avril 26, 2024

L’Affaire Gordji Histoire d’une Cohabitation

De : Guillaume Nicloux

Avec Thierry Lhermitte, Erci Elmosnino, Michel Duchaussoy, Malik Zidi

Année : 2012

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Septembre 1986. Rue de Rennes, en plein Paris, une bombe explose. C’est l’attentat le plus meurtrier d’une longue série qui s’est abattue sur la France depuis près d’un an. Les Renseignements généraux sont aux abois : aucune piste classique ne permet de remonter à l’instigateur. Et pour cause. Lentement, un suspect particulièrement dérangeant se profile : l’Iran, avec lequel la France entretient un différend diplomatique depuis des années. Pour l’État, l’enjeu est lourd. En pleine cohabitation, il va devenir celui des élections présidentielles à venir. Autant dire, une véritable arme de guerre entre François Mitterrand et Jacques Chirac.

Avis :

Dans le paysage du cinéma français, il se trouve un réalisateur très singulier qui fait ses films de son côté. Un réalisateur qui n’a pas l’air d’avoir de frontières, passant d’un style à l’autre au gré de ses envies. Un réalisateur capable d’offrir du grand public ou du moins grand public qu’à son habitude, plutôt que de s’enfermer dans de petits films d’auteur qui vont être mal distribués. Guillaume Nicloux est un électron libre, et c’est un réalisateur qui, même s’il m’a déçu plus d’une fois en offrant des films moins bons que d’autres, demeure un des réalisateurs qui me passionnent le plus. Un de ces réalisateurs qui, au simple fait qu’un film soit réalisé par ses soins, me fait me déplacer.

Après le très mauvais « Holiday« , dont personnellement, je peine encore à me remettre, Guillaume Nicloux est parti chez Canal + pour y faire un film aussi étrange qu’il va être passionnant. Moi qui voulais voir le réalisateur se sortir du mauvais pas de son précédent film, je vais être servi avec « L’affaire Gordji … » qui va se révéler être un film bon, voire très bon film, signé Guillaume Nicloux. « L’affaire Gordji … » est un film qui va être aussi passionnant d’un point de vue historique, puisqu’il s’arrête sur une partie lourde de l’histoire française, les attentats dans la seconde moitié des années 80, que d’un point de vue politique, le film parlant de la cohabitation Mitterrand/Chirac. Mêlant les deux sujets, les deux affaires pour ne faire qu’un, Guillaume Nicloux livre un film éclairant sur cette période, et il le fait sans jamais tomber dans le cours d’histoire. Bref, dire qu’on passe un bon et intéressant moment est alors un euphémisme!

France 1986, la capitale est secouée par une série d’attentats, dont le plus meurtrier sera celui de la rue de Rennes le 17 Septembre 1986. La DST enquête, mais elle n’a pas vraiment de piste. Pendant ce temps, la France est secouée par un autre évènement, le gouvernement de François Mitterrand décevant, la France entre dans l’air de sa première cohabitation. Jacques Chirac vient d’être nommé Premier ministre.

« L’affaire Gordji, histoire d’une cohabitation » est un film qui m’intéressait parce qu’en dehors du fait que ce soit Guillaume Nicloux qui le réalise, ce film revenait sur une affaire française que je ne connaissais pas, étant bien trop jeune au moment des faits.

Ce nouveau film de Guillaume Nicloux est un bon cru qui s’avère surtout extrêmement intéressant. Ici, le réalisateur va s’arrêter sur les deux années qui vont précéder la réélection de François Mitterrand. Racontant date par date, élément par élément, avancée par avancée, fait par fait, on pourra reprocher d’avoir une démarche très scolaire, mais pourtant malgré ce côté « sage », le film se fait passionnant de bout en bout. Guillaume Nicloux aurait pu faire un thriller sous tension, il aurait pu romancer les faits pour les rendre encore plus cinématographiques, mais Nicloux aime sortir des clous et surtout, il aime surprendre et raconter cette affaire comme il le fait là, finalement, s’avère être une démarche des plus intéressantes et passionnantes. Ici, Guillaume Nicloux explore parfaitement ces deux évènements de l’histoire française et mieux encore, il les lie très bien. Que ce soit toute l’enquête sur les attentats commis sûrement par l’Iran, ou l’arrêt sur la première cohabitation de notre cinquième république, le cinéaste français tient très bien sa barre, développe tout sans s’égarer et l’on aurait ainsi pu suivre cette affaire encore bien plus longtemps.

Assez incroyable, en une heure et demie seulement, Guillaume Nicloux explore aussi bien les dessous de son enquête, les raisons, les motivations, les avancées, il s’arrête sur la bataille des ambassades, évènement incroyable de l’histoire, il traite parfaitement ses personnages, tout comme le réalisateur va être aussi capable de parler de géopolitique, de politique intérieure de manière précise. Il développe très bien l’ambiguïté de la relation entre Mitterrand et Chirac. Et alors que l’affaire, ou plutôt les deux affaires, se sont déroulées il y a désormais plus de trente ans, son film résonne encore très actuel sur certains de ses sujets, attentats, sécurité intérieure, lutte contre le terrorisme, réforme du pays, sournoiseries et manipulations politiques… Bref, c’est passionnant vous dis-je.

Seul petit hic contradictoire dans ce beau tableau, le choix de son casting, car tous les comédiens choisis sont vraiment très bons, le souci, c’est qu’ils ne correspondent à aucun moment au personnage qu’ils incarnent. Michel Duchaussoy en François Mitterrand, Thierry Lhermitte en Jacques Chirac, Jacques Spiesser en Édouard Balladur, André Marcon en Charles Pasqua… Visuellement, ça ne fonctionne pas, et en même temps, c’est très étrange, car finalement, malgré ce constat, le film dans son ensemble fonctionne et comme je le disais, il se fait passionnant. Pour le reste du casting, notons aussi qu’il faut compter sur des acteurs comme Malik Zidi, Eric Elmosnino, Karim Leklou, Olivier Rabourdin… Bref, malgré ce qui est évoqué plus haut, Guillaume Nicloux s’offre son meilleur casting, son plus osé dans un sens et son plus intéressant.

Très peu connu dans sa filmographie, « L’affaire Gordji, histoire d’une cohabitation » mérite complétement d’être redécouvert alors qu’il est sorti de l’anonymat. Guillaume Nicloux signe là une œuvre très intéressante de par ses choix, narration, sujet, casting. Guillaume Nicloux est vraiment un cinéaste à part dans le paysage du cinéma français, et même quand il répond à une commande, il arrive à se démarquer et étonner.

Note : 14/20

Par Cinéted

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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