
De : Robert Altman
Avec Jennifer Jason Leigh, Harry Belafonte, Miranda Richardson, Michael Murphy
Année : 1996
Pays : Etats-Unis, France
Genre : Thriller, Polar
Résumé :
Evocation de Kansas City, ville de tous les dangers, dans les années trente à travers les aventures d’une jeune télégraphiste qui kidnappe la femme d’un homme politique influent afin d’obtenir la libération de l’homme qu’elle aime, petit malfrat tombé dans les griffes des gangsters.
Avis :
Robert Altman est un réalisateur qui a commencé sa carrière dans les années 40 en proposant ses scénarios à un certain Richard Fleischer. Par la suite, le futur cinéaste s’installe à Hollywood, enchaîne quasiment tous les corps de métier du septième art, jusqu’à proposer un premier long-métrage, puis quelques épisodes sur des séries cultes de l’époque. Il atteint une première renommée dans les années 70 grâce à M.A.S.H. qui obtiendra la palme d’or au festival de Cannes. Durant les années 80, il subira une légère traversée du désert, et devra alors attendre les années 90 pour renouer avec un succès flamboyant. En effet, en 1992, il propose une critique acerbe de Hollywood avec The Player, et cela lui permettra alors de s’attaquer à certains sujets sociétaux dans divers films et sous divers genres. Par exemple, en 1996, il propose Kansas City qui s’attaque ouvertement aux politiques.

Le film se déroule dans les années 30, à Kansas City, et l’on va suivre une jeune femme qui prend en otage la femme d’un homme politique qui a de l’influence. Elle ne fait pas ça par hasard, puisqu’elle compte utiliser les relations de l’homme politique pour sortir son compagnon des griffes d’un réseau de gangsters. Il faut dire que son petit ami a braqué le mauvais bougre, et qu’il se retrouve dans une situation plus que délicate. Le scénario est relativement simple, mais il va se complexifier avec sa narration qui, au départ, est éclatée. Alors qu’elle fait son kidnapping, on aura droit à des flashbacks pour montrer comment son petit ami s’est fait attraper par la pègre locale. Rien ne nous est indiqué, mais le montage est fait de telle façon que l’on comprend vite la temporalité des évènements.
« L’écriture est fine et intelligente »
Le film va alors jouer sur deux tableaux. En premier lieu, on va suivre cette forte tête qui kidnappe une autre femme par amour, pour sauver son homme. Il va alors s’établir une relation ambigüe entre les deux femmes, entre amour et haine, où elles vont apprendre à se connaître. Le scénario est écrit de façon à se qu’on se prenne d’affection pour la kidnappeuse, qui fait ça de façon désespérée, transie d’amour et du besoin viscérale de sauver son homme. Le film se déroulant dans les années 30, on assiste bien évidemment à une ségrégation (ainsi qu’à la prohibition), et on ne pourra que ressentir de l’empathie pour cette femme qui va sauver une jeune fille black des griffes d’une maquerelle, pour la placer dans un endroit sécurisé pour elle. L’écriture est fine et intelligente, car la supposée méchante ne l’est pas.
Et histoire de la caractériser encore plus, elle parle de façon assez vulgaire, ne pouvant alors renier son statut social, face à une femme bourgeoise qui subit, et pour laquelle on aura plus de mal. Une femme qui semble soumise, addict à un sirop qui semble l’abrutir, amis qui va dévoiler sa vraie nature dans un final surprenant et nihiliste au possible dans son message envers la bourgeoisie et les politiques. Car oui, c’est à travers le portrait de ces deux femmes que l’on assiste à une vision bien pourrie de la vie politique, avec des personnalités véreuses, et notamment un homme qui préfère attendre le résultat d’une élection au lieu de venir sauver sa femme. On y voit, en filigrane, tous les rouages machiavéliques d’un monde à part, au-dessus des lois et du petit peuple, sachant pertinemment que de toute façon, l’homme politique arrivera à ses fins.
« ça reste finalement assez simple et attendu »
En deuxième plan, on va suivre la séquestration de ce petit malfrat qui voulait juste voler de l’argent à un riche noir, et qui va se faire avoir à cause d’un maquillage trop grossier. Ici, le film pointe du doigt la pègre, les petites magouilles pour s’en sortir, mais aussi les méfaits d’une ségrégation qui pousse une partie de la population afro-américaine à faire du trafic pour s’en sortir. Et aussi à montrer une impitoyabilité pour faire peur et assoir une certaine notoriété. Ce côté-là est plutôt bien fait, et plus violent que le portrait des deux femmes, mais on restera sur notre faim quant au caïd en question, qui en fait des caisses, mais aussi à son bar, qui a pignon sur rue, mais ne semble pas être inquiété par les forces de l’ordre. Il y a un certain manque à ce niveau-là.
Mais il y a autre chose qui fait que Kansas City n’est pas un immanquable de la filmographie de Robert Altman, c’est sa réalisation et son ambiance. C’est propre, c’est bien fichu, ce n’est pas désagréable à l’œil, mais ça reste finalement assez simple et attendu, et on a le sentiment de voir un film un peu fainéant sur les bords en ce qui concerne la technique. De plus, le film est inutilement long. Le réalisateur devait certainement être fan de jazz, puisque pour passer d’un portrait à l’autre, on a droit à des bouts de concerts de jazz qui se déroulent dans le club du parrain. Si musicalement, c’est sublime, et que ça rentre dans l’ambiance recherchée par le film, on reste sur des passages qui sont inutiles à l’intrigue, et qui ne semblent être que des plaisirs égoïstes de la part du cinéaste.

Au final, Kansas City est un Robert Altman sympathique, mais qui ne fait pas partie de ses classiques. Si le film est bien ficelé, qu’il ne suscite aucun ennui, et que les acteurs sont très bons, à commencer par Jennifer Jason Leigh, on reste tout de même sur un scénario simpliste, qui essaye de compliquer les choses pour se rendre plus dense, alors qu’il n’en a pas vraiment besoin. De plus, d’un point de vue technique, on fait face à un film qui manque d’ambition, et qui aurait gagné à être plus fumeux dans son atmosphère. Bref, c’est un bon film, mais pas le meilleur de la filmographie de son réalisateur.
Note : 14/20
Par AqME