
De : Jeff Barnaby
Avec Michael Greyeyes, Elle-Maija Tailfeathers, Forrest Goodluck, Kiowa Gordon
Année : 2019
Pays : Canada
Genre : Horreur
Résumé :
Les morts reviennent à la vie aux abords de la réserve micmaque de Red Crow, à l’exception des habitants autochtones qui semblent immunisés contre cette épidémie. Devant la menace grandissante, Traylor, le shérif de la communauté, doit protéger la petite-amie enceinte de son fils et les habitants de la réserve, mais aussi gérer la vague de réfugiés blancs qui viennent se mettre à l’abri…
Avis :
Ce n’est pas une nouveauté, mais à chaque fois qu’un nouveau film de zombies sort, on se pose la même question : qu’est-ce que cela va apporter au genre ? Depuis les années 60, on nous bassine avec ce sous-genre de l’horreur, et même si l’on a eu quelques pépites, on a aussi eu un nombre incalculable de daubes qui ne racontaient pas grand-chose. Alors forcément, quand on pose nos yeux sur un film de morts-vivants qui n’a pas fait grand bruit, on n’est un peu inquiet, mais parfois, la curiosité l’emporte, et encore plus lorsqu’il s’agit d’un film canadien qui utilise le zombie comme parabole du racisme et de la ségrégation des peuples amérindiens. C’est ce que propose Blood Quantum de Jeff Barnaby, lui-même d’origine amérindienne, mais on ne peut pas dire que le résultat soit à la hauteur de nos espérances.

Le début est pourtant prometteur, et le film s’annonce comme un slowburner, à savoir un film lent qui prend son temps pour démarrer, et surtout poser l’infection. On se retrouve avec des faits étranges qui touchent une petite communauté d’autochtones, avec notamment des poissons morts qui reviennent à la vie, puis des habitants qui se transforment en zombie. Le démarrage est très lent, le cinéaste voulant peaufiner son ambiance afin de donner une atmosphère délétère à son film. On peut dire que c’est réussi, car même si on se perd un peu dans les personnages, on a droit à un shérif attachant qui va devenir un sauveur pour sa communauté. Les plans sont beaux, il y a une vraie recherche esthétique, et on sort un peu du carcan du film de zombie mal foutu destiné au marché du DTV. Et les effets spéciaux ne sont pas si mal.
« on ne peut pas dire que le résultat soit à la hauteur de nos espérances. »
Malheureusement, après une si bonne introduction, le scénario décide de partir six mois plus tard, et de virer au film post-apo de base. Ici, les pistes se brouillent, les personnages deviennent trop nombreux, et on ne comprend pas trop ce qui se passe. En gros, les habitants d’origine amérindienne, qui sont immunisés, vivent dans de grandes villes forteresses, et ils doivent faire face à une forte vague d’immigration de la part de réfugiés blancs. Bien évidemment, cela va créer des tensions entre les habitants, entre ceux qui veulent accueillir tout le monde, et ceux qui veulent rester entre eux. Le film renverse la situation actuelle, inversant les rôles de réfugiés pour pointer du doigt la ségrégation et injuste et le racisme. Si l’idée est bonne, on ne va hélas rester qu’en surface dans ce domaine, le film voulant alors vers quelque chose de plus simple.
En fait, Jeff Barnaby va utiliser les tensions au sein de la communauté pour créer une dissension entre les pro réfugiés et les contre, et on va avoir droit à une trahison et deux jeunes qui furent meilleurs amis, et qui vont devenir pires ennemis. Le problème, c’est que ces personnages de jeunes gens sont à peine esquissés, et que l’on ne va ressentir aucune empathie pour eux, que ce soit pour le méchant pas beau qui est prêt à sacrifier une femme enceinte, ou pour le gentil fils du shérif qui va alors devoir affronter son ex meilleur pote dans un duel fratricide. Tout cela est très attendu, mais on va se perdre aussi dans la nuée de personnages secondaires qui gravitent autour des deux personnages, et qui n’auront, in fine, aucun impact sur quoi que ce soit, et donc aucun intérêt.
« Les thèmes exploités sont à peine survolés »
Et d’intérêt, c’est ce qui manque au film. Les thèmes exploités sont à peine survolés, et se perdent dans une intrigue qui est finalement d’une banalité affligeante. De plus, au niveau de la mise en scène, à partir du moment où l’on file vers un truc vaguement post-apocalyptique, le film souffre d’un glow down flagrant. Tout devient terne, il n’y a plus de plans recherchés et le réalisateur souffle quelques images dignes d’une série comme The Walking Dead, mais pas forcément d’un vrai film destiné au cinéma. Alors oui, la vraie chose qui vaut le coup, c’est le côté gore décomplexé qui permet au long-métrage de se sortir un peu de la masse. C’est sale, c’est généreux, et on sent que le film aurait pu être bien meilleur avec une meilleure histoire, et une meilleure gestion de la narration. On se rend compte d’un potentiel partiellement perdu…

Au final, Blood Quantum est un film de zombies qui avait de nombreux bons ingrédients pour lui. Evoquer le racisme, se mettre à la place de ceux qui doivent accueillir des réfugiés, tenter une vague saillie politique, Jeff Barnaby avait plein d’idées, et malheureusement, le film se perd dans ce trop-plein, ne racontant pas grand-chose et se dévaluant au fur et à mesure des minutes qui s’écoulent. Après un démarrage lent mais beau, le film perd de sa superbe, et rentre dans un carcan classique auquel il ne réchappera pas, envoyant alors son spectateur dans les limbes de l’ennui…
Note : 06/20
Par AqME