mars 19, 2024

The Witch – Black Sabbath

THE-WITCH

De : Robert Eggers

Avec Anya Taylor Joy, Ralph Ineson, Kate Dickie, Harvey Scrimshaw

Année: 2016

Pays: Etats-Unis, Canada

Genre: Horreur

Résumé:

1630, en Nouvelle-Angleterre. William et Katherine, un couple dévot, s’établit à la limite de la civilisation, menant une vie pieuse avec leurs cinq enfants et cultivant leur lopin de terre au milieu d’une étendue encore sauvage. La mystérieuse disparition de leur nouveau-né et la perte soudaine de leurs récoltes vont rapidement les amener à se dresser les uns contre les autres…

Avis:

Parmi les créatures démoniaques que le cinéma aime à afficher, la sorcière n’a pas forcément une place de choix. Il faut dire qu’elle sert plus souvent à des comédies et pas beaucoup à faire peur. Cela est certainement dû à son rôle dans diverses comptines ou histoires pour enfants dans lesquelles la sorcière tient un rôle ridicule ou drôle malgré elle. Et le cinéma n’est pas en reste, souhaitant garder une image un peu lisse de la sorcière alors qu’elle devrait être tout le contraire. N’oublions pas qu’aux prémices des histoires, les contes étaient effrayants et que chaque personnage méchant était profondément malsain. Il suffit de relire les contes originaux des frères Grimm pour s’en rendre compte. Et hormis quelques métrages plus sérieux comme Le Projet Blair Witch, la sorcière n’a pas eu beaucoup d’éclats rubiconds au cinéma.

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C’est alors que surgit The Witch dans les salles, un film d’horreur à base de sorcière, qui a fait la tournée des festivals et qui s’est fait un petit nom. Cependant, il faut toujours se méfier de la hype, et avoir une bonne réputation ne suffit pas à pleinement convaincre. Surtout quand on sait que derrière ce projet se cache Robert Eggers, un petit réalisateur encore méconnu qui a fait parler de lui en 2013 avec Yellow Brick Road, un film d’horreur chiant comme la mort et sans grand intérêt. Alors quel travail a-t-il fait sur The Witch? La sorcière devra-t-elle encore attendre avant d’être réhabilitée comme créature maléfique? La réponse est non, car The Witch est une petite surprise, qui a ses défauts, mais qui réussit son pari, celui d’instaurer une ambiance malsaine et ésotérique.

Dès le départ, le spectateur est mis au diapason. Avec ce film, soit ça passe, soit ça casse. Avec une réalisation sobre et des coupures sèches, le réalisateur installe d’entrée de jeu une ambiance dérangeante autour d’une famille qui préfère s’exiler pour s’éloigner des faux croyants qui bafouent la parole de Dieu. Nanti d’une bande son angoissante et qui ne fait que monter crescendo, le film va tout d’abord prendre son temps pour présenter ses personnages. Et c’est peut-être là le point le plus intéressant du film, car d’un côté c’est très lent et assez lénifiant, mais d’un autre côté, c’est important afin de créer du sens par la suite. En travaillant ainsi, le cinéaste montre les us et coutumes de cette famille de croyants et tous les indices qui vont faire voler en éclats leur foi. Certains passages sont très forts car avec de toutes petites choses, le réalisateur arrive à faire monter une tension folle et chaque membre de la famille va devenir un suspect potentiel. Alors, c’est parfois un peu mou et il y a beaucoup de non-dits, mais cela rajoute à une ambiance pesante, presque dépressive.

Mais surtout, le film s’amuse avec tous les symboles autour de la sorcellerie et des sorcières. Dans presque tous les plans, il y a des références aux mythes autour des sorcières et chaque scène amène son lot de déviances. Ainsi, outre les animaux référents à l’imagerie de la sorcellerie, on retrouvera aussi les différents signes d’une malédiction, comme l’œuf plein de sang ou encore le lait de la chèvre qui se transforme en sang. Tout ce folklore se retrouve dans ce film mais avec un but précis, faire monter la pression et engendrer chez le spectateur un certain malaise. Certes, cela ne marchera pas sur tout le monde car Robert Eggers prend son temps pour peaufiner une ambiance ésotérique du plus bel effet. On sent tout de même un profond respect pour le mythe de la sorcière et le film se veut très respectueux d’un univers pas suffisamment exploité au cinéma.

Mais en plus de l’ambiance oppressante qui se mélange à un fait historique avéré (la fameuse chasse aux sorcières de Salem dont le film pourrait être la préquelle), on va retrouver quelques fulgurances au niveau de la mise en scène et du jeu des acteurs. En premier lieu, il y a un passage phénoménal autour d’un enfant plus ou moins possédé, sur une séquence très longue. Parfaitement ambiguë et jouant sur la notion de croyance et culte païen, cette scène est absolument parfaite et sert de climax au film qui va s’accélérer par la suite. On pourra aussi se réjouir de la fin, parfaitement malsaine, dérangeante au possible et pourtant si crédible quand on suit le film. Le plus surprenant dans tout ça, c’est la prestation sans faille des acteurs qui sont tous investis dans leurs rôles respectifs, et notamment les enfants qui sont vraiment incroyables.

Enfin, le film ne sera pas ce qu’il est sans un travail poussé autour des décors mais aussi et surtout de l’éclairage. Si l’équipe technique a eu un mal de chien à garder cette forêt inquiétante (arrachage de bourgeons durant le tournage pour que les arbres ne fleurissent pas), le travail sur la lumière, tout le temps tamisée, à la bougie, est tout simplement sublime et permet de se plonger encore plus dans ce monde ténébreux et apeurant. On ressent comme une certaine impuissance dans cet éclairage, renforçant le côté obscur, le rendant plus fort et donnant corps à une vraie menace que l’on ne verra jamais vraiment.

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Au final, The Witch est franchement une réussite sur bien des points même s’il risque de laisser pas mal de monde sur le carreau à cause de son rythme très lent et de son sujet pas si évident que cela. Sans porter de jugement sur la religion, car on sent que finalement la famille reste le lien le plus fort, Robert Eggers signe un film impie réussi qui garde une pression constante sur le spectateur, devenant aussi paranoïaque que la famille. Un film dans lequel l’ambiance prévaut sur tout le reste, à base de symboles et signes sensoriels, qui montre clairement que le cinéma d’horreur peut encore proposer des choses intéressantes et différentes.

Note: 17/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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