mars 19, 2024

Gala-Dali – Carmen Domingo

Auteure : Carmen Domingo

Editeur : Les Presses de la Cité

Genre : Biographie

Résumé :

1980, un château au nord de la Catalogne. Une vieille femme s’apprête à mourir, les miroirs de sa chambre recouverts de voiles. Car Gala, née en Russie en 1894, n’est pas prête à affronter l’outrage du temps. Elle préfère revisiter sa vie : son enfance solitaire dans la haute société russe, son séjour dans un sanatorium et sa rencontre fulgurante avec le jeune Paul Éluard, leur correspondance enflammée, la grossesse chaotique, les amours débridées, le cercle des surréalistes, les fêtes, les premiers orages, la décision qu’elle prendra de rendre à Paul sa liberté. Et Salvador Dalí, celui qu’elle pressent comme le plus grand peintre du siècle, qu’elle épousera en 1952 et pour qui elle sera tout – son agent, son épouse et sa source intarissable d’inspiration.

Avis :

Le nom de Dali vous dit peut-être quelque chose si vous vous intéressez à l’art en général et aux artistes connus pour leurs facéties totalement délurées. Salvador Dali est de cela : on le reconnaît très rapidement sur les photos grâce à sa moustache retroussée et à son air ahuri, comme dessiné sur la couverture. Ses tableaux, tout comme son trait de pinceau, ont fait parler de lui et son musée est très visité chaque année, à Figueras. On le voit de loin grâce à la ribambelle d’œufs faisant le tour du bâtiment…

Vous connaissez sans doute moins Gala, sa muse et celle qui a été à ses côtés de nombreuses années, tant pour l’inspirer que pour s’occuper de lui. Sans elle, Dali n’aurait certainement jamais eu la gloire qu’il a amassée au fil des années. Une muse, une visionnaire, une gestionnaire, une nourrice, une maman, une épouse, une concubine, une amie… un peu tout cela à la fois.

Le roman est centré sur cette femme mystérieuse. Il n’est ainsi pas aussi déjanté que le peintre, mais bien plus sérieux et sévère qu’il n’en paraît. Dali n’apparaît pas de suite, seulement à partir de la seconde partie, lorsque Gala le rencontre enfin. Le début du récit est davantage focalisé sur une jeune femme ambitieuse qui cherche à s’émanciper et à vivre selon ses désirs. Le lecteur ressent rapidement sa frustration, sa quête d’elle-même et le fait qu’elle n’est pas une femme de son époque ni une femme ordinaire.

La vie de famille ne l’intéresse pas et les premières lignes, commençant sur sa fin de vie, sont d’ailleurs douloureuses étant donné qu’elles amènent d’emblée une confrontation avec sa fille. On est ainsi rapidement plongés dans le bain : Gala est une personnalité fascinante, bien différente des clichés habituels et qui n’est pas toujours simple à comprendre ou à cerner. Le lecteur pourra se trouver enivré ou, au contraire, plutôt énervé tant il n’est pas simple de s’attacher à cette figure détonante et bien éloignée des muses habituelles ou traditionnelles. Gala sait ce qu’elle veut et ne laissera aucun homme lui dicter sa conduite.  

Son premier pan de vie avec Paul Eluard, un célèbre poète français, est prenant car il laisse entr’apercevoir ce que deviendra Gala par la suite. On la voit petit à petit prendre les rênes de sa vie, décider pour son couple et surtout prendre en main la célébrité et le talent de son mari. Gala est une muse active, forçant le poète à s’améliorer, à écrire sans cesse, à sortir des sentiers battus et à s’intégrer à des groupes nécessaires à sa réputation et utiles quant à ses publications. Gala est une femme qui domine et qui rêve d’une vie aisée, remplie de voyages, de renom et d’amis célèbres.   

Dans ce roman, la vie de couple est bien particulière. Tant avec Paul, qu’avec Dali, Gala nous étonne et cherche avant tout le plaisir. Croqueuse d’hommes, nombreux sont passés dans son lit. Paul et Dali, bien au courant de tout cela, n’avaient pas leur mot à dire. Il en est même venu, à un moment donné, un ménage à trois. Gala choque ses contemporains par ses mœurs débridées et peut aussi choquer le lecteur peu habitué à ces pratiques. On ne se croirait pas cent ans en arrière, tant la façon d’être de l’héroïne est singulière. La force de Gala est tout de même contrebalancée par sa maladie récurrente et son fort attachement au tirage des cartes auquel elle fait entièrement confiance. Cette ambivalence et le fait que l’auteure ne nous cache rien, font d’elle un personnage fort et très intéressant.

Sa tranche de vie avec Dali est réellement dingue. Le lecteur doit apprivoiser un artiste fou, aux envies et aux habitudes démentes, qui aime des choses habituellement répugnantes. Tel un génie, il apparaît être comme un enfant au niveau social. On le voit évoluer, devenir de plus en plus célèbre et de plus en plus reconnu à travers le monde, grâce à une Gala avide de pouvoir et d’argent, et qui n’aura de cesse de surveiller son travail et leurs économies.

Le roman nous raconte également la montée en puissance du surréalisme, mouvement dont font partie Paul et Dali, ainsi que plein d’autres artistes également célèbres, comme un certain Picasso. Le roman met aussi en lumière la naissance de Coco Chanel dont les tenues vont vite devenir à la mode et enjoliver une Gala toujours à l’affut des nouvelles vogues. Outre les artistes, l’auteure nous dépeint une Espagne mourante, notamment à cause de la guerre civile et du régime totalitaire de Franco, une France abîmée par les guerres et une Amérique qui devient de plus en plus puissante. L’Histoire n’est pas toujours plaisante à suivre, ni à vivre, et nos héros ont dû apprendre à s’y faire une place, à leur manière.

La partie sur Dali est la plus longue du roman et n’est pas toujours facile à suivre. L’auteur nous détaille en effet toute la vie de Gala à cette époque, ce qui inclut tous ses amants, les innombrables voyages effectués entre l’Amérique, l’Espagne, et la France ainsi que tous les autres déplacements et négociations pour que Dali vende, expose ses œuvres et en peigne de nouvelles sans être gêné ou perturbé par le climat ambiant parfois déstabilisant. Parfois, on ne sait plus vraiment où on en est, tant tout va trop vite. Un voyage par-ci, un voyage par-là, et un retour en Espagne avant de repartir sur Paris… La description des lieux est aussi très précise et parfois un peu longue. Cependant, cela donne un bel aperçu de la vie tourmentée de nos héros et tout y est dit pour les plus curieux.

Il est difficile de s’attacher à Gala ou même à Dali tant ils sont différents de nous. Le roman est une belle remise en perspective de personnages connus mais dont on ne sait finalement pas grand-chose. Le lecteur se retrouvera parfois mal à l’aise, captivé, dégoûté, outré, furieux ou admiratif. L’alternance du passé et du présent est bien réalisée et cela permet à Gala d’établir un bilan sur sa vie. Une conclusion pas spécialement réjouissante mais émouvante.

Gala-Dali est un livre plein d’émotions et d’Histoire combinée.  

Note : 17/20

Par Lildrille

Lildrille

Passionnée d’imaginaire et d’évasion depuis longtemps, écrire et lire sont mes activités favorites. Dans un monde souvent sombre, m'évader et fournir du rêve sont mes objectifs. Suivez-moi en tant qu'auteure ici : https://www.2passions1dream.com/. Et en tant que chroniqueuse aussi là : https://simplement.pro/u/Lildrille.

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