desdémone qui lui rend bien et ensemble, ils forment un couple qui fait beaucoup parler et qui ne plait pas vraiment. Iago, alors officier du maure, lui voue une haine incommensurable et il ne souhaite qu’une chose, nuire au couple de n’importe quelle manière. Suite à une victoire sur des vaisseaux turcs, Othello est nommé gouverneur de Chypre. Iago va alors utiliser de toutes ses ressources pour nuire au couple.
Assez éloigné de Macbeth, Othello ne s’inscrit pas moins dans les mêmes thèmes, à savoir la manipulation et le remord suite à des actes horribles. Ici, exit les moments un peu fantastiques avec des oracles ou des sorcières, Othello est très terre à terre et ne s’appuie exclusivement que sur des faits probables. Orson Welles va en profiter pour explorer toute la perfidie de l’esprit humain, dans le simple but de nuire. Le personnage de Iago est l’incarnation du serpent fourbe qui ne veut que faire le mal à une personne et qui va utiliser de toutes les astuces possibles et imaginables. Michael McLiammoir est exceptionnel dans ce rôle de mauvais homme qui ne cherche qu’une chose, la perte d’Othello. On va aussi pouvoir voir comment le poison verbal peut se répandre dans le cerveau humain, allant faire douter le plus solide des hommes. Encore une fois, Welles livre une prestation magistrale, charismatique au possible et pour lequel on éprouvera divers sentiments.
L’autre gros changement avec Macbeth, c’est qu’ici les personnages féminins sont profondément bons. Alors que dans l’œuvre précédente, la femme était le mal, n’étant qu’intéressée au point de tuer ou de faire tuer quelqu’un, ici, Desdémone est la pureté même, la gentillesse et la douceur incarnées. Suzanne Cloutier donne une vraie prestance à cette femme et toutes ses apparitions sont représentées dans une blancheur immaculée, montrant bien la pureté de la personne. Et c’est là que la réalisation de Welles est un vrai coup de génie. Il s’appuie sur des plans formidables, jouant avec le noir et le blanc mais aussi avec les miroirs pour fournir quelque chose de véritablement symbolique. Le moment le plus flagrant est quand il parle à Desdémone, qu’il doute, et qu’il se retrouve dans le noir avec qu’elle reste dans la lumière pour montrer son innocence. L’autre passage intéressant est quand il parle à Iago et que l’on voit son reflet dans le visage, changeant complètement sa psyché.
Au final, Othello semble assez proche de Macbeth dans ses thèmes mais sur la forme il est complètement différent. Bien plus terre à terre, on sent aussi que le film a bénéficié de plus de moyens et les moments symboliques sont plus marqués. On regrettera peut-être certaines longueurs et les phases en grand groupe qui font un peu kitsch aujourd’hui. La restauration de Carlotta est encore une fois irréprochable et les fans devraient y trouver leur compte.
Note: 16/20
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Par AqME