octobre 29, 2025

Përl – Architecture du Vide

Avis :

Si l’on en croit certaines personnes, tout art se doit d’être nivelé. C’est-à-dire qu’il existe des arts plus nobles qu’un autre, et donc au-dessus d’un point de vue artistique ou intellectuel. Par exemple, un roman est plus un élément de littérature qu’une bande-dessinée. Si on va plus loin, un poème de Paul Verlaine est largement plus valable qu’un roman de Stephen King. C’est absurde. On peut aimer l’un comme l’autre, et l’art se doit d’être impartial, à partir du moment où il fait ressentir des émotions. Il en va de même dans la musique. Certains veulent nous faire croire que la musique classique est meilleure que les musiques actuelles, et que le métal n’est finalement pas un art musical, car se fondant dans la contre-culture et la révolte. Là aussi, c’est absurde. Tout est une histoire de personne, de ressenti et de vécu.

D’ailleurs, il existe de nombreux groupes de métal qui s’amusent à mêler de nombreux arts afin de devenir un tout complet, ce que l’on appelle un art total, comme pour l’opéra. Et c’est de là que l’on en vient à Përl. Groupe français fondé en 2008, les parisiens ont toujours eu à cœur de mélanger le rock et le métal avec de la poésie. Un mélange qui peut sembler incongru et antinomique, et pourtant, ça fonctionne à pleine régime. D’autant plus quand ledit groupe évolue à chaque nouvel album, et tente de surprendre son audimat en explorant des contrées inconnues. Car après un court album relativement rock en 2013, Përl prend un tournant Métal en 2017 avec Luminance, puis plonge vers les confins obscurs du Post-Black avec Les Maîtres du Silence en 2021, et Architecture du Vide qui nous préoccupe entre ces lignes.

La toute première force du groupe est son chant féminin. Dès le premier morceau, Au Royaume des Songes, on entend le côté mélancolique dans la voix d’Aline, qui se combine parfaitement avec le côté éthéré de la basse et les petites notes de la guitare. C’est doux, les paroles sont pleines de poésie, et on sent une tension palpable qui ne demande qu’à exploser. Ce début est totalement envoûtant, et il est fait avec une maîtrise impressionnante. On reste scotché à cette mélancolie qui nous touche au plus profond, et qui joue avec une ambiance presque maritime, avec le bruit des vagues. Bref, ce démarrage est dingue, et le côté Post-Black prend son temps pour arriver, mais il se pose comme un déluge qui va emporter toutes nos émotions. Le deuxième morceau sera plutôt différent, du moins dans son entrée en lice.

Naufragée des Nuages commence avec un chant crié puissant et percutant, qui va ensuite laisser la place à un rythme plus scandé et un chant qui se rapproche presque d’un rap. Cependant, le côté poétique est toujours présent, avec une écriture fine et mélancolique, qui permet ensuite au groupe de se lâcher sur son aspect Post-Black, entre riffs aériens, basse ultra présente et chant crié un peu étouffé. En seulement deux titres, le groupe démontre tout son talent pour garder sa poésie, tout en jouant sur les codes du Métal. Il n’est guère étonnant alors de voir une cover de Solstafir, tant le groupe trouve des accointances avec la formation islandaise. Fjara sera traduit en français, et ça marche du tonnerre. C’est doux, c’est insidieux, il y a une pointe de Folk qui vient nous cueillir, bref, c’est un petit chef-d’œuvre à lui tout seul.

En abordant La Chute, on ressent encore toute la colère du groupe, qui offre une ligne de basse prédominante, ainsi qu’un chant crié qui est très poignant. Les accélérations de rythme sont toujours contrebalancées par des riffs aériens qui prennent aux tripes, et l’ensemble est d’une cohérence folle. Et que dire de la voix divine d’Aline, qui joue constamment avec les textures et les émotions. Arcipelago se fera plus sombre, plus étrange, et aussi plus angoissant dans son démarrage. Le groupe joue de son ambiance à la fois poétique et mortifère, comme un conte d’Edgar Allan Poe, ou une nouvelle de Lovecraft. De ce fait, difficile de ne pas tomber amoureux d’un tel titre. On émettra un petit bémol sur Land’s End, dont l’arrivée de l’anglais gâche un peu le délire, avec en prime un refrain peu efficace. Mais Que l’Eclat Fasse Demeure clôture l’album avec grâce et beauté.

Au final, Architecture du Vide, le dernier album de Përl, est une pleine réussite, qui démontre qu’il est totalement possible d’allier le métal avec la poésie, tout en gardant une certaine brutalité. Les parisiens offrent un disque complet, riche, qui touche au plus profond et affichent un Post-Black qui n’a rien à envier aux cadors du genre, comme Deafheaven ou Harakiri for the Sky. Bref, un coup de cœur qui mérite amplement son écoute.

  • Au Royaume des Songes
  • Naufragée des Nuages
  • Fjara (Solstafir cover)
  • La Chute
  • Arcipelago
  • Land’s End
  • Que l’Eclat Fasse Demeure

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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