Avis :
Le rap français était dans une sorte de stagnation assez alarmante depuis une bonne grosse dizaine d’années. Il faut dire que les seuls trucs à se mettre sous la dent, c’était les nouvelles sorties de IAM et qu’à côté de cela, il n’y avait pas grand-chose, ou alors c’était de piètre qualité (Non, mais qui peut écouter Booba ou encore Rohff ?). Orelsan s’est fait connaître en faisant le buzz avec un morceau ultra violent des suites d’une rupture douloureuse. Difficile alors de se faire une idée sur son talent, mais le texte et le flow était là. En 2000, il rencontre Gringe et commence à faire du rap. Ce n’est qu’en 2006 qu’ils se font vraiment connaître grâce à un clip, Ramen. Après plusieurs mixtapes reconnues dans le milieu, ce n’est qu’en 2012 que l’annonce d’un duo avec un album débute. Il s’en est ensuivi une pléthore de clips, pubs, bande-annonce pour annoncer l’arrivée d’un album. Et c’est fin 2013 que sort cet album concept de rap et même si l’on n’aime pas le rap, force est de constater que la qualité est bien au rendez-vous et que l’on est bien au-dessus de bon nombre de groupes de rap ou de rappeurs solos. Mais qu’est-ce qui fait que ça fonctionne ?
Ce qui fonctionne en premier lieu, c’est le concept même de l’album. En effet, si le marché du disque marche mal, c’est peut-être par manque d’audace et d’inventivité. Combien d’albums avec seulement 10 pistes ? Bref, ici, c’est généreux, avec 17 morceaux, mais en plus ça raconte quelque chose. Les titres sont entrecoupés d’interludes où les deux gus racontent leur vie, essayant de trouver un single avant la fin du skeud. Du coup, comme tout l’album est scénarisé, on a un fil rouge et cela donne vraiment du sens à tous les titres. En plus de cela il y a beaucoup d’humour et c’est relativement bien foutu, jusqu’à devenir addictif.
Au niveau des titres en eux-mêmes, il n’y a quasiment pas de points faibles. On commence avec une intro qui se veut un générique de dessin animé japonais, pour annoncer le réveil de Gringe alors qu’Orelsan cherche des sons à sampler. Par la suite, les titres vont brasser des thèmes relativement larges et avec un certain talent. Par exemple, Prends des Pièces raconte les difficultés à trouver du boulot et à gagner de l’argent. La Mort du Disque pointe du doigt de manière très brutale la déchéance du marché de la musique alors que Dans la Place pour être est un titre nostalgique sur les années 80/90. On peut aussi citer l’excellent Les Putes et Moi, qui parle des expériences avec les prostitués, pesant le pour et le contre de manière intelligente, ou encore Manger c’est Tricher qui parle des beuveries entre potes et dont le texte est une merveille. Bref, il y a de quoi faire et c’est surtout fait avec talent. Les plus prudes pesteront contre les gros mots, mais cela reste anecdotique sur toutes les autres qualités de l’album.
Au niveau de l’instrumentalisation, le duo fait appel à Skread pour la plupart des compos et c’est assez varié, prenant beaucoup de références dans les jeux vidéo ou encore dans l’électro. Par exemple Bloqué est très nettement inspiré par les sonorités de Bennassi alors que Prends des Pièces incorpore des sons de jeux vidéo avec le bruit des pièces de monnaie. Autre chose très intéressante, le groupe n’hésite pas à faire intervenir des guitares et de vrais instruments pour donner plus de variété au skeud. On pense notamment au très court morceau Johnny Galoche mais aussi à Change de Pote qui signe un joli final en solo de gratte. Néanmoins, certains morceaux sont plus classiques comme Manger c’est Tricher ou encore Stupide I Stupide I Stupide I, qui ressemble à du rap plus classique. Enfin, on peut aussi parler des morceaux qui demeurent touchant, ce qui est très rare dans le domaine du rap. On a déjà cité Dans la Place Pour Etre, dans la nostalgie de la jeunesse, mais on a aussi Des Histoires à Raconter, qui parle du passé que l’on ne peut pas effacer, avec un fond de son au piano et c’est vraiment très bon avec un refrain chanté qui rentre immédiatement en tête.
Au final, Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowteurs est un énorme album de rap, d’une grande puissance et surtout d’une grande intelligence. Sorte d’album concept qui raconte une histoire avec des interludes très drôles, l’album est doté d’une écriture d’une grande qualité et le duo forme une osmose parfaite. Entre des morceaux hallucinants et d’autres plus classique, on peut dire aisément que l’on est face à quelque chose de talentueux et qui a beaucoup d’avenir.
- 14h58 Casseurs Flowteurs Opening
- 15h02 Regarde Comme il Fait Beau (Dehors)
- 15h45 Stupide I Stupide I Stupide I
- 16h00 Tu m’Dois de l’Oseille
- 16h22 Deux Connards dans un Abribus
- 17h04 Prends des Pièces
- 18h30 Bloqué
- 19h26 La Mort du Disque
- 20h08 Dans la Place Pour Etre
- 20h13 La Nouvelle Paire
- 22h31 Fais les Backs
- 01h16 Les Putes et Moi
- 01h25 Johnny Galoche
- 01h47 Change de Pote
- 03h53 Manger c’est Tricher
- 04h41 Greenje et Orelsane
- 06h16 Des Histoires à Raconter
Note : 18/20
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Par AqME